Ma chère Karele, ma marraine-filleule de plume, mon amie d’ici et d’ailleurs,
Comme tu le sais, j’ai toujours aimé les mots pour ce qu’ils me permettent d’exprimer sur le papier quand ma gorge est trop nouée et que ma voix s’y refuse, mais parfois les mots me manquent pour décrire ce que je ressens. Surtout en ce moment, car tu as beau m’avoir maintes fois prévenus qu’avec ta santé galopante, tu considérais que ta vie ne tenait qu’à un fil et que chaque instant vécu auprès de ceux que tu aimes était en soi déjà une victoire de plus sur toutes ces divinités dont tu adorais t’inspirer et qui ont fini par te rappeler auprès d’eux, maintenant que tu n’es plus là, je réalise encore plus douloureusement à quel point tu vas me manquer.
Je n’oublierai jamais nos impressions échangées sur nos premières heures ici. Comme on a hésité à plonger en eaux troubles et qu’on s’est sentie gauche en tant qu’autodidactes en informatique, quand on a débarqué sur la mare, à un jour d’intervalle, en octobre 2013. Je me souviens, comme si c’était hier, que cela ne t’a pas empêché d’y tremper courageusement ta première palme et d’être venue me souhaiter la bienvenue dans la foulée.
Après des essaies hésitants et quelques erreurs de débutants, nous nous y sommes retrouvées comme un poisson, des grenouilles dans l’eau, à barboter dans cette mare chaleureuse et à sautiller de nénuphar animé en nénuphar chocolaté. Puis à échanger et à partager nos péripéties d’auteures amateurs autour de nos premiers challenges épiques et de nos premières bêta-lectures, aussi douloureusement confrontant, qu’instructives.
Je me souviens que lors de tes premiers pas sur les Papyrus, tu te disais impressionnée et te sentais humble face aux retours des grenouilles à cape orange, fuchsia, vert sapin et violettes et un peu plus à ton aise avec ceux vêtu d’un simple vert clair, jusqu’à ce que tu découvre que chaque couleur cachait bien des talents inestimables. Tu redoublais d’effort pour te sentir digne de ceux qui t’accordaient de leur temps et désespérait parfois de ne pas pouvoir rendre bêta pour bêta à ceux qui te permettaient de progresser. Tu ne semblais jamais vraiment vouloir accepter l’idée que tu avais tout autant à offrir en partage. Tu te contentais de considérer comme normal et bien peu de choses, tout ce temps que tu consacrais aux autres.
En attendant, d’année en année, de fils de discussions en challenges relevés, on en a fait du chemin ensemble dans cette mare bienveillante à bien des égards.
Tu as été d’un soutient sans faille, d’une gentillesse à toute épreuve et malgré, aussi bien que grâce à, ton fort caractère, on a toujours pris plaisir à débattre ensemble sur bien des sujets, à échanger nos doutes sur cette légitimité, ou non, de se considérer comme une auteure tant qu’on n’est pas publié et à se remonter le moral mutuellement quand le découragement nous prenait ou l’inspiration venait à nous manquer.
J’ai adoré te découvrir IRL lors de notre première convention commune en 2014, où tu as finalement pu te rendre grâce à ta fille qui t’avait conduite jusqu’à nous. Tu te tenais en retrait, tu voulais rester discrète, ne pas t’imposer, car tu disais qu’il fallait laisser les jeunes briller dans la lumière et aux « vieilles carnes comme nous » d’œuvrer dans l’ombre, (comme si vers la cinquantaine on soit soudain devenus vieilles) mais quand il était question de Kawa (comme tu appelais ton breuvage noir et corsé préféré), tu étais au premières loges.
Puis comment oublier tous ces GIF crées pour le plaisir des yeux autour de chacun des tes post sur ton challenge, avec papi ordi, comme tu aimais à l’appeler et qui t’en faisait voir de toutes les couleurs, alors que tu t’attelais à sauvegarder chacune de mes publications Sunset et à miniaturiser mes photos de soleils couchants ou de pleines lunes joueuses. Je pari que l’équipe des informaticiens qui œuvrent en tout discrétion dans les eaux troubles pour préserver le bon fonctionnement du ce merveilleux forum s’en souviennent encore.
Je ne te l’ai sans doute pas assez dit, mais si tu savais comme j’ai été très fière de recevoir un exemplaire dédicacé de ta première publication et ravie pour toi de voir depuis ton travail acharné couronné de ce succès tant espéré.
Puis j’ai été trop contente de te voir finalement accepter d’endosser la cape violette à ton tour, car j’étais certaine que tu aurais pris autant de plaisir que moi à découvrir l’envers du décor et à t’investir encore d’avantage auprès des challengers.
Je regrette que ton cœur si grand, et aussi profondément bienveillant que la mare peut l’être, ait rendu l’âme trop tôt. Et pas seulement pour moi, mais surtout pour tout ceux qui n’auront pas, ou plus, la chance de pouvoir bénéficier de ton soutient sans faille, tes encouragements inconditionnels, tes avalanches de cœurs et tes généreuses distributions de chocolat et de tournées de nénuphou.
Karele, tu vas nous manquer.
Ta plume s’est peut-être envolée vers l’infini et l’au-delà, mais je me plais à croire que ton étoile mythique continuera à veiller sur tous ceux qui t’étaient chers, comme sur ceux avec qui tu partageais ta passion de la vie, ta soif d’apprendre et ton désir de partage inconditionnel.
Merci de m’avoir permise de faire un bout de chemin avec toi, au-delà des mots, de l’écriture et du partage.
Ton petit soleil,
Sunny