Benedicte a écrit :Un auteur parmi nous que je ne citerai pas et dont je n'évoquerai même pas le nom a décidé de dégrossir son texte. C'est une bonne idée car un texte trop long peut éventuellement gêner un éditeur qui ne veut pas mettre trop d'argent dans la fabrication d'un livre sans être certain d'un retour sur investissement. Or, plus de signes = plus de cout pour fabriquer le livre. Par contre, ses choix de coupe ne me semblent pas des plus avisés, mais c'est lui le chef, hein...
D'abord rectifions l'idée que plus de signes = plus de coût pour fabriquer un livre.
Ce n'est pas vrai.
Le coût réel dépend surtout de ton tirage.
A peu d'exemplaires, ça va te coûter cher... et on te fera payer les pages à un tarif prohibitif.
A 5000 exemplaires, tu obtiens des prix de gros, et les prix à l'unité deviennent dégressifs.
Il s'agit de l'économie d'échelle.
Que le produit soit dense ou très large n'y change rien.
Bien sûr, tout dépend de la matière première, et encore... même l'or, tu finis par le payer au kilo.
Au bout du compte, plus tu achètes gros, plus tu obtiens des tarifs intéressants.
Un éditeur qui publie 500 ouvrages différents chez un imprimeur, tous basés sur le même gabarit va donc obtenir des prix très bas (à l'unité).
Quels avantages peut-on trouver un livre peu épais.
- il peut se lire partout (surtout en poche).
- s'il est soûlant, par chance il ne durera pas longtemps.
- il pourra être lu par les collégiens et lycéens (ce qui lui assure une certaine place au Panthéon des classiques. Le court peut être étudié en classe.)
- on peut en imprimer plus d'exemplaire pour le même remplissage d'un carton, ou pour la même auteur de pile. (eh oui, la logistique, ça compte. Le poids est aussi un critère de choix, et de sélection au final),
Quels désavantages :
- S'il est bien, on va pleurer pour avoir la suite, ou un autre du même. (pas forcément du même auteur
)
- tout le monde n'accède pas au statut de classique (et c'est tant mieux
)
- c'est plus difficile à écrire, on ne peut pas se rattraper en cas d'erreur. Comme au Scrabble, chaque mot compte double !
- Le lecteur peut avoir l'impression de se faire avoir si le prix est identique à un gros volume.
(C'est le réflexe pavlovien du plus c'est gros, meilleur c'est.
)
Pour ma part, je n'ai pas encore eu le problème de devoir couper un texte parce qu'il était trop long. Cela m'est arrivé une seule fois sur le premier chapitre de mon roman juste avant l'envoi à l'éditeur. J'ai fait une coupe sauvage de 20% du chapitre à cette occasion et j'ai eu raison. J'en ai retiré des scènes et des informations qui n'apportaient rien à l'intrigue.
Est-ce que cela vous est déjà arrivé de devoir dégrossir votre texte, nouvelle ou roman ? Dans ce cas, comment vous y prenez vous ? Vous supprimez des passages entiers, des personnages, des scènes ou vous vous contentez de fignoler votre texte pour raccourcir légèrement vos propos ? Des astuces ? Une méthode ? La parole est à vous.
Oui, ça m'est déjà arrivé.
Surtout pour rentrer dans des critères de taille.
Et il ne s'agissait pas de raccourcir "légèrement" mes propos.
Raccourcir, épurer, ça suppose de découper son texte en scènes, en images.
Une découpe en scènes permet de savoir si chaque scène permet bien à l'intrigue de progresser, si chaque scène est utile. (on peut aussi mettre "phrase" à la place de "scène")
Si le lecteur est incapable de comprendre la situation quand on shunte une scène. (l'ellipse)
On peut aussi tester les phrases une à une, en faire disparaître une et se demander : on perd quelque chose au niveau du sens ? Si oui, quel(s) mot(s).
Sur Word, il suffit de lui donner la couleur blanche (ou celle du fond), le temps de la relecture. Et ensuite Edition Annuler, avant de passer à la suivante.
C'est un travail de fourmi, comme le gueuloir.
Mais ça permet de distinguer deux éléments importants :
- l'ossature du texte (les liens entre les éléments)
- et les scènes clefs incontournables (chapitre par chapitre)
Les autres scènes sont les muscles, qui concourent à atteindre ces scènes clefs... le reste, c'est le gras, dans lequel on peut tailler.
En numérotant les scènes, et en les résumant, on peut établir les liens entre elles au moyen d'un tableau.
La scène 1 implique la scène 2, et on retrouve des éléments dans la scène 5 (un personnage, un objet, un lieu, etc.)
Si je mets un fusil en scène 1, on le retrouve en scène 2 pour la scène de chasse, et il est utilisé en scène 5 pour le meurtre. Ça colle.
Si je mets un fusil en scène 1, et qu'il n'a aucun lien nulle part. Alors il fait partie du gras.
Là, se pose deux possibilités
- je le jette
- je le justifie ailleurs. (même en dehors du texte réel, on a le droit aux fausses pistes dans un roman)
La découpe en scènes résumées permet de rendre le texte beaucoup plus solide.
Et beaucoup plus facile à couper.
Si je mets un fusil en scène 1, (que je zappe la scène 2 avec la scène de chasse, en la réduisant à une série de trophées dans la scène 1), et qu'il est utilisé en scène 5 pour le meurtre. Ça colle encore.
Ceci, évidemment, est une formalisation de ce que certains pratiquent en direct dans leur texte, de manière intuitive.
Pour information/rappel, cette formalisation-là, je te la dois Bénédicte
Je l'ai trouvée grâce à toi.
Au niveau de la petite histoire, à force de trop réduire, j'ai complètement détruit une nouvelle pour la mouler dans un nombre de caractères limités.
Beorn a écrit :
Cela dit, à supposer que je serais dans la situation de ce monsieur, après avoir supprimé un personnage et demi, j'en serai toujours à 38000 signes à peine en moins et il faudrait que j'envisage d'autres coupes sombres...
S'il ne s'agit que de coupes sombres, ça va.
)
La coupe sombre, c'est un léger éclaircissement pour une forêt.
La coupe claire, par contre, dégage nettement la forêt, de façon à y voir clair.
A supposer que ce monsieur veuillent encore continuer à tailler, tailler, tailler.
Je pense que l'outil scène à scène pourrait lui être utile.
Mais il faut rappeler à ce monsieur qu'à trop tailler, ou à vouloir trop réduire, on se retrouve avec de l'informe.
Et qu'un texte, de nos jours, c'est environ 200 - 250 000 caractères.
Si jamais ce monsieur venait à le souhaiter, je pourrai lui détailler un chapitre scène à scène, pour lui montrer comment je conçois cette découpe...
NB a écrit :
King (et Misandre) disent : V2 = V1 - 10%
Comme d'autres l'ont précisé, tout dépend de sa façon d'écrire.
Quelqu'un de très synthétique aura du mal avec ce pourcentage.
Lorsqu'un auteur plus prolifique, qui écrit au kilomètre, devrait plutôt viser un - 25 % à - 30 % en caractères.
On a toujours tendance à en dire trop, avec trop de mots.
Un professionnel pourra se contenter d'un -10 %, parce qu'il est censé être déjà économe dans ses moyens, et savoir ce qu'il veut en cours d'écriture.
Je rappelle - quand même - que cette réduction à -25/-30 % est une estimation. Pas une règle absolue. Qu'elle peut être bien plus importante si on développe un monde, que l'on coupe plusieurs chapitres au début, pour trouver le vrai début, ou que l'on écrit des scènes de rencontre entre des personnages qui se connaissent déjà.
Entre ce qui est écrit, et ce qui va rester au final, on atteint souvent cette valeur de - 30 %, et même au-delà.
Mais c'est vrai que couper, c'est bien le plus délicat de l'écriture.
Resserrer est un peu plus simple.
Couper, c'est trancher les liens, et on joue au chirurgien.
Bon courage aux coupeurs de scènes et aux réducteurs de mots.
L'Amibe_R Nard