Pour ma part, j'ai pris une narratrice comme ça pour une nouvelle (longue), mais à mi-chemin, elle m'a gonflée, et mon lecteur m'avait dit que ça le gonflait aussi. Du coup j'ai opté pour la faire parler normalement mais avec quelques expressions "de terroir", éviter les structures de phrases complexes, les mots trop compliqués, et mettre quelques tournures un peu "paysannes" (dans mon cas, c'est une narratrice paysanne du Moyen Âge ; dont le point de vue est en alternance avec une duchesse). J'ai essayé de travailler sur la structure des phrases aussi : ne pas mettre le mot précis qu'il faudrait pour se référer à quelque chose de nuancé (une couleur, un sentiment, etc.), mais écrire une ou plusieurs expressions plus terre à terre pour évoquer l'idée, de tourner un peu autour du pot, parce que la narratrice a une pensée plus brouillonne que si elle disposait d'un vocabulaire précis et sûr. Elle cherche, quand elle pense ; elle se réfère à ses impressions et à ses expériences, au lieu d'employer directement le mot adéquat. (Mais sans s'en rendre compte, sans "..." et sans hésitations marquées, c'est plus un choix en amont, que j'ai fait, moi, au moment de camper la "voix" de la narratrice). Je m'autorise des "Il y avait" et quelques tournures un peu plates, en essayant de faire en sorte que ce ne soit pas lourd non plus. Juste des touches, pour marquer qu'elle n'est pas super à l'aise avec les mots et que son horizon de pensée est assez terre à terre, peu instruit (ce qui ne veut pas dire bourrin, c'est juste dans l'élocution et le niveau de culture, que c'est censé se sentir).Betty a écrit :
Si je n'ai pas trop de souci pour les 2 premiers (même si je n'ai pas encore testé la princesse, je pense la faire narrer de manière assez soutenue) je me pose de grosses questions stylistiques sur la dernière. En fait, j'ai peur d'en faire trop ou pas assez...
Elle a déjà eu des dialogues avec d'autres personnages sans être narratrice et ça donne en gros quelque chose d'assez trivial, elle parle vite, elle mange ses mots, etc. En dialogue, ça ne me gène pas d'écrire un "vous m'faites mal" ou un "'Scusez-moi", mais je ne sais pas jusqu'à quel point je peux faire ça dans la narration même. J'ai peur que ça lasse le lecteur, que ça semble artificiel.
Est-ce que certains d'entre vous ont déjà expérimenté un narrateur avec une narration un peu crue, triviale, simpliste ? Sachant que c'est quand même du YA, je ne veux pas non plus la rendre vulgaire. Ou est-ce que vous avez des exemples de livres ou d'auteurs qui ont des narrateurs de ce type et qui s'en sortent bien ?
Merci !
Je pense aussi que ça peut ressortir d'autant plus par contraste avec les autres narrateurs : si tu enchaînes d'un narrateur au langage précieux sur un au langage plus populaire, même sans accentuer exagérément le premier, on notera la différence et ça suffira, je pense.
Bon, dans mon cas, je sais pas ce que donne le résultat (j'ai pas encore fini), mais il m'a semblé que c'était une solution viable, si elle est bien menée (reste à arriver à bien la mener ). Parce qu'un vocabulaire trop "populaire (non réaliste)" va vite être saoulant pour le lecteur. Quand on écrit, tout le langage est un code : il suffit d'un peu de sauce pour lui donner l'air d'un ragoût. Je pense que le mieux c'est de rester fluide et agréable à lire, tout en mettant quelques gouttes de "langage du peuple" pour faire couleur locale.
Après, l'autre choix à effectuer me semble être dans les dialogues, lorsqu'on est du point de vue de ce personnage au langage peu aisé. Dans la nouvelle sur laquelle je bosse, j'ai un lecteur qui a été gêné par le fait que les dialogues étaient plus oralisés que la narration. Je pense que je vais quand même garder ce postulat : la narration à "je" relativement fluide, et plus de marque d'un langage de bas peuple dans les dialogues. Parce que de toute façon, la narration est une reconstruction des impressions et sentiments de la narratrice, c'est pas un discours qu'elle pense consciemment. Donc ça me semble logique qu'elle ne pense pas exactement comme elle parle. Comme quand on a une narration à "je" dans un style non marqué par une classe sociale ou un style particulier, bref, un "je" normal : ça ne me choque pas si, dans les dialogues, le personnage saute les négations, alors qu'il ne le fait pas dans le corps du texte. Parce que le dialogue est oralisé, tandis que la narration est une construction. (Enfin le dialogue aussi mais le dialogue est censé refléter ce que dit verbalement le personnage). Donc j'ai opté, pour ma part, pour un personnage dont le langage est davantage "oralisé" dans les dialogues que dans le flux de ses pensées.
Enfin, c'est juste un avis ; j'n'avions point d'solution miracle, crédiou.