Il est aussi légitime pour un écrivain de chercher à mettre en valeur sa plume, que pour un, ou une, galante de renforcer sa séduction lors d'un premier rendez-vous. De même que le deuxième use parfois excessivement d'eau de toilette, le premier est souvent tenté d'abuser des adjectifs. Dans les deux cas, le plus est l'ennemi du bien.
Imaginez l'instant de la première proximité, que ce soit au creux de deux fauteuils d'un cinéma de quartier, ou sur le banc isolé d'un parc public, le visage et l'âme ouverts à la découverte de l'autre, lorsqu'un effluve de Cologne étouffe la magie du moment. On ne pense plus à l'autre et au lieu de vouloir s'en approcher, on recule. Inutile et nuisible, cela n'est pas forcément fatal. Gageons d'ailleurs que par la suite, le ou la galante abusera moins des artifices pour plaire, et plaira d'autant plus.
Voilà ce qui m'arrive dans de nombreux livres (car qu'est-ce qu'on livre sinon une rencontre avec un inconnu qui cherche à vous séduire ?). Combien de premier chapitres ressemblent à des concours d'adjectifs pour rivaliser de puissance évocatrice ? Aucune chevelure qui ne soit "lourde", "belle" ou "resplendissante". Aucun regard qui ne soit "intense". Personnellement, j'en ai vite la tête qui tourne et c'est avec impatience que j'attends les pages où l'auteur me raconte tout simplement son histoire avec des mots qui viennent de lui plutôt que du dictionnaire.
Il est bien qu'un premier premier chapitre se remarque, certes, mais trop d'adjectifs n'apportent que de l'artificiel à un style. En parfum comme en littérature, soyez naturels et soyez vous-même.
