[A] Comment se passe un Comité de lecture
Posté : mar. févr. 15, 2011 2:12 am
Je me lance en recopiant ma présentation : je m'appelle Christophe Nicolas, j'ai 36 ans, et je viens de publier mon premier roman aux éditions du Riez (Un Autre - thriller fantastique). Suite à l'acceptation du manuscrit, j'ai intégré le comité de lecture de l'éditeur. C’est cette expérience que je me propose de partager avec vous en vous donnant quelques tuyaux pour mieux cibler vos envois. Je connaissais déjà le blog de Syven où pullulent les bons conseils et, depuis mon inscription, j’ai découvert celui de Tonton Beorn, non moins excellent. Du coup, ma démarche pourra paraître redondante, mais tous les témoignages sont bons à entendre.
À savoir que j’ai aussi dirigé le fameux numéro 16 de l’anthologie Emblèmes des éditions de l’Oxymore sur le thème des 5 sens. Je pourrais aussi parler du choix des nouvelles dans une anthologie.
Pour les romans, comment ça se passe ? (expérience personnelle)
Je reçois les manuscrits par mail, sans lettre de présentation. Je ne sais donc pas pour quelle collection le texte postule (SFFF, thriller/polar, blanche). L’éditeur attend de moi une fiche de lecture plus ou moins détaillée en fonction du moment où mon avis est arrêté. Je ne sais pas exactement comment lui sélectionne les romans qu’il m’envoie.
Qu’est-ce qui arrête mon avis ?
Avant de lire :
Dès que je reçois le manuscrit, je fais une recherche Google : si le roman peut être lu sur Internet ou s’il a déjà été auto-publié, c’est fini. En effet, la survie d’un petit éditeur se joue parfois à quelques centaines (voire dizaines) d’exemplaires vendus. Ce n’est pas pour rien qu’il réclame des textes inédits.
Les premiers paragraphes :
C’est à ce moment-là qu’on découvre l’écriture de l’auteur. Et on se rend rapidement compte si un texte est écrit en français ou pas. Des fautes d’orthographe, de grammaire, des phrases mal tournées et incompréhensibles, et c’est fini.
Malgré les consignes de soumission pourtant claires du Riez, certains envoient des recueils de nouvelles. C’est fini aussi.
Le premier chapitre :
On entrevoit une ébauche d’histoire, les personnages principaux. C’est le moment d’attraper le lecteur, de lui donner envie de lire la suite. Rappel : ces conseils s’adressent à des auteurs inconnus qui envoient un premier roman à un petit éditeur. Généralement, le petit éditeur évitera de publier un roman trop long (pour des raisons économiques, tout simplement, car le coût de revient et prix de vente sont fixés en fonction du nombre de pages) ou une saga en 5 volumes d’un auteur débutant. Par exemple, je ne sais pas si le Seigneur des Anneaux, écrit de nos jours, trouverait un petit éditeur. En plus de la longueur, je ne crois pas que j’aurais le courage de dépasser la folle histoire de l’herbe à pipe chez les hobbits.
C’est aussi à ce moment où je commence à vérifier si l’histoire correspond bien à la ligne éditoriale de l’éditeur. Par exemple, si elle prend un tour trop « jeunesse », c’est fini, le Riez ne visant pas ce public. Je dois avouer que si le manuscrit promet (bonne histoire bien écrite), je pousse un peu plus loin.
Les chapitres suivants :
C’est bien beau d’avoir promis monts et merveilles dans le premier chapitre, mais si l’histoire tarde trop à débuter, je m’ennuie. Ou si on m’a menti, je suis déçu. Alors, c’est fini. Comme je suis un grand naïf, il m’arrive souvent de continuer malgré tout, mais l’expérience me dit que ça ne sert à rien.
C’est à ce moment que j’arrête ma décision concernant la ligne éditoriale. Ce n’est pas bien compliqué, l’éventail du Riez est très large : si c’est un bon roman pas trop « jeunesse », ça rentre !
Jusqu’à la fin :
Si j’ai lu le manuscrit jusqu’au bout, c’est soit qu’il m’a plu, soit que je pense qu’il pourra plaire à l’éditeur. Je rédige alors une fiche de lecture avec un résumé de l’histoire, les points forts et les points faibles. (Dans les cas précédents, je rédige aussi une fiche, mais en expliquant pourquoi je me suis arrêté en cours de route.)
En conclusion
Depuis que je fais partie du comité de lecture, j’ai lu une centaine de manuscrits. Les 4 qui m’ont vraiment plu (que des points forts) ont tous été publiés (ou vont l’être prochainement). Tous les autres, non (du moins, pas au Riez). N’y voyez pas un pouvoir décisionnaire absolu de ma part : un manuscrit vraiment bon emportera l’unanimité du comité presque automatiquement. Il y en a aussi d’autres qui vont être publié et que je n’ai pas lu.
Si vous voulez publier votre premier roman, il y a donc des trucs :
- Respectez scrupuleusement les consignes de soumission et la ligne éditoriale de l’éditeur. Ça ne sert à rien d’envoyer un recueil de poésie au Riez, par exemple.
- Les petits éditeurs lisent généralement tout ce qu’on leur envoie (ce qui n’est pas toujours le cas des maisons plus grandes).
- Les petits éditeurs ne sont pas plus cons que les autres : si c’est mauvais, ils refusent ! Ils sont peut-être même plus exigeants que les autres : ils jouent leur survie à chaque publication.
- Si vous avez le moindre doute sur la qualité de votre roman, ne l’envoyez pas et retravaillez-le. Se dire « oh, ça ira bien pour les éditions Rikiki, c’est pas Gallimard, quand même » est un mauvais calcul, car les éditions Rikiki liront votre manuscrit (confer le deuxième tiret) et risquent même de retenir votre nom (contrairement à Gallimard). Après, ce sera plus dur de leur refourguer la version améliorée ou autre chose.
Pour illustrer mes propos (et sans doute, me faire mousser un peu) : j’ai envoyé Un Autre aux éditions du Riez (avant de faire partie du comité de lecture, bien entendu). C’était la première fois que j’envoyais un manuscrit à un éditeur. Et je ne l’ai envoyé que là. Le Riez cherchait des romans pour sa collection thriller/polar, et voilà : Un Autre a inauguré la collection « Sentiers Obscurs ».
J’arrête pour aujourd’hui. J’attends vos réactions pour savoir comment continuer l’article.
À savoir que j’ai aussi dirigé le fameux numéro 16 de l’anthologie Emblèmes des éditions de l’Oxymore sur le thème des 5 sens. Je pourrais aussi parler du choix des nouvelles dans une anthologie.
Pour les romans, comment ça se passe ? (expérience personnelle)
Je reçois les manuscrits par mail, sans lettre de présentation. Je ne sais donc pas pour quelle collection le texte postule (SFFF, thriller/polar, blanche). L’éditeur attend de moi une fiche de lecture plus ou moins détaillée en fonction du moment où mon avis est arrêté. Je ne sais pas exactement comment lui sélectionne les romans qu’il m’envoie.
Qu’est-ce qui arrête mon avis ?
Avant de lire :
Dès que je reçois le manuscrit, je fais une recherche Google : si le roman peut être lu sur Internet ou s’il a déjà été auto-publié, c’est fini. En effet, la survie d’un petit éditeur se joue parfois à quelques centaines (voire dizaines) d’exemplaires vendus. Ce n’est pas pour rien qu’il réclame des textes inédits.
Les premiers paragraphes :
C’est à ce moment-là qu’on découvre l’écriture de l’auteur. Et on se rend rapidement compte si un texte est écrit en français ou pas. Des fautes d’orthographe, de grammaire, des phrases mal tournées et incompréhensibles, et c’est fini.
Malgré les consignes de soumission pourtant claires du Riez, certains envoient des recueils de nouvelles. C’est fini aussi.
Le premier chapitre :
On entrevoit une ébauche d’histoire, les personnages principaux. C’est le moment d’attraper le lecteur, de lui donner envie de lire la suite. Rappel : ces conseils s’adressent à des auteurs inconnus qui envoient un premier roman à un petit éditeur. Généralement, le petit éditeur évitera de publier un roman trop long (pour des raisons économiques, tout simplement, car le coût de revient et prix de vente sont fixés en fonction du nombre de pages) ou une saga en 5 volumes d’un auteur débutant. Par exemple, je ne sais pas si le Seigneur des Anneaux, écrit de nos jours, trouverait un petit éditeur. En plus de la longueur, je ne crois pas que j’aurais le courage de dépasser la folle histoire de l’herbe à pipe chez les hobbits.
C’est aussi à ce moment où je commence à vérifier si l’histoire correspond bien à la ligne éditoriale de l’éditeur. Par exemple, si elle prend un tour trop « jeunesse », c’est fini, le Riez ne visant pas ce public. Je dois avouer que si le manuscrit promet (bonne histoire bien écrite), je pousse un peu plus loin.
Les chapitres suivants :
C’est bien beau d’avoir promis monts et merveilles dans le premier chapitre, mais si l’histoire tarde trop à débuter, je m’ennuie. Ou si on m’a menti, je suis déçu. Alors, c’est fini. Comme je suis un grand naïf, il m’arrive souvent de continuer malgré tout, mais l’expérience me dit que ça ne sert à rien.
C’est à ce moment que j’arrête ma décision concernant la ligne éditoriale. Ce n’est pas bien compliqué, l’éventail du Riez est très large : si c’est un bon roman pas trop « jeunesse », ça rentre !
Jusqu’à la fin :
Si j’ai lu le manuscrit jusqu’au bout, c’est soit qu’il m’a plu, soit que je pense qu’il pourra plaire à l’éditeur. Je rédige alors une fiche de lecture avec un résumé de l’histoire, les points forts et les points faibles. (Dans les cas précédents, je rédige aussi une fiche, mais en expliquant pourquoi je me suis arrêté en cours de route.)
En conclusion
Depuis que je fais partie du comité de lecture, j’ai lu une centaine de manuscrits. Les 4 qui m’ont vraiment plu (que des points forts) ont tous été publiés (ou vont l’être prochainement). Tous les autres, non (du moins, pas au Riez). N’y voyez pas un pouvoir décisionnaire absolu de ma part : un manuscrit vraiment bon emportera l’unanimité du comité presque automatiquement. Il y en a aussi d’autres qui vont être publié et que je n’ai pas lu.
Si vous voulez publier votre premier roman, il y a donc des trucs :
- Respectez scrupuleusement les consignes de soumission et la ligne éditoriale de l’éditeur. Ça ne sert à rien d’envoyer un recueil de poésie au Riez, par exemple.
- Les petits éditeurs lisent généralement tout ce qu’on leur envoie (ce qui n’est pas toujours le cas des maisons plus grandes).
- Les petits éditeurs ne sont pas plus cons que les autres : si c’est mauvais, ils refusent ! Ils sont peut-être même plus exigeants que les autres : ils jouent leur survie à chaque publication.
- Si vous avez le moindre doute sur la qualité de votre roman, ne l’envoyez pas et retravaillez-le. Se dire « oh, ça ira bien pour les éditions Rikiki, c’est pas Gallimard, quand même » est un mauvais calcul, car les éditions Rikiki liront votre manuscrit (confer le deuxième tiret) et risquent même de retenir votre nom (contrairement à Gallimard). Après, ce sera plus dur de leur refourguer la version améliorée ou autre chose.
Pour illustrer mes propos (et sans doute, me faire mousser un peu) : j’ai envoyé Un Autre aux éditions du Riez (avant de faire partie du comité de lecture, bien entendu). C’était la première fois que j’envoyais un manuscrit à un éditeur. Et je ne l’ai envoyé que là. Le Riez cherchait des romans pour sa collection thriller/polar, et voilà : Un Autre a inauguré la collection « Sentiers Obscurs ».
J’arrête pour aujourd’hui. J’attends vos réactions pour savoir comment continuer l’article.