[A] Le "show" vs le "tell"

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ilham
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Re: Show, don't tell

Message par ilham »

Hum, du souvenir que j'ai des Misérables ( je pense au chapitre,présentant Jean Valjean) ça n'a rien de "tell"...
Pour Stendhal,je connais moins bien, mais ça m'étonnerait également...
Je me suis remis en mémoire un extrait : le premier chapitre sur Jean Valjean.
Hugo le décrit longuement d'un point de vue externe.
1er exemple :
Il entra.Tous les gens qui buvaient se retournèrent. La lampe l’éclairait d’un côté, le feu de l’autre.On l’examina quelque temps pendant qu’il défaisait son sac.
Ici, Hugo montre la curiosité de la clientèle du café ou Valjean entre. Il la montre en disant que les gens se retournent...
C'est très court. Il ne s'attarde pas. Comme quoi le show ne veut pas nécessairement dire des longueurs et des longueurs..
Il alla s’asseoir près de l’âtre. Il allongea devant le feu ses pieds meurtris par la fatigue; une bonne odeur sortait de la marmite. Tout ce qu’on pouvait distinguer de son visage sous sa casquette baissée prit une vague apparence de bien-être mêlée à cet autre aspect si poignant que donne l’habitude de la souffrance.
C’était d’ailleurs un profil ferme, énergique et triste. Cette physionomie était étrangement composée; elle commençait par paraître humble et finissait par sembler sévère. L’œil luisait sous les sourcils comme un feu sous une broussaille.
EDIT : après réflexion, je trouve que c'est plus un mélange de tell et de show...
Je ne sais pas ce que vous en pensez ?

Je préfère prendre ce passage pour illustrer le show, donc. Je le trouve plus clair :
Cependant, aux paroles du paysan : est-ce que vous seriez l’homme ?... la femme s’était levée, avait pris ses deux enfants
dans ses bras, et s’était réfugiée précipitamment derrière son mari, regardant l’étranger avec épouvante, la gorge nue, les yeux effarés, en murmurant tout bas : tso-maraud

Pour autant, il y a de brefs passages de "tell"
Épuisé de fatigue et n’espérant plus rien, il se coucha sur le banc de pierre qui est à la porte de cette imprimerie.
Mais ils sont appuyés par les pages de description précédentes, décrivant Valjean, sa lassitude, le fait qu'il marche depuis bien longtemps. Il n'y a pas besoin d'en dire plus dans ce passage.
Pareil dans le passage suivant
Il leva les yeux. La tête d’un dogue énorme se dessinait dans l’ombre à l’ouverture de la hutte.
C’était la niche d’un chien.
Il était lui-même vigoureux et redoutable; il s’arma de son bâton, il se fit de son sac un bouclier, et sortit de la niche comme il put […]
Par contre c'est très facile à lire,. Comme quoi, on peut écrire de façon littéraire et simple et le "show" ne veut pas dire compliqué... ;))
Ce qui peut tromper c'est l'intervention incessante du narrateur, le point de vue externe je pense, pour commenter ce qu'il voit (il donne son point de vue par exemple sur l'apparence de Valjean).
Modifié en dernier par ilham le mar. mai 06, 2014 6:48 pm, modifié 2 fois.
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ilham
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Re: Show, don't tell

Message par ilham »

Oui, en fait ce n'est pas si simple que cela quand on se penche sur les écrits des grands auteurs. Les deux sont en fait étroitement mêlés... C'est un dialogue entre les deux formes, je trouve, au final. Où l'un prend l'ascendant un temps pour disparaitre et réapparaitre

Finalement, ça donne du rythme au texte en effet. Des coups d'accélération et puis des ralentissements...

Chez Stendhal (j'ai relu quelques lignes de la chartreuse de Parme. Je ne connais pas bien cet auteur donc je ne sais si ça peut être étendu au reste de son oeuvre...), on trouve plus en effet de "tell". Mais il manie le show avec une délicatesse qui ne peut que laisser admiratif...
À la lecture de ce billet, Limercati partit pour un de ses châteaux ; son amour s’exalta, il devint fou, et parla de se brûler la cervelle, chose inusitée dans les pays à enfer.
C'est un passage pris au hasard. Beaucoup de "tell" (il ne s'étend pas sur le voyage, ni sur les manifestations de son amour fou) et un soupçon de "show" pour l'illustrer ( se bruler la cervelle.."). C'est très efficace, je trouve.
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Anaïs
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Re: Show, don't tell

Message par Anaïs »

Ouh là là quelle pluie de réponses !

Merci à tous, je vais essayer de récapituler tout ce que je viens de lire.
Macada a écrit :
Anaïs a écrit :ne peut-on pas considérer que la répartition show/tell fait partie intégrante d'un style propre à l'auteur ?
Qu'entends-tu par là ?
En fait j'ai bien lu les exemples donnés plus haut dans le fil, comme :
Tell : "il était terrifié"
Show : "il haleta, le front couvert de sueur, tremblant de tous des membres".

Bon c'était pas ça mais c'était l'idée. En lisant ces deux phrases, j'ai eu l'impression que ce qui différait surtout, c'était le style de l'auteur. D'un côté, celui qui est concis et de l'autre celui qui ne l'est pas (voire qui en fait des kilotonnes). Je suppose que cette impression est en partie due au fait que pour illustrer le propos, on est obligé de prendre des exemples un peu caricaturaux. Du coup, ça m'a renvoyée à mes débuts d'auteur, quand j'avais tendance à verser dans le mélo en écrivant certaines scènes (soit dit sans vouloir vexer personne, mais franchement, donner minutieusement des réactions corporelles pour décrire les sentiments des personnages, ça peut avoir un côté un peu exagéré si on ne sait pas bien manier ces outils).

En tout cas, vos différentes interventions me laissent penser qu'il faut prendre la distinction show/tell à deux échelles :
- la macroscopique, quand on choisit quelles scènes on écrit - style "la bataille, en direct live" ou "compte-rendu de la bataille"
- la microscopique, quand à l'intérieur d'une scène on choisit de faire des descriptions très physiques, des actions et réactions des personnages, sans trop s'étendre sur le côté "réflexion" (ça c'est très caricatural, je sens qu'on va me tomber dessus à bras raccourcis)
Macada a écrit :Perso, la façon dont je décide ça est fonction de la tension que je veux mettre dans une scène/une péripétie.
Ok. Expliqué comme ça, je crois que je comprends plus l'intérêt du show :)
Beorn a écrit :A mon sens, aucune des deux techniques n'est ni bonne ni mauvaise. Le problème, c'est que beaucoup d'auteurs ont tendance à choisir le "tell" sans trop y penser, de façon naturelle, c'est un peu la voie de la facilité ("je vais vous expliquer les choses").
En effet, c'est comme pour tout, il faut savoir doser les deux. Je me souviens d'un texte auto-édité qui m'avait laissé l'impression de lire un résumé ou un syno, je réalise maintenant que c'était parce que l'auteur n'avait employé quasiment que du "tell".
Emmanuelle a écrit :le show/dont tell permet de parler davantage à l'inconscient du lecteur, donc favorise ce que les auteurs cherchent avant tout = l'identification du lecteur au personnage.
Je n'avais jamais trop réfléchi à ça, mais quand je regarde les phrases citées en exemple plus haut, je ne m'identifie pas plus spécialement à la description clinique de la peur. Je vais essayer d'y réfléchir dans mes prochaines lectures (là je suis sur du Victor Hugo, vous croyez qu'il usait plus de tell ou de show ?).
Roanne a écrit :Un autre corollaire est le fait que "montrer" demande des scènes "détaillées" et prend généralement plus de place que "dire" les choses. (décrire une éruption, c'est plus long que de dire que le volcan est en éruption)
On en revient à ce que disait Macada sur les choix à faire selon les passages où on veut de la tension ?
Roanne a écrit :Je conçois un texte selon les tensions et les relâchements de tension que je désire et cela me définit où je dois mettre une scène en show/émotions/détaillée et où je peux(dois) mettre du tell/reposant/synthétique.
C'est très intéressant en théorie, mais en pratique je me rends compte que j'ai beaucoup de mal à laisser parler ma créativité quand je me donne des guides de ce genre. Ou alors il faut travailler de cette manière une fois qu'on a le syno en tête, pour savoir où mettre la tension ?
Emmanuelle a écrit :oui, mais qu'est-ce qu'on cherche à susciter? La poésie et la beauté des mots, c'est bien, ça prouve la qualité de l'écrivain, sa culture et parfois son habileté. Mais si le but est que le lecteur rentre dans la peau du personnage, vive son histoire, soit incapable de lâcher le bouquin, et reste dedans alors même qu'il est terminé
Hum. Est-ce qu'on écrit vraiment au départ pour susciter des réactions chez le lecteur ? Est-ce qu'on n'essaie pas surtout de se faire plaisir, de vivre soi-même dans un autre monde pendant le temps de la séance d'écriture ? Je dis ça, mais je crois qu'en ce qui me concerne ça dépend des jours : parfois je veux juste que mon esprit accouche de mes histoires, pour qu'elles sortent un peu de ma tête, d'autres fois j'ai envie de devenir la nouvelle JK Rowling :lol:
(bon là je suppose qu'on est HS)
Francis Ash a écrit :Rassure-toi jeune padawane, j'ai découvert le show don't tell en mettant la première palme dans la mare ;)
Oui, je m'en doute bien pour le terme. Mais pour l'impression à la lecture ? Tu réponds un peu plus loin dans ton post d'ailleurs : tu as déjà pressenti que parfois le déséquilibre ou le choix peu judicieux de l'un ou de l'autre pouvait te déplaire. Et en discutant ici, je me suis rendue compte que j'avais eu cette impression dans un cas extrême. Simplement, je me demande si c'est quelque chose que j'arriverai à détecter maintenant dans les romans qui hantent ma PAL... Je vous dirai ça ;)
Francis Ash a écrit :Autre vertu du show : ça m'oblige à mieux visualiser ce que je décris.
Tout à fait d'accord là-dessus :)
Francis Ash a écrit :On ne peut pas tout mettre en show, sinon une nouvelle de 30K SEC se transformerait en novelle de 100K
Et surtout, le texte perdrait de l'intérêt. Tu imagines, une focalisation sur le nombre de mouvements que mettrait le protagoniste à nouer ses lacets et à vérifier qu'il a tout ce qu'il faut dans son sac ? (sauf si c'est pour une version humoristique !)
Beorn a écrit :Dire qu'un enfant est triste, cela peut passer par le show (il a les yeux vides, il pleure, il baisse la tête) mais cela peut aussi passer par le tell (raconter que sa mère le battait à mort, que dans sa tête, c'est un abîme de tristesse, etc.).
Patatras, ma compréhension du show don't tell s'effondre. Beorn, ton deuxième exemple me semble autant participer du show que ton premier, dans le sens où j'ai en tête l'image d'une mère battant son fils. Chuis perdue ! (tiens en continuant ma lecture des posts, je vois qu'Emmanuelle a la même analyse que moi).
LynVie a écrit :Mais au-delà de ça, cette notion m'a un peu perturbée, dans le sens où elle m'est apparue contradictoire avec la notion de "chaque mot doit être utile". En gros il est souvent conseillé pour élaguer le texte de supprimer les mots dits superflus (tels adverbes et autres de cet acabit) mais quand on y regarde de plus près, le show est souvent plus long à écrire que le tell et est plus truffé de qualificatifs que le tell...
En fait, quand j'élague, en ce qui me concerne, c'est pour virer tout ce qui me semble redondant, ou qui participe de la surenchère, ou qui effectivement n'apporte rien. Le show doit servir, de ce que j'ai compris, à la meilleure caractérisation des personnages, à ajouter de la tension, à permettre de mieux visualiser une scène. Si tu as lu tout le fil, il y a un exemple donné de redondance :
Robert s'insurgea contre le gouvernement.
- Non, le gouvernement ne peut pas augmenter les taxes ! C'est impossible ! On ne peut pas les laisser faire.
- Eh si, dit Louise. Il va falloir s'y faire.
ilham a écrit :quelque chose de simple, lecture divertissante . Ou quelque chose de plus littéraire...
D'après ton post, le "tell" donne du divertissant, le "show" du littéraire ? Ou c'est le déséquilibre entre les deux dont tu parles ?
Tu parles de Werber, selon toi il donne plus dans le "tell" ? (j'ai encore vaguement en tête un bouquin de lui alors ça m'intéresse).
Kam'Ui a écrit :Personnellement, je ne fais pas la chasse au Tell. Parfois, je le trouve justifié et j'adore en trouver dans mes lectures
Tu en cherches quand tu lis ? Ça ne te déconcentre pas trop de la lecture ?

@ilham : je découvre ton post avec les extraits des Misérables, merci ! J'avais oublié la beauté de la plume de Victor Hugo :love:
Dans le passage où Valjean s'assied devant l'âtre, il me semble effectivement que c'est du show/tell.

Par contre :
Cependant, aux paroles du paysan : est-ce que vous seriez l’homme ?... la femme s’était levée, avait pris ses deux enfants
dans ses bras, et s’était réfugiée précipitamment derrière son mari, regardant l’étranger avec épouvante, la gorge nue, les yeux effarés, en murmurant tout bas : tso-maraud
D'après toi c'est du show, mais la femme a un regard "épouvanté", c'est du tell non ?

Bon ce post est épouvantablement long, alors un coup de :chocolat: pour ceux qui sont parvenus jusqu'au bout.

En tout cas, merci tout plein à toutes les grenouilles qui ont contribué à cette petite discussion, je crois que je commence à comprendre le sujet.
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LynVie
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Re: Show, don't tell

Message par LynVie »

Que de réponses, que de réponses en effet. Merci Anaïs pour tes exemples et ton retour. Je vais tenter de garder ca en tête, au moins à la relecture. ^^

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Roanne
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Re: Show, don't tell

Message par Roanne »

C'est bizarre, il y a des citations avec mon speudo, mais elles ne sont pas de moi. ^^

J'avoue que lorsque j'écris, je ne me pose pas la question d'être en "tell" ou en "show" et que ça reste très flou pour ma petite plume.

Quand je lis, si un passage raconté peut être remplacé par un passage plus vécu / montré, je dirais que je le "sens" mais souvent, je ne me dis pas d'office "tiens, c'est ici c'est du show, don't tell, ça mériterait d'être modifié pour renforcer", souvent ça me demande du recul pour faire ce diagnostic.

Et surtout, ce qui pose problème, à mes yeux, c'est quand on est dans le tell sur de trop longs passages, des chapitres entiers. Typiquement, ça peut passer dans les contes (quasi que du "tell", les contes, si vous regardez bien, il me semble) et certains classiques passent très bien ainsi, mais de nos jours, les lecteurs attendent beaucoup d'émotions de leurs lectures et s'ils doivent lire des pages et des pages de récit rapporté, ils ont souvent du mal.
Scipion m'a pointé le souci sur l'un de mes romans, il va falloir que je me penche dessus.
(enfin, si son diagnostic est bon, je n'aurai pas le choix ! ^^ je n'ai pas encore eu le temps de jeter un oeil)
Vous n'aimez pas Noël ? ça tombe bien, nous non plus ! Du coup, avec Chapardeuse, nous vous invitons sur Wattpad pour (re)découvrir le Noël cataclysmique de Claire et Chan.

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Anaïs
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Re: Show, don't tell

Message par Anaïs »

Roanne a écrit :C'est bizarre, il y a des citations avec mon pseudo, mais elles ne sont pas de moi. ^^
Oups désolée, avec tous ces messages à remonter c'était obligé que je m'emmêle les pinceaux. Je crois que je t'ai attribué une phrase de Macada :)
En effet, je ne me vois pas réfléchir au show don't tell pendant un premier jet, sinon ça me bloquerait totalement je pense.
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ilham
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Re: Show, don't tell

Message par ilham »

Anaïs, en relisant Hugo et Stendhal, j'ai réalisé que j'ai été un peu binaire avec ces questions de divertissement.
c'est plus une question de déséquilibre, je pense, comme tu le suggères.
Pour Werber, je vais replonger le nez dans Ls fourmis et te dirais ce que j'en pense.

Sinon, pour les yeux épouvantés, on va dire que c'est du "micro-tell" au milieu d'un joli passage "show". ;) La preuve que c'est pas si simple que cela à manier et que c'est un subtil aller et retour entre les deux qui est sans doute à rechercher.

Après, oui, comme Roanne, je n'y pense pas franchement en écrivant. Par contre, je me souviens d'avoir corrigé un roman entier rien que sur cette base ! Étoffer, raconter... montrer. Après, on peut choisir de prendre son temps comme Hugo ou aller plus vite comme dans les romans policiers qui pourtant en disent beaucoup en peu de mots...

J'ai réfléchi également à la notion de point de vue. Je me demande en effet si la généralisation du point de vue interne dans la production contemporaine n'a pas donné plus de place à cette idée ( quoique Hugo e fasse très bien point de vue externe, il me semble - ou omniscient, j'hésite..) Il faudrait comparer pour pouvoir tirer une conclusion.
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Re: Show, don't tell

Message par Anaïs »

ilham a écrit :Pour Werber, je vais replonger le nez dans Ls fourmis et te dirais ce que j'en pense.
Moi je viens de lire le Rire du cyclope. Je n'ai pas fait attention malheureusement au show don't tell en le lisant (et j'avoue à mon grand regret qu'on ne pourra jamais me faire relire ce roman-là !). Après, les Fourmis étant son premier roman, sa plume a pu évoluer depuis, il a pu se mettre plus au show qu'avant...
ilham a écrit :Sinon, pour les yeux épouvantés, on va dire que c'est du "micro-tell" au milieu d'un joli passage "show". La preuve que c'est pas si simple que cela à manier et que c'est un subtil aller et retour entre les deux qui est sans doute à rechercher.
En effet. Ce qui me ramène à la réflexion de Roanne sur le fait de ne pas prêter trop d'attention à cet aspect quand on fait un premier jet, mais plus éventuellement en phase correction, sinon on ne s'en sort pas (en tout cas moi je n'en serais pas capable, ça me couperait dans mon élan).
ilham a écrit :J'ai réfléchi également à la notion de point de vue. Je me demande en effet si la généralisation du point de vue interne dans la production contemporaine n'a pas donné plus de place à cette idée ( quoique Hugo e fasse très bien point de vue externe, il me semble - ou omniscient, j'hésite..) Il faudrait comparer pour pouvoir tirer une conclusion.
Ce n'est pas forcément lié au point de vue. Regarde l'exemple de Beorn avec la description d'une éruption. Tout dépend aussi de ce que l'auteur veut raconter. De la façon dont il gère son histoire.

Bref, il faut continuer à réfléchir à ses lectures et à ses écritures pour mieux creuser le concept et l'importance qu'il faut lui accorder :)
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petit_pavé
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Re: Show, don't tell

Message par petit_pavé »

Une discussion intéressante, c'est amusant de voir comme chacun a sa propre conception et compréhension du show et du tell.

Si je puis me permettre, j'aimerais relever un point concernant le tell: pour moi, son utilité ne se limite pas à être plus court que du show. Ce n'est même pas son principal intérêt à mon sens.

Le show est formidable quand il s'agit de mettre le lecteur "dans la peau" du personnage au moment où il y a de la tension ou de l'émotion. Il peut être aussi un outil exceptionnel lorsqu'il devient lourd de sens, par exemple parce qu'il montre une action, une réaction ou un évènement dont le lecteur connaît toute la portée et la signification. Dans ces moments-là, moyennant une certaine préparation en amont, il peut en l'espace de quelques mots poser des actes d'une portée incroyable qui ont d'autant plus d'impact qu'ils sont épurés de toute dissertation supplémentaire.

Mais le show ne peut faire comprendre que ce qui se passe d'explications, et tout ne se passe pas d'explications. La tendance des lecteurs/spectateurs, avec le show, c'est d'aller à l'explication la plus logique et donc la plus simple (il me semble qu'un auteur l'avait évoqué, Truby ou Lavandier je ne sais plus). C'est parfait pour les émotions qui se décodent facilement, ou dont on a déjà donné les clés précédemment, mais pour le reste? Quand on en arrive à des traits de personnalités complexes, des émotions mitigées ou ambiguës, des subtilités d'intention ou de réflexion, des nuances dans le ressenti des personnages, le show rencontre souvent ses limites. Il peut nous plonger dans les tripes des personnages, mais pas si facilement dans leur esprit ou leur âme.

Paradoxalement, le show peut donc, dans certaines circonstances, se montrer bien plus superficiel que le tell. Il est également beaucoup plus sujet à interprétation, ce qui pourrait ne pas forcément convenir à l'auteur. Le tell est plus direct et donc plus "plat", mais il cible précisément ce que l'auteur cherche à exprimer, et si celui-ci sait choisir ses mots, il peut avoir une portée formidable.

Le tout est dans le dosage, comme beaucoup l'ont fait remarquer sur ce fil. :) A mon sens (mais ce n'est jamais que mon avis), le show et le tell sont complémentaires. Au lieu de s'opposer, ils peuvent parfaitement non seulement se compléter mais également s'amplifier l'un l'autre, chacun prenant le relais là où l'autre s’essouffle. La tâche de l'auteur serait alors de trouver la bonne alchimie, celle qui servira au mieux son récit. Bon, plus facile à dire qu'à faire, ça, par contre... :mrgreen:
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ESPER

Re: Show, don't tell

Message par ESPER »

Je suis content de trouver quelqu'un qui ne fustige pas le "tell", car en général tout bêta lecteur aguerri croit qu'il doit dénoncer avec véhémence tout passage de texte qui fait du "tell" ! Au moins, on sera d'accord sur la complexité de manier à la fois du show et du tell ! Si certains pouvaient ne pas clouer systématiquement "le tell" au pilori, ce serait déjà bien !

Anonyme_Quatre

Re: Show, don't tell

Message par Anonyme_Quatre »

Très bon résumé des choses petit_pavé :)

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Re: Show, don't tell

Message par Anaïs »

Merci petit_pavé pour cet avis très intéressant et très bien exposé ! En effet, je suis d'accord, le tell donne aussi des possibilités intéressantes.
ESPER a écrit :en général tout bêta lecteur aguerri croit qu'il doit dénoncer avec véhémence tout passage de texte qui fait du "tell" !
Pour avoir vécu la situation récemment, je crois qu'un bêta-lecteur aguerri va plutôt pointer le déséquilibre entre les deux, et non pas sa préférence pour le show. Si on te demande de mettre du show juste pour respecter LA règle sans réfléchir, tu n'as pas affaire à un BL "aguerri" :)
Mais après c'est vrai que c'est la difficulté pour nous, auteurs pas encore tout à fait aguerris de trouver le bon dosage, celui qui convient à l'histoire et surtout à notre style d'écriture...
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Garg
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Re: Show, don't tell

Message par Garg »

Le show et le tell peuvent se marier pour combiner leurs effets :

— Papa, j'ai vraiment plus faim. Je peux plus rien avaler, là.
— Ok fiston, laisse le reste de tes épinards.

Soupir de l'enfant.

— Maintenant je vais prendre mon dessert... dit-il en se levant d'un bond.

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sherkkhann
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Re: Show, don't tell

Message par sherkkhann »

Mais le show ne peut faire comprendre que ce qui se passe d'explications, et tout ne se passe pas d'explications. La tendance des lecteurs/spectateurs, avec le show, c'est d'aller à l'explication la plus logique et donc la plus simple (il me semble qu'un auteur l'avait évoqué, Truby ou Lavandier je ne sais plus). C'est parfait pour les émotions qui se décodent facilement, ou dont on a déjà donné les clés précédemment, mais pour le reste? Quand on en arrive à des traits de personnalités complexes, des émotions mitigées ou ambiguës, des subtilités d'intention ou de réflexion, des nuances dans le ressenti des personnages, le show rencontre souvent ses limites. Il peut nous plonger dans les tripes des personnages, mais pas si facilement dans leur esprit ou leur âme.

Paradoxalement, le show peut donc, dans certaines circonstances, se montrer bien plus superficiel que le tell.
100% d'accord. Pour les situations et les personnages complexes, je pense qu'il est nécessaire d'utiliser les deux : le show pour la caractérisation et l'immersion, le tell pour entrer dans les pensées profondes. Que du show peut donner un effet très superficiel à une scène qui pourrait être très riche en émotion grâce à l'ajout du tell.

Je pense aussi que tout est une question d'équilibre. Je ne suis pas fan de la chasse au Tell car je trouve que certains passages n'ont pas lieux d'être en Show. Par exemple, je trouverais ça hyper lourd qu'un auteur, au lieu de dire que son personnage ouvre une porte, décrive à chaque fois le bruit etc. Ce qui a pour but de favoriser l'immersion aurait sur moi l'effet inverse, j'aurais envie de refermer le bouquin. Sauf si ça participe à une ambiance particulière.

En général, je trouve le Tell nuisible quand ça concerne la caractérisation des personnages ou le développement d'une idée. Dire qu'untel est charismatique, par exemple, je trouve que ça n'a aucun intérêt alors qu'en Show, développé sur tout le roman, je trouve ça terrible.

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Ellie
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Re: Show, don't tell

Message par Ellie »

sherkkhann a écrit : 100% d'accord. Pour les situations et les personnages complexes, je pense qu'il est nécessaire d'utiliser les deux : le show pour la caractérisation et l'immersion, le tell pour entrer dans les pensées profondes.
Question un peu bête : vous estimez que quand il s'agit de détailler les pensées du personnage c'est forcément "raconter" et pas "montrer" ? Je vais essayer de partir d'un petit exemple concret :

Alice commença à composer le numéro de Bob. Assurément, il était le mieux placé pour l'aider à réparer sa Toyota. Sauf qu'ils s'étaient engueulés deux jours plus tôt. Alice allait devoir s'excuser. Merde, ce n'était pourtant pas à elle de le faire ! C'était lui qui avait commencé, avec ses insinuations sur sa mère ! Non, il était hors de question qu'elle s'excuse, qu'il aille se faire foutre. Elle pouvait se débrouiller seule pour bricoler sa voiture, et tant pis si elle y passait la journée.

Pour moi, c'est pas évident qu'il s'agisse de tell, puisque si à première vue ça peut sembler juste raconter pourquoi Alice et Bob sont brouillés, au final il me semble que ça montre le cheminement de pensée d'Alice et j'aurais plutôt tendance à ranger ça dans le show, mais peut-être que je me trompe ?

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