[A] Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

[AngeDechu]

Effectivement, je connais TV Tropes...comme tout le monde.

Il y aussi moyen de l'employer, le chekov's gun, d'une façon très directe. Une des utilisations les plus hilarantes du principe est dans le dixième épisode d'Evangelion. L'ange de la semaine est un ange de lave. Lorsque, pour le bénéfice des personnes ne sachant pas c'est quoi, on se met à expliquer dans l'épisode le princie de dilatation thermique, disons que l'auditeur a comme une idée de ce qui va se passer. Ce qui n'empêche pas de rendre la chose à la fois hilarante (et source de malaise, mais c'est Evangelion) par ce qui arrive par la suite.

Asuka donne un exemple qui restera certainement dans la tête de l'otaku...

Et Shinji a une démonstration pratique qui est du genre que celle qu'on raconte en psychanalyse....

Autrement dit, ca peut marcher aussi si c'est très direct, le fusil de Chekov. L'important, comme le mentionne Trope, c'est que c'est mieux d'avoir ''Tiens, regarde ma belle collection d'armures médiévales avec des armes bien affutées'' que ''Oh, zut, mon ami est tombé sur la hache d'une de mes armures, que je mentionne comme ça incidemment''

[Kaze]

Waow! Ce fil est très intéressant, je ne connaissais pas le terme adéquat employé, mais maintenant je ne pourrais pas en dire autant.

j'en ai appris de belles, et pour éviter de redire ce que certains ont déjà dit: Pour arriver à utiliser cette méthode, il faut avoir un certain niveau derrière soi et s'être forgé une expérience en béton.

C'est un outil très utile je l'admets, mais je pense, pour ma part en tout cas, que ce genre de procédé serait assez difficile à amener dans un roman.
Depuis que j'ai commencé à écrire, c'est pour arriver à ce résultat de retournement complet qui fait qu'un élément de l'intrigue qui paraisse anodin n'en soit nullement. Pour au final ne rien laisser au hasard.

C'est le but que je me fixe en écrivant surtout étant un grand fan des thriller fantastique a la Lovecraft, je peux facilement dire qu'il est l'un des maîtres pour ce genre de retournement.

Quoiqu'il en soit, c'est un outil fort utile, mais peut-être un peu technique et difficile à appréhender pour des auteurs amateurs ou jeunes auteurs comme moi.

[tigrette]

Le fusil de Tchekhov n'est pas tant un outil, qu'une règle.
N'introduisez pas dans votre récit des éléments qui ne servent pas l'intrigue.

[Iluinar]

Le fusil de Tchekhov n'est pas tant un outil, qu'une règle.
N'introduisez pas dans votre récit des éléments qui ne servent pas l'intrigue.

J'ai tendance à me méfier des règles en littérature. Déjà, certains éléments peuvent servir à planter le décor et l'ambiance et ne pas avoir d'utilité dans l'intrigue elle même. Ensuite, une méthode pour faire bien fonctionner le fusil de Tchekov, c'est justement le mélanger avec d'autres éléments qui ne servent en rien l'intrigue et ne sont que des fausses pistes.

[tigrette]

L'idée, c'est d'éviter les fausses promesses au lecteur qui peut se sentir floué.
Après, les règles sont faites pour être transgressées, mais c'est bien d'en avoir conscience.

[Cendrefeu]

Je peux citer en guise d'exemple "Un Autre" de Christophe Nicolas où cette technique est exploitée à merveille.
Je ne dirai pas de quel objet il s'agit pour ne pas spoiler, mais l'auteur nous le ballade sous les yeux d'entrée de jeu et pendant la totalité de l'histoire. C'est tellement gros qu'on ne voie pas qu'il s'agit de la clé de l'intrigue, et quand on arrive à la fin, on se demande pourquoi on n'y a pas songé un seul instant. C'est superbement réussi

[Nyaoh]

Je trouve que c'est diablement compliqué à faire, j'essaye pour certains aspect de le faire, mais je ne pense pas distiller aussi bien l'info qu'une Agatha Christie. Je laisse plutôt entrevoir quelque chose, le lecteur le garde en tête et par petits éléments successifs on y revient. Mais le truc dit au passage qui se révèle la solution, je n'ai encore jamais su mettre ça en place.

[Obiwan Kenoubi]

Personnellement, j'aime beaucoup cette méthode, étant un grand sadique, mais je ne connaissais pas son nom.
Autre chose que j'aime beaucoup faire c'est introduire des éléments qu'on a vu des centaines de fois dans des bouquins/films/séries, le lecteur se dit "oh punaise non pas encore ça pitiéééééééééé" avant de courir s'acheter une corde et un tabouret... et au final, on se rends compte bien plus tard, que ces éléments banals introduits conduisent à toute autre chose... quelques centaines de pages plus loin, ou bien carrément quelques tomes plus loin !
Ca ne demande pas tant, je trouve, de planification que cela, il suffit de connaître son histoire (personnellement j'ai mon début, j'ai ma fin, mais d'expérience personnelle au milieu, pas la peine de prévoir quoique ce soit, mes persos prennent le pouvoir).
Enfin bref, je trouve ce procédé très intéressant, je trouve que ça rajoute beaucoup de profondeur et de consistance. Par contre faut bien penser à noter ce qu'on a introduit pour repenser à conclure la chose (moi même étant assez tête en l'air)
Sinon, je suis nécrophile, je déterre les sujets et j'aime ça, à ciao bonsoir !
Obi'

[Nath]

Merci Obiwan d'avoir fait remonter ce fil
Jolie coïncidence : je prends connaissance de ce fil (et du nom que ça porte, donc..) aujourd'hui, alors que j'en ai justement créé un il y a quelques jours.
C'est quelque chose que j'adore dans les livres et les films , et que j'avais envie de faire avant, quand j'étais sur mon projet du Sceau, mais sans trop savoir comment l'amener. Cette semaine, je n'ai pas eu besoin de réfléchir, ça s'est imposé à moi alors que je reprenais les premiers chapitres

Il y a quelque chose de particulièrement difficile à trouver, comme ça a déjà été dit avant, c'est le dosage : ne pas trop en faire pour ne pas le mettre vraiment sous le nez du lecteur, mais en faire assez pour que le lecteur s'en rappelle plus tard. C'est bien trop souvent qu'en reprenant le tome I on se rend compte que "tiens, ce détail, en fait c'était pour le tome III !" sans s'en être aperçu dans le-dit tome III. C'est dommage, à la fois pour le lecteur qui n'a pas cet effet, et pour l'auteur qui s'est creusé la tête pour semer des indices qui n'ont pas été relevés au final...
Comment vous faites, vous, pour trouver le juste dosage ? (même s'il y a une grande partie de feeling, je suppose)

[Caffeine]

Personnellement je n'aime pas non plus cette idée de vouloir absolument considérer le fusil de Chekov comme un règle (qu'il faudrait donc appliquer à chaque fois), tout simplement parce qu'à vouloir mettre des règles partout, c'est le meilleur moyen de pousser les auteurs à se planter (alors qu'ils auraient sûrement utiliser le procédé naturellement de toute façon).

Karim Debbache l'explique un peu dans son épisode de Chroma sur Signs (http://www.dailymotion.com/video/x458bd ... OG_HTML5=1 vers 14 minutes si vous êtes curieux, mais difficile de comprendre si on connait pas la filmographie de Shyamalan) en disant que finalement le fait de vouloir à tout pris utiliser le fusil de Chekov, à l'utiliser continuellement pour absolument tout, on en arrive à une œuvre froide où rien n'existe en dehors de l'intrigue. Et même si, oui, l'intrigue c'est ce qui tient une œuvre : il n'empêche qu'il y a énormément d'autres choses, parmi lesquelles le développement des personnages, l'exposition de la situation initiale, etc. D'autant plus que toutes les histoires ne se basent pas sur des twists ou des révélations, or là c'est quand même ce qui a l'air d'être mis en avant.

Du coup voilà. Le fusil de Chekov c'est cool, mais attention à ne pas se forcer à tout prix à vouloir l'utiliser car sinon ça peut donner des œuvres très maladroites, avec du faux suspens ("NE REGARDEZ SURTOUT PAS CET OBJET IL N'EST PAS IMPORTANT") et au final, un manque cruel d'ambiance.

Pour citer un excellent exemple de fusil de Chekov, je cite la nouvelle "Droit dans la brume" qu'on trouve dans le recueil de nouvelles de Pascal Malosse, "Contes de l'entre-deux" aux éditions Malpertuis. Cette nouvelle est vraiment géniale, très drôle et incroyablement bien menée. Bref Pascal Malosse est un très très grand nouvelliste et si vous avez l'occasion de vous pencher sur son travail faites le, c'est vraiment bien.

[Gilou]

Je pense que mal amené, le fusil de Chekov peut être un piège. Il permet de justifier un élément scénaristique à venir, mais si l'exposition est amenée trop légèrement, le lecteur va anticiper.
Raconte-moi que sur ton mur tu gardes toujours un fusil de chasse chargé, et je saurai pour sûr tu vas te faire agresser chez toi d'ici la fin du bouquin. Et même, je saurai comment tu vas t'en sortir.