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[A] Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 12:06 am
par AngeDechu
Le fusil de Chekov étant un procédé littéraire selon lequel un élément en apparence anodin dans la narration prend une importance vitale pour l'intrigue. Le nom vient d'une nouvelle, bin, de Chekov, qui concerne un fusil mentioné au hasard d'une description, et qui devient la clé de la nouvelle. Notez que Chekov le faisait à merveille.

Exemple type : dans un roman d'Agatha Christie, on voit une liste d'objets anodins découvert sur le lieu d'un crime. La clé du mystère y est.

Exemple type 2 (mais plus moderne) : dans Mass Effect One, on voit longuement une réplique d'un relais hyperspatial dans la station géante. Ce relais est la clé de la séquence finale du jeu.

Comment vous faites vous, pour dissimuler au lecteur que tel objet, tel élément est en fait critique pour le scénario ? (parce que, par exemple, si la belle lycéenne rencontre un beau jeune homme qui ne supporte pas les pâtes à l'ail, on se doute un peu de la suite...)

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 8:11 am
par Macada
Je ne savais pas que ça s'appelait le "fusil de Chekov". Joli nom.

J'aime beaucoup le procédé. J'ai rencontré deux façons de le manipuler :
- l'indice est si naturel qu'on le prend pour une info de renforcement de réalisme, mais quand il ressurgit on se souvient de lui et on applaudit de n'avoir rien vu venir.
- l'indice fait un petit "tilt" (tiens, ça c'est sûrement à suivre) dès sa première apparition mais il est expliqué par la suite, on croit que son exploitation est terminée, on l'oublie, et c'est là que sa vraie raison est dévoilée.

En tant qu'auteur, oui, j'aime bien quand ça s'y prête utiliser le procédé.
En ce moment j'écris un roman jeunesse dont une des deux clés principales est un lave-linge tout ce qu'il y de plus ordinaire. Il apparaît dans une description banale d'une cuisine banale, devient d'un coup le centre de l'attention, perd cette attention au profit de la seconde clé (l'idée est de faire croire qu'il ne sert qu'à faire découvrir cette seconde clé, qui elle n'est pas banale), et ressurgira comme indispensable dans la bataille finale.

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 8:42 am
par tigrette
C'est un de mes outils principaux.
Dans mon roman jeunesse, mon héroïne enquête sur la disparition de sa mère, j'essaye de distiller infos et indices le long du livre pour le tout "monte" jusqu'au dénouement.
Mais c'est valable aussi pour les personnages, les actions des uns et des autres forment une réaction en chaine jusqu'au dénouement.

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 10:18 am
par Iluinar
AngeDechu a écrit :Comment vous faites vous, pour dissimuler au lecteur que tel objet, tel élément est en fait critique pour le scénario ?
Il suffit de le mélanger à d'autres éléments anodins, dans une description par exemple. Si ton fusil est le seul élément anodin dont tu parles dans ton texte, le lecteur va forcément se douter de quelque chose. Inversement, il ne faut pas trop le perdre non plus sinon le lecteur ne le remarquera pas. Comme souvent, c'est une question de dosage.

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 11:04 am
par Krapoutchniek
Je ne crois pas avoir déjà eu recours à ce procédé. Mais si c'était le cas, je pense que je me contenterais d'intégrer l'objet dans une description, comme s'il s'agissait d'un vulgaire pot de chambre anodin.

Et je le révèlerais dans toute sa splendeur en temps voulu ;)

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 11:44 am
par Milora
J'aime beaucoup ce procédé, à lire comme à écrire, mais pour l'écrire, c'est pas si évident, parce que si le lecteur se dit d'emblée "AHA !", c'est fichu.
Macada a écrit : - l'indice fait un petit "tilt" (tiens, ça c'est sûrement à suivre) dès sa première apparition mais il est expliqué par la suite, on croit que son exploitation est terminée, on l'oublie, et c'est là que sa vraie raison est dévoilée.
Ça j'y arrive jamais, ça se voit gros comme une maison
Macada a écrit :- l'indice est si naturel qu'on le prend pour une info de renforcement de réalisme, mais quand il ressurgit on se souvient de lui et on applaudit de n'avoir rien vu venir.
Oui, voilà.
Ou sinon, j'essaie de le faire passer à côté d'un autre élément qui attire l'attention du lecteur ; comme ça il se focalise sur cet autre élément et ne remarque pas l'élément important en tant que tel. Genre, je sais pas : "derrière la chaise en bois, se trouvait une étrange statue de pierre grimaçante qui semblait vous suivre du regard" : pour faire passer la chaise en bois (exemple un peu nul, désolée, je suis pas inspirée, lol)

Le truc, aussi, c'est qu'il faut pas que les éléments soient trop noyés dans la masse : il faut qu'au moment des révélations, le lecteur se dise : "ah mais oui, j'avais pas remarqué !" et non pas "euh... et quand est-ce qu'il a dit ça, le narrateur ?"

Du coup, la meilleure technique, c'est que le bêta-lecteur précise son avis sur la résolution du mystère au cours du texte, pour voir si les fausses pistes marchent ou pas ^ ^

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 12:32 pm
par tigrette
Exemple :

Dans mon roman, une élève lance un site de potin ds son lycée sur internet.
qq chapitres plus, elle y revèle une info, provoquant la tentative de suicide d'un autre.
cette tentative de suicide pousse mon héroine à l'action ce qui aura des conséquences désastreuses pour elle (et géniales pour l'intrigue)

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 12:43 pm
par LHomme au Chapeau
Une autre piste de réflexion :
Le lecteur averti se doutera forcément de quelque chose.
L'astuce consiste à lui faire oublier ce qu'il a pensé au début.
Je parle d'une expérience vécue ou une lectrice avait découvert le ressort de mon intrigue mais a été surprise à la fin car dans le fil de l'action elle n'y a plus pensé.
Moralité : accrochez le lecteur à l'histoire, il n'aura plus le temps de penser aux ressorts de l'intrigue et vous le surprendrez toujours.

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 12:56 pm
par Krapoutchniek
Ha tiens si, quand j'y pense j'ai un truc du style. Note que vu la chose, je ne suis pas sûr de la dévoiler telle quelle. Ce sera le lecteur qui devra le comprendre par lui-même ^^

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 1:16 pm
par Milora
LHomme au Chapeau a écrit :Une autre piste de réflexion :
Le lecteur averti se doutera forcément de quelque chose.
L'astuce consiste à lui faire oublier ce qu'il a pensé au début.
Je parle d'une expérience vécue ou une lectrice avait découvert le ressort de mon intrigue mais a été surprise à la fin car dans le fil de l'action elle n'y a plus pensé.
Moralité : accrochez le lecteur à l'histoire, il n'aura plus le temps de penser aux ressorts de l'intrigue et vous le surprendrez toujours.
Oui, aussi !
Ou alors, faire relever l'élément par un personnage, mais avec une mauvaise interprétation. Que le lecteur ne soit plus titillé par la question "mais pourquoi il a casé cet élément, l'auteur ?", et ne réfléchisse pas dessus jusqu'à tout prévoir à l'avance...

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 1:35 pm
par Partance
En tant que lectrice j'adore cet effet ! J'adore être menée en bateau, et plus tard me dire "mais c'était donc ça!!" et là je reste admirative de la malignité diaboliquement diabolique de l'auteur *_*

En tant qu'apprentie écrivain, j'essaie aussi de placer l'effet "fusil de chekov" (merci de l'info!). Soit comme on a dit déjà :en le mélangeant avec d'autres indices en apparence importants, ou alors en décrivant une action de façon assez banale, mais plusieurs fois. Du genre "il faisait beau et tiens la caravane passe!" (et plusieurs jours plus tard : la jeune fille se promenait e discutait avec les autres, mais la caravane ...) (exemple pourri, on est d'accord !) Et vu qu'il se passe pleins de choses entre temps, quand la "révélation" arrive (exemple : "mais vous vous rappelez quand la caravane est passée, ben c'est parce qu'il y avait ceci ou cela dedans haha !" // le cri jubilatoire est de rigueur !) le lecteur en y repensant se dira "mais c'est vrai que j'ai vu ça quelque part!" mais sans savoir exactement où ni comment...

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 2:25 pm
par Siana
J'aime bien les petits trucs en apparence anodins qui sont en fait importants à la fin. ^^
J'ai un collier, comme ça. Je le mentionne au début de l'histoire, mine rien, puis il ressort vers la fin avec une révélation. Depuis récemment je pense aussi intégrer un objet étrange dont on pourrait se douter qu'il sera utile plus tard. Et puis j'aime bien recycler mes objets mystérieux une fois leur première utilisation terminée ! On revoit par exemple une partie du collier pour une utilisation différente dans le tome 3.

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 4:41 pm
par NB
Le piège, c'est d'introduire ce détail au chapitre 13 pour qu'il serve au chapitre 14.

Donc, dans mons cas, je l'introduis souvent au début (disons, le plus tôt possible) et je n'hésite pas à en faire un rappel subtil régulièrement, surtout juste avant qu'il serve pour ne pas avoir l'effet "tiens, je l'avais oublié, celui-là".
Exemple : mon héros trouve un objet au début du tome 2, l'objet est utilisé dans le tome 3 et est conservé par mon héros... qui s'en resservira de façon cruciale à la fin du tome 4.

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 5:57 pm
par Siana
Il me semblait bien avoir lu cette expression quelque part : http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/F ... DeTchekhov.
^^
C'est plus adapté aux films, mais ça vaut aussi pour les écrits.

Re: Le fusil de Chekov : comment vous faites ?

Posté : sam. mai 21, 2011 7:08 pm
par Jo Ann v.
Je n'utilise pas ce procédé en fantasy, par contre dans mon roman contemporain, je ne fais que ça. Il y a des détails tout le long du roman et, à trois chapitres de la fin, on découvre qu'ils étaient essentiels pour l'héroïne qui n'a pas su s'en servir. Whoops. ;-)