[A] La vue d'aigle sur un champ de bataille
Posté : mar. nov. 29, 2011 4:19 am
(Ce message m'est inspiré par la lecture d'un très intéressant livre sur la bataille de Waterloo, qui m'a fait réaliser que je commettais une grave erreur : j'ai tendance à écrire mes batailles d'un point de vue évident pour un spectateur extérieur plutot que pour un combattant. J'écris ce message pour montrer à quel point une reconstitution postérieure à une bataille peut être trompeuse par rapport à la réalité vécue par les gens sur le champ de bataille, autant en fiction que dans la réalité)
La plupart des livres ou des récits des batailles sont écrits par des gens voyant une carte avec des unités comme des pièces d'échec. Dans de telles circonstances, certains mouvements sont évidents, et d'autres aparaissent comme des fautes grossières...un immense problème étant que personne n'avait cette belle vision (même à l'époque de la guerre moderne) et certainement pas à l'époque des guerres médiévales ou de la révolution.
Un des exemples les plus frappants est la bataille de Waterloo, justement. La bataille a été largement mythifié, par celui qui l'avait perdue (et qui voulait donc se couvrir) : dans son récit (écrit à Sainte Hélène, après avoir longuement consulté les récits anglais), Napoléon apparait comme un génie omniscient qui voit tout et devine tout : il ne perd que parce que ses lieutenants le trahissent, sont stupides ou n'obéissent pas à ses ordres.
Dans les faits, la thèse dans la majeure partie de l'historiographie anglophone est que la bataille a été gagnée en bonne partie parce que Lord Wellington, avait soigneusement inspecté la position du Mont-Saint-Jean en 1814 et en avait reconnu l'extrême solidité, alors que Napoléon l'avait rapidement observé à la lunette.
C'est justement de cela que se dégage des enseignements intéressants pour l'écriture de scènes de combat. On s'entend, Waterloo, on est en Belgique pas au Mordor ou sur Pandora....Comment quelqu'un peut être surpris et trompé par la configuration d'un champ de bataille en Belgique ?
En fait, l'état major a fait trois erreurs au sujet du Mont-Saint Jean
1)Les positions vitales du village de Mont Saint-Jean, de la ferme de la Haye Sainte et de la ferme de Belle-Alliance ont été décalées suite à une mauvaise lecture de la carte (ou une erreur de copie de la carte). Les Français croyaient que la Haye Sainte était le village de Mont Saint-Jean, et que Belle-Alliance était la Haye Sainte. Cette erreur a eu des conscéquences catastrophiques lors de la premìère attaque d'infanterie sur le plateau, où le premier corps (de Drouet d'Erlon) s'attendait à tomber sur un village à prendre d'assaut (le village du Mont Saint-Jean, à deux kilomètres en arrière de la ligne anglaise. Sauf qu'à la place d'un village, c'était une belle plaine ouverte, permettant des charges de cavalerie anglaises : de là la surprise totale lorsque la cavalerie charge.
2)Toujours en raison du décalage, l'état major ignorait l'existence d'un chemin creux, (le chemin d'Ohain) courant sur la crête du plateau du Mont Saint Jean. Ce chemin (invisible depuis les positions de départ francaises) était même assimilé dans les calculs stratégiques à la route de Nivelles. Autrement dit, la troupe et la cavalerie françaises pensaient trouver en haut du plateau une bonne route permettant de déplacer de l'artillerie : ils trouvent plutôt un large fossé, une surprise mortelle. (mortelle parce que outre la difficulté de franchir le fossé lui même, le franchir rend impossible une formation cohérente, ce qui rend excessivement vulnérable à la cavalerie anglaise)
3)Napoléon avait trois corps d'infanterie à Waterloo, le premier, le deuxième et le sixième (le cinquième était sur le Rhin, le troisième et le quatrième à Wavre) Le sixième était placé pour contenir les Prussiens , il restait le premier et le deuxième. Le premier se faisant décimer sur le chemin d'Ohain et en tentant de prendre d'assaut le village du Mont-Saint-Jean (en fait, la ferme de la Haye Sainte), le deuxième était employé dans une tactique ''novatrice'' de Napoléon (seulement la même depuis 1798...) : ''je fais semblant d'attaquer sur le flanc, et quand tu te dégarnis, j'attaque au centre''. Ce qui impliquait de prendre le bois de Houguemont, pour faire semblant de tourner les Anglais. Malheureusement, les Alliés, qui s'attendaient exactement à ce mouvement, avaient lourdement fortifié le château d'Houguemont et placé des unités d'élite en position. À cette situation difficile s'ajoute une autre erreur d'appréciation monstrueuse : Napoléon et son état-major ignoraient complètement la présence du château de Houguemont, qui n'était pas visible à la lunette, parce que cachés par des arbres Confusément informé qu'il y avait ''une maison'' derrière le bois (on comprend que les Francais se faisant hacher par le feu de la garnision ne se lançaient pas dans l'architecture...) les Francais du deuxième corps ont passé toute la journée à attaquer en vain un ''château'' (une grosse maison de ferme), personne ne jugeant bon d'informer le haut commandement : comme le but de la manoeuvre est d'attirer des renforts vers Houguemont et que tres peu de renforts bougent, Napoléon insiste, et envoie toujours plus de troupes dans le bois, jusqu'au soir et à la déroute...
(Je répète, ces conclusions-toutes tirées du livre de Bernard Coppens sur Waterloo, sont pour illustrer à quel point, si on n'a pas de photos aériennes, on peut être trompé quand on commande une bataille depuis un cheval. Et au risque de me répéter, c'est pas sur Hoth ou sur Kashyyk qu'on voit pas l'ennemi, c'est en Belgique, à 100 kilomètres de la frontière française...)
La plupart des livres ou des récits des batailles sont écrits par des gens voyant une carte avec des unités comme des pièces d'échec. Dans de telles circonstances, certains mouvements sont évidents, et d'autres aparaissent comme des fautes grossières...un immense problème étant que personne n'avait cette belle vision (même à l'époque de la guerre moderne) et certainement pas à l'époque des guerres médiévales ou de la révolution.
Un des exemples les plus frappants est la bataille de Waterloo, justement. La bataille a été largement mythifié, par celui qui l'avait perdue (et qui voulait donc se couvrir) : dans son récit (écrit à Sainte Hélène, après avoir longuement consulté les récits anglais), Napoléon apparait comme un génie omniscient qui voit tout et devine tout : il ne perd que parce que ses lieutenants le trahissent, sont stupides ou n'obéissent pas à ses ordres.
Dans les faits, la thèse dans la majeure partie de l'historiographie anglophone est que la bataille a été gagnée en bonne partie parce que Lord Wellington, avait soigneusement inspecté la position du Mont-Saint-Jean en 1814 et en avait reconnu l'extrême solidité, alors que Napoléon l'avait rapidement observé à la lunette.
C'est justement de cela que se dégage des enseignements intéressants pour l'écriture de scènes de combat. On s'entend, Waterloo, on est en Belgique pas au Mordor ou sur Pandora....Comment quelqu'un peut être surpris et trompé par la configuration d'un champ de bataille en Belgique ?
En fait, l'état major a fait trois erreurs au sujet du Mont-Saint Jean
1)Les positions vitales du village de Mont Saint-Jean, de la ferme de la Haye Sainte et de la ferme de Belle-Alliance ont été décalées suite à une mauvaise lecture de la carte (ou une erreur de copie de la carte). Les Français croyaient que la Haye Sainte était le village de Mont Saint-Jean, et que Belle-Alliance était la Haye Sainte. Cette erreur a eu des conscéquences catastrophiques lors de la premìère attaque d'infanterie sur le plateau, où le premier corps (de Drouet d'Erlon) s'attendait à tomber sur un village à prendre d'assaut (le village du Mont Saint-Jean, à deux kilomètres en arrière de la ligne anglaise. Sauf qu'à la place d'un village, c'était une belle plaine ouverte, permettant des charges de cavalerie anglaises : de là la surprise totale lorsque la cavalerie charge.
2)Toujours en raison du décalage, l'état major ignorait l'existence d'un chemin creux, (le chemin d'Ohain) courant sur la crête du plateau du Mont Saint Jean. Ce chemin (invisible depuis les positions de départ francaises) était même assimilé dans les calculs stratégiques à la route de Nivelles. Autrement dit, la troupe et la cavalerie françaises pensaient trouver en haut du plateau une bonne route permettant de déplacer de l'artillerie : ils trouvent plutôt un large fossé, une surprise mortelle. (mortelle parce que outre la difficulté de franchir le fossé lui même, le franchir rend impossible une formation cohérente, ce qui rend excessivement vulnérable à la cavalerie anglaise)
3)Napoléon avait trois corps d'infanterie à Waterloo, le premier, le deuxième et le sixième (le cinquième était sur le Rhin, le troisième et le quatrième à Wavre) Le sixième était placé pour contenir les Prussiens , il restait le premier et le deuxième. Le premier se faisant décimer sur le chemin d'Ohain et en tentant de prendre d'assaut le village du Mont-Saint-Jean (en fait, la ferme de la Haye Sainte), le deuxième était employé dans une tactique ''novatrice'' de Napoléon (seulement la même depuis 1798...) : ''je fais semblant d'attaquer sur le flanc, et quand tu te dégarnis, j'attaque au centre''. Ce qui impliquait de prendre le bois de Houguemont, pour faire semblant de tourner les Anglais. Malheureusement, les Alliés, qui s'attendaient exactement à ce mouvement, avaient lourdement fortifié le château d'Houguemont et placé des unités d'élite en position. À cette situation difficile s'ajoute une autre erreur d'appréciation monstrueuse : Napoléon et son état-major ignoraient complètement la présence du château de Houguemont, qui n'était pas visible à la lunette, parce que cachés par des arbres Confusément informé qu'il y avait ''une maison'' derrière le bois (on comprend que les Francais se faisant hacher par le feu de la garnision ne se lançaient pas dans l'architecture...) les Francais du deuxième corps ont passé toute la journée à attaquer en vain un ''château'' (une grosse maison de ferme), personne ne jugeant bon d'informer le haut commandement : comme le but de la manoeuvre est d'attirer des renforts vers Houguemont et que tres peu de renforts bougent, Napoléon insiste, et envoie toujours plus de troupes dans le bois, jusqu'au soir et à la déroute...
(Je répète, ces conclusions-toutes tirées du livre de Bernard Coppens sur Waterloo, sont pour illustrer à quel point, si on n'a pas de photos aériennes, on peut être trompé quand on commande une bataille depuis un cheval. Et au risque de me répéter, c'est pas sur Hoth ou sur Kashyyk qu'on voit pas l'ennemi, c'est en Belgique, à 100 kilomètres de la frontière française...)