De la pudeur involontaire de l'auteur

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Celia
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par Celia »

Roanne, je n'écris personnellement pas pour m'auto-psychanalyser. Mais ces inconsciences étaient quand même (et sont toujours) dans mes textes. Moi aussi j'écris pour me faire plaisir et parce que c'est fun. Et des fois, eh bien on arrive quand même à écrire sur des sujets personnels, tout en n'en ayant pas conscience.
C'est pour ça que je disais (et que je répète) que ce genre d'interrogation sur l'auto-censure (par exemple) n'arrive qu'au moment de la correction, et encore, si quelqu'un te met le nez devant.
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pingu
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par pingu »

Je ne sais pas si la comparaison vaut (je vous ai déjà dit qu'on me reprochait mes métaphores ?), mais ça me fait penser à :

Si un texte est un corps nu tranquille (serein) et assumé (disposé à donner tout ce que son histoire contient), le lecteur le verra plus beau (plus abouti) que si ce corps nu (le texte), pourtant assez semblable à l'autre (celui qui est tranquille et assumé), est honteux au-dedans de lui (même sans en avoir conscience).

Un peu comme quand on nous dit : "Tiens-toi droit !" et qu'on répond "Mais je suis droit ! Grml..." avant de se rendre compte qu'en effet, on était tout vouté (et les chakras coincés-bouchés).
Prendre de la distance par rapport au texte (écouter le bêta, comme dit Célia, se rendre compte de comment (de si ?) le texte peut être compris), c'est sans doute aussi se "dé-vouter", se redresser (penché qu'on était, crispé sur son clavier ou sa feuille), réintégrer un corps et les sensations qu'il procure.

(Houlà, je sens que la métaphore du matin est en pleine forme, s'échappe et divague...)

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Roanne
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par Roanne »

Celia a écrit :Et des fois, eh bien on arrive quand même à écrire sur des sujets personnels, tout en n'en ayant pas conscience.
C'est pour ça que je disais (et que je répète) que ce genre d'interrogation sur l'auto-censure (par exemple) n'arrive qu'au moment de la correction, et encore, si quelqu'un te met le nez devant.
Je crois juste que ça ne m'est encore jamais arrivé, donc je comprends mieux.
Lorsque je me suis auto-censurée, jusqu'ici, cela a toujours été conscient.

Il y a un sujet sur lequel je veux écrire qui me touche de près (ou plutôt m'a touché de près), mais sous format jeunesse. Je commence déjà à me demander comment je dois faire passer ce que je veux et la façon dont je vais m'y prendre pour pouvoir tout dire, faire passer certaines réalité, sans que cela heurte. Ça va me demander beaucoup de travail et de tact mais j'ai tout à fait conscience de mes limites propres et ce n'est pas elles qui m'inquiètent.
Ce qui m'inquiète, c'est de ne pas avoir le talent / le tact/ la capacité de rendre dans le texte ce que je veux. Que la réalité soit trop dure, par exemple, pour de jeunes lecteurs, même si je l'ai vécue à leur âge.
Il faut que j'y cogite encore beaucoup.
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pingu
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par pingu »

Roanne a écrit : Que la réalité soit trop dure, par exemple, pour de jeunes lecteurs, même si c'est elle que j'ai vécu à leur âge.
A propos des "thèmes durs" et des enfants :
Je me souviens d'un livre pour enfants (8-10) qui traitait de l'inceste (l'héroïne en était victime, c'était le thème du livre). Je l'ai personnellement trouvé assez cliché, mais c'est un fait que des thèmes très durs (guerre, violence, deuil, maladie...) sont abordés (en thème principal ou secondaire) dans des livres pour enfants, y compris dans les albums.

Bref : que cela ne soit pas bloquant ;)

Jean-Claude Dunyach
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par Jean-Claude Dunyach »

J'aime bien ta métaphore, Pingu. Elle me parle.
Je me souviens d'un ami photographe qui m'expliquait que, quand il faisait des photos de nu, il mettait au début le modèle en pleine lumière, totalement exposé dans une posture la plus ouverte possible, il tournait autour avec sa cellule pour mesurer les intensités et préparer mentalement ses clichés. Il avait littéralement le nez dessus, cliniquement, mais il s'efforçait de le mettre à l'aise en communiquant avec lui en permanence, en le regardant régulièrement droit dans les yeux. Ce n'est qu'après qu'il décidait de masquer telle ou telle partie du corps, qu'il faisait adopter telle ou telle posture à son modèle, pour les besoins de ses photos. Mais il avait tout vu, tout lui était montré - il ne masquait jamais par ignorance, par pudeur ou par timidité, seulement par choix.
C'est mon cas quand j'écris, je tourne autour du sujet dans ma tête et je lui dis de se tenir droit. Ensuite, seulement, j'écoute ce que l'histoire me demande de dévoiler et je me déshabille à l'unisson, quitte à enlever des vêtements dont j'ignorais jusque-là ce qu'ils cachaient. Ca marche du premier coup pour moi - je ne dévoile pas plus quand je retravaille, c'est purement stylistique dans 99% des cas.
Et le regard des autres ne me gêne pas. On m'a parfois regardé d'un air bizarre (le syndrome de "je n'aurais pas cru ça de toi" est assez fréquent chez les proches, mais ils s'habituent) ; ça fait partie du métier. Par contre, je crois que le pire pour moi serait que mes histoires se montrent et que personne ne les regarde.
Je vous poutoune,
Je compte pour un. Comme chacun de vous.

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Roanne
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par Roanne »

pingu a écrit :
Roanne a écrit : Que la réalité soit trop dure, par exemple, pour de jeunes lecteurs, même si c'est elle que j'ai vécu à leur âge.
A propos des "thèmes durs" et des enfants :
Je me souviens d'un livre pour enfants (8-10) qui traitait de l'inceste (l'héroïne en était victime, c'était le thème du livre). Je l'ai personnellement trouvé assez cliché, mais c'est un fait que des thèmes très durs (guerre, violence, deuil, maladie...) sont abordés (en thème principal ou secondaire) dans des livres pour enfants, y compris dans les albums.

Bref : que cela ne soit pas bloquant ;)
Je ne parle pas du thème, je parle des détails de sa réalité dans le texte qui l'aborde.
Le thème, j'ai déjà décidé de l'aborder (c'est le sujet de mon projet). J'estime qu'on peut tout aborder pour toute tranche d'âge.
Après, il y a la façon de le faire, ce qu'on accepte de dire ou pas, le degré de réalisme /réalité, les détails (donc) (là je parle des détails pratiques, des choses auxquelles on peut être confronté en vrai, mais il y a l'art et la manière de les présenter). A mes yeux, ça doit être adapté au public et écrit avec le talent nécessaire pour faire son office. Mes limites personnelles se situent plutôt là : est-ce que je serai capable de d'offrir avec l'enrobage nécessaire ?
Du coup, l'une des questions que je me pose en ce moment, c'est de savoir si je dois ou pas intégrer des éléments fantastiques pour faire passer plus facilement certaines réalités, qu'elles soient mieux "reçues" par de jeunes lecteurs, alors qu'a priori j'étais partie sur un texte non SFFF.
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Beorn
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par Beorn »

Célia a écrit :Roanne, je n'écris personnellement pas pour m'auto-psychanalyser. Mais ces inconsciences étaient quand même (et sont toujours) dans mes textes. Moi aussi j'écris pour me faire plaisir et parce que c'est fun. Et des fois, eh bien on arrive quand même à écrire sur des sujets personnels, tout en n'en ayant pas conscience.
C'est pour ça que je disais (et que je répète) que ce genre d'interrogation sur l'auto-censure (par exemple) n'arrive qu'au moment de la correction, et encore, si quelqu'un te met le nez devant.
Je suis comme toi et je comprends exactement ce que tu veux dire.

Pour prendre un exemple dans La Pucelle, pour ceux qui l'ont lu :
Jéhanne trouve un bébé abandonné. Par devoir et comme personne d'autre ne s'en soucie, elle le ramasse en espérant le refourguer au plus vite à quelqu'un de plus compétent. Elle se sent complètement désemparée.
Puis, petit à petit, puisque qu'elle ne trouve personne d'autre, elle s'attache à lui et commence à se considérer comme responsable de lui.
[et ceci, je m'en suis rendu compte beaucoup plus tard, c'était exactement mon état d'esprit à la naissance de mon fils : "argh ! Comment on fait ? Comment ça marche ? Je ne sais pas faire, au secours !" puis : "bon, j'ai une responsabilité maintenant, il faut que je m'en occupe. Et puis d'ailleurs, l'est mignon ce p'tit bonhomme."]

Et pour ce qui est d'aller jusqu'au fond de son idée : comme on est en fantasy, la magie existe et Jéhanne se met à faire du lait (ce qui est essentiel pour que le bébé survive). Ecrire une scène où elle lui donne le sein était pour moi une manière d'aller au bout du raisonnement.
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Syven
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par Syven »

Cette discussion est décidément super intéressante.

Je partage l'avis de Jean-Claude, à savoir qu'il faut aller au bout, parce que c'est ce qui donne du relief et de l'intensité au récit. Je crois que dans la part inconsciente qui nous empêche de traiter le fond des choses, il y a aussi le problème de l'affrontement : lorsque le thème est délicat et difficile, il peut arriver qu'on ne sache pas par quel bout le prendre et qu'on l'ellipse, de fait.

Ca m'arrive, et en général, je corrige ça à la relecture. D'ailleurs, rien n'échappe aux bêta-lecteurs.

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Elikya
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par Elikya »

J'aime beaucoup ta métaphore, Pingu. :heart:

Et je rejoins Célia sur le fait de ne pas m'auto-psychanalyser volontairement. Je n'en ai absolument pas conscience lorsque j'écris (sans syno,sans fiche perso, seule Muse me guide). Je ne comprends qu'après, bien longtemps après, ce que j'ai mis dans mes textes.

Paul, comme ton exemple est beau ! :heart: Je me souviens de cette scène. Je crois que c'est celle qui m'a le plus marqué dans ton roman. Ce n'est sans doute pas un hasard...

elophil

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par elophil »

Je viens de faire le tour de vos messages et le sujet est très intéressant.
Pour ma part, je développe des personnages plutôt gnangnans, alors que je suis adulte, mère et loin d'être fleur bleue dans la vie.
Je m'en aperçois en parcourant vos écrits. Certains écrivains, bien plus jeunes que moi, savent mettre plus de profondeur et moins de potache dans leurs personnages.
Mais je pense que vos lecteurs trouveront ce qu'ils veulent trouver dans vos personnages.
Vous pouvez vous auto-censurer ou bien aller très loin, c'est finalement le lecteur qui perçoit l'histoire avec sa personnalité.
Par exemple, un de vos héros adulte qui s’endort au fond d'un bois avec un autre personnage enfant serré contre lui, pour le réchauffer, peut paraître à certains protecteur et à d'autres pervers.
Votre lecteur lit VOTRE histoire mais y superpose toujours SON histoire.
J'ai été, l'hiver dernier, à la Comédie Française voir un Tramway nommé Désir. Là où moi j'ai vu un viol à la fin de la pièce, ma cousine a vu un aboutissement au désir refoulé de Blanche pour son beau-frère rustre.
Non?

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Nyaoh
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par Nyaoh »

Pour ce qui est de l'aspect psychanalyse ça me titille je ne peux m'empêcher de réagir, mais on est aussi des fois les plus mal placés pour se comprendre, c'est bien ça l'inconscient poussé dans les coins et travestir ce qui "gratte", pour se protéger. Des fois on va se dire "je sais que ça, ça vient de là..." et on se troupe lourdement, les gros traumas soit c'est évident et la censure ne peut plus rien... Genre oublier que votre papa vous a violé, ça peut arriver mais c'est pas la plupart des cas. Alors qu'un dégoût pour quelque chose de bien particulier peut ne sembler avoir aucun rapport, logique dans votre vie, l'inconscient a bien ça comme taf de déplacer certains trucs pour nous rendre la vie plus facile (enfin c'est le but de départ, des fois ce que l'inconscient engendre nous pourri quasiment plus la vie).
Bref je HS un peu, mais pas tout à fait. On peut y penser pour ses personnages et leur faire ce genre de petites mystifications, qu'on fait tomber plus tard ou des parallèles qu'on ne comprend qu'à la fin du livre.
En vous lisant je me rends compte que ce qui me serait très dur à écrire c'est l'auto-mutilation, quand j'en vois dans un film déjà limite je change, j'ai un mal fou avec ça. Les scènes avec des junky qui sont en plein trip aussi à la TRAINSPOTTING ou BASKET BALL DIARIES, ouf quoi... Je pense que ça dépend de ce qu'on aime lire, vous avez sûrement les même tendances à aller lire et éviter de lire, les même sujets, non ? (Chez moi c'est vrai c'est pour ça que je le dis) Peut-être dans ce cas que c'est pas forcément le problème de décrire ça, mais d'y être confronté tout court...
On est un peu loin de l'exemple donné au départ qui semblait évident sur le pourquoi ça va bloquer de traiter ça avec sexualité/enfant etc.
"Je ne cherche à être sur de rien mais je veux trouver la forme juste de mon doute"
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Beorn
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par Beorn »

Elikya a écrit :Paul, comme ton exemple est beau ! :heart: Je me souviens de cette scène. Je crois que c'est celle qui m'a le plus marqué dans ton roman. Ce n'est sans doute pas un hasard...
:love:
Merci Elikya.
Nyaoh a écrit :Pour ce qui est de l'aspect psychanalyse ça me titille je ne peux m'empêcher de réagir, mais on est aussi des fois les plus mal placés pour se comprendre, c'est bien ça l'inconscient poussé dans les coins et travestir ce qui "gratte", pour se protéger. Des fois on va se dire "je sais que ça, ça vient de là..." et on se troupe lourdement, l
Tout à fait d'accord là-dessus. Mais on n'écrit pas un roman pour faire un psychanalyse, je pense que c'est se tromper lourdement dans la démarche. On l'écrit pour être lu et on essaye de le faire le mieux possible.
Ensuite, par accident, cela nous permet parfois de comprendre quelque chose sur soi-même (ou pas...).
Nyaoh a écrit :En vous lisant je me rends compte que ce qui me serait très dur à écrire c'est l'auto-mutilation, quand j'en vois dans un film déjà limite je change, j'ai un mal fou avec ça. Les scènes avec des junky qui sont en plein trip aussi à la TRAINSPOTTING ou BASKET BALL DIARIES, ouf quoi... Je pense que ça dépend de ce qu'on aime lire,
Eh bien, il y a deux cas :
- Soit les mutilations (et ce thème en général : la souffrance, l'arrachement d'une part de soi, l'agression physique, le manque d'un élément de soi...) est quelque chose qui te fascine et sur lequel tu construis ton roman, alors je pense que tu dois dépasser ta peur et écrire une scène là-dessus pour aller au bout de ta démarche.
(= "je veux l'écrire mais je n'ose pas")
- Soit cela te dégoûte juste, au sens où cela ne t'intéresse absolument pas et tu as vraiment d'autres projets en tête qui te passionnent. Dans ce cas, je pense que ça ne sert strictement à rien de te faire du mal.
(= "beurk, ce qui me motive, c'est autre chose").

En fait, il n'est pas toujours facile de faire la différence entre les deux "dégoûts", mais les bêta-lecteurs peuvent t'y aider.
elophil a écrit :Par exemple, un de vos héros adulte qui s’endort au fond d'un bois avec un autre personnage enfant serré contre lui, pour le réchauffer, peut paraître à certains protecteur et à d'autres pervers.
Votre lecteur lit VOTRE histoire mais y superpose toujours SON histoire.
J'ai été, l'hiver dernier, à la Comédie Française voir un Tramway nommé Désir. Là où moi j'ai vu un viol à la fin de la pièce, ma cousine a vu un aboutissement au désir refoulé de Blanche pour son beau-frère rustre.
Autant je suis d'accord pour dire que chaque lecteur s'approprie une histoire et fait la moitié du travail, autant s'il commet un contresens complet à la lecture, je pense qu'il y a un vrai souci.
Certes, certaines histoires sont construites sur une ambiguité, ou peuvent être comprise sous deux angles différents, mais alors les deux doivent tenir debout.

Et si par extraordinaire, un lecteur se met à adorer un bouquin qu'il n'a absolument pas compris, sur un malentendu... Alors ce n'est pas très satisfaisant pour l'auteur.
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pingu
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par pingu »

elophil a écrit : Par exemple, un de vos héros adulte qui s’endort au fond d'un bois avec un autre personnage enfant serré contre lui, pour le réchauffer, peut paraître à certains protecteur et à d'autres pervers.
Votre lecteur lit VOTRE histoire mais y superpose toujours SON histoire.

Oui.
Comme tu le dis, il superpose. Quand il en arrive à la remplacer, je dirais que peut-être, pour être compris si "à l'opposé", le texte manque de sincérité. C'est à dire que l'auteur n'aurait pas su/voulu choisir son propos (consciemment (à mon sens ce serait en ce cas une erreur d'écriture) ou pas (et là je le verrais plutôt comme un manque d'expérience)).
Avec un exemple fantasy :
Dans un monde fantasy donné, il se passe des trucs bizarres. Certains des personnages disent "c'est de la magie" ; d'autres disent "c'est le hasard". Il se peut qu'aucun des deux clans, à la fin du livre, ne soit sorti vainqueur de cette querelle. Cependant, je pense qu'il est nécessaire, pour que ce livre soit un bon livre, que l'auteur, lui, sache la vérité à propos de son monde (ce qui le tient, le fait être réel, si c'est de la magie ou du hasard).

Ne pas avoir choisi (et exploré, mis à nu - pour reprendre la métaphore de tout à l'heure) ce qui sous-tend (les pourquoi, les comment etc.) le monde, ou les actions d'un personnage, ou n'importe quoi d'autre revient (je pense et ça n'engage que moi) à avancer à tâtons avec un sac de jute sur la tête et les mains attachées (dur de tâtonner...) dans un espace inconnu tout en cherchant à le décrire. Avec beaucoup de chance, ça peut marcher du tonnerre. Avec un peu de chance, on peut réussir à écrire un texte joli ou intéressant que les lecteurs liront de plein de façons différentes (et à chaque fois qu'on entendra une version, on se dira, le découvrant en vérité, "oh, mais oui, il y a ça dans mon texte" (ou "mais pas du tout !")) sans que l'auteur puisse trancher entre leurs lectures.

Bien sûr, il y a les blancs, les entre-lignes du texte, la liberté du lecteur. Mais, en tant que lecteur, je préfère être libre dans un beau château avec un parc et des routes (si je veux sortir ^^) que dans un désert qui ne me propose que des mirages élaborés par moi assoiffée.

Edit : message de Beorn entre-temps, dont j'approuve les propos (d'ailleurs je dis la même chose, me semble-il, mais avec des images dedans ^^).

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Syven
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par Syven »

Beorn a écrit : Autant je suis d'accord pour dire que chaque lecteur s'approprie une histoire et fait la moitié du travail, autant s'il commet un contresens complet à la lecture, je pense qu'il y a un vrai souci.
Je ne suis pas d'accord. Certains lecteurs vont omettre inconsciemment ce qui les gêne pour projeter leur histoire sur ce qu'ils lisent. Ils vont juste oublier instantanément certains détails et ne garder en mémoire que ce qui les arrange.

Par exemple, s'ils ont décidé de détester ton héros parce que certains traits de caractère les dérangent, ils ne verront pas le reste du personnage, ils ne l'apercevront que d'un certain angle et liront un texte à l'opposé de ce que tu as voulu. Certains vont au contraire réarranger le héros et gommer ce qu'ils n'aiment pas pour ne voir que ce qu'ils aiment.

L'auteur n epeut pas lutter contre l'inconscient du lecteur. C'est aussi pour ça que chaque lecteur n'apprécie pas un roman pour les mêmes raisons qu'un autre, et pourtant, ils lisent bien le même texte.

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Roanne
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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Message par Roanne »

Syven, là c'est presque plus un problème de public : tu abordes le problème des lecteurs pour lesquels le roman n'est vraiment pas fait, non ? (les lecteurs qui au final ne devraient pas le lire, ou le reposer très très vite en début de lecture)

C'est important à mes yeux, parce que positionnés en bêta-lecteurs, ils peuvent être destructeurs pour le projet d'un auteur...

On ne peut pas lutter contre l'inconscient (le nôtre, celui du lecteur) mais quand le lecteur cible, celui qui aurait dû comprendre / aimer le projet, capte tout de travers, Beorn a raison, il y a quand même un souci.

Le tout est de savoir, donc, si le lecteur capte de travers parce que fondamentalement, il ne peut pas recevoir le texte, ou bien parce que c'est l'auteur qui s'est un peu fourvoyé quelque part. Les deux sont possibles, je pense.
Et les conséquences pour le re-travail du texte ne sont pas du tout les mêmes.
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