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Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 11:29 am
par Nyaoh
Beorn a vrai dire e n'ai encore jamais même eu l'idée d'en inclure dans mes histoires, en fait (la censure va peut-être jusque là dans ce cas). Donc le problème ne c'est pas posé que j'ai besoin de reculé. Je cherchais des exemples pour moi qui me posait souci, comme on parlait de scènes de sexe ou de violence, ce que j'ai déjà tenté (avec plus ou moins de succès ça je ne sais pas). Je cherchais le parallèle ou je me dirais "ouhla...". Mais pour l'instant à part me forcer à en mettre je n'ai pas ça dans ma musette et dans le fil de mes histoires.

L'auteur ne peut pas lutter contre l'inconscient de son lecteur et son propre inconscient et l'inconscient collectif (si les 3 sont vrais et importants je pense), mais comme tu le dis ça fera le succès ou l'aversion pour certains, mais ça va aussi faire la portée qui peut être plus... universel ? De son texte, je ne sais pas comment le dire.
Syven a écrit : Par exemple, s'ils ont décidé de détester ton héros parce que certains traits de caractère les dérangent, ils ne verront pas le reste du personnage, ils ne l'apercevront que d'un certain angle et liront un texte à l'opposé de ce que tu as voulu. Certains vont au contraire réarranger le héros et gommer ce qu'ils n'aiment pas pour ne voir que ce qu'ils aiment.
Assez d'accord avec ça aussi.

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 11:39 am
par pingu
Roanne a écrit :Le tout est de savoir, donc, si le lecteur capte de travers parce que fondamentalement, il ne peut pas recevoir le texte, ou bien parce que c'est l'auteur qui s'est un peu fourvoyé quelque part. Les deux sont possibles, je pense.
Oui, c'est vrai, je n'y pensais pas.
Il y a des gens qui ne peuvent pas lire certains romans de fantasy (des ours en armure, par exemple, c'est au-dessus de leurs forces), ou d'autres qui n'accrochent pas au polar, ou à l'auto-fiction, etc.
Les Dissections (mais aussi bien sûr toutes les critiques des livres parus en général, et les discussions à propos des lectures) nous montrent d'ailleurs chaque jour qu'un même livre peut être lu avec plus ou moins d'enthousiasme (et cette fois par un public a priori "cible", plus ou moins) - parfois à propos des mêmes points.
Syven a écrit :Je ne suis pas d'accord. Certains lecteurs vont omettre inconsciemment ce qui les gêne pour projeter leur histoire sur ce qu'ils lisent. Ils vont juste oublier instantanément certains détails et ne garder en mémoire que ce qui les arrange.

Par exemple, s'ils ont décidé de détester ton héros parce que certains traits de caractère les dérangent, ils ne verront pas le reste du personnage, ils ne l'apercevront que d'un certain angle et liront un texte à l'opposé de ce que tu as voulu. Certains vont au contraire réarranger le héros et gommer ce qu'ils n'aiment pas pour ne voir que ce qu'ils aiment.

L'auteur n epeut pas lutter contre l'inconscient du lecteur.
Oui, mais il peut s'assurer que si certains détails sont nécessaires à la compréhension de l'histoire (l'homme est-il un gentil oncle ou un affreux violeur ? - ça peut être le point de l'histoire de le découvrir, d'ailleurs, mais s'il est important de le savoir pour ne pas passer à côté de l'histoire, l'info doit, je pense, être amenée clairement, et surtout, avant cela, être claire dans la tête de l'auteur), ces "détails" soient clairs et abordés de telle façon que le lecteur ne puisse pas passer à côté (ou avec beaucoup de volonté. Pour ma part j'ai un Malefoy brun en tête. Mais ça ne change strictement rien à l'histoire, il est aussi méchant blond que brun, alors ce n'était pas un détail important à mon sens.)

(Mais je dévie du sujet)

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 11:45 am
par Roanne
En tout cas, ce sujet est génial. J'apprends plein de choses et ça m'interroge.

Je m'aperçois qu'à titre personnel, en dehors même du fait que j'écris pour la détente, sans me prendre au sérieux, de toute façon je crois que je n'écrirais pas sur ce qui me dérange ou simplement sur des sujets sur lesquels je n'ai pas envie de passer des semaines, des mois, parce qu'ils remuent trop de choses.

Donc, si j'estime ne pas trop avoir eu de souci inconscient de "pudeur" en cours d'écriture sur les sujets "difficiles", c'est surtout parce que j'évacue de toute façon d'office l'idée d'écrire sur un sujet qui me pose problème. ^^

Après, ma pudeur par rapport aux scènes de fesses, c'est un autre sujet, c'est plus parce que je n'étais pas certaine que ça serve mon roman...

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 11:46 am
par Beorn
Syven a écrit :Je ne suis pas d'accord. Certains lecteurs vont omettre inconsciemment ce qui les gêne pour projeter leur histoire sur ce qu'ils lisent. Ils vont juste oublier instantanément certains détails et ne garder en mémoire que ce qui les arrange.

Par exemple, s'ils ont décidé de détester ton héros parce que certains traits de caractère les dérangent, ils ne verront pas le reste du personnage, ils ne l'apercevront que d'un certain angle et liront un texte à l'opposé de ce que tu as voulu. Certains vont au contraire réarranger le héros et gommer ce qu'ils n'aiment pas pour ne voir que ce qu'ils aiment.

L'auteur ne peut pas lutter contre l'inconscient du lecteur. C'est aussi pour ça que chaque lecteur n'apprécie pas un roman pour les mêmes raisons qu'un autre, et pourtant, ils lisent bien le même texte.
Bien sûr, il y a toujours des lecteurs qui vont complètement comprendre de l'histoire de travers : je pense à un certain lecteur qui voyait Jéhanne comme malfaisante et perverse alors que je l'ai voulue profondément bonne et simple. C'est un retour unique et qui m'a beaucoup surpris.
Ce genre de cas isolé, sans doute dû à une histoire personnelle très particulière et propre à ce lecteur, on ne peut pas l'éviter complètement.
Mais on doit essayer au maximum : l'auteur doit être clair et explicite sur les fondamentaux (sans être lourd non plus...).
Parce que si Jéhanne est perverse, "La Pucelle" n'a aucun sens, c'est un roman qui ne va nulle part, il n'a aucun intérêt. Il est construit sur du vide.

Après, un lecteur va peut-être s'intéresser au combat au sabre plus qu'à la scène du sein... Il va lire le phénomène de Diable-Vert au premier degré ou y voir une vaste métaphore... Tout cela est possible, mais ce n'est pas grave : le roman tiendra debout, les lecteurs se seront juste plus ou moins projetés dans une facette ou une autre.

Mais sur certains aspects fondamentaux du roman, il ne doit pas exister de contresens.

Certains textes peuvent se lire de deux façons opposées parce qu'ils sont construits comme cela et qu'ils restent logiques dans les deux cas.
C'est le cas du du "Horla", de Maupassant (ou du "Tour d'Ecrou" de Henry James) : le narrateur est-il attaqué par une créature invisible et surnaturelle, ou sombre-t-il dans une crise démence ?
On ne peut pas le savoir mais dans les deux cas, le récit est cohérent.

C'est le cas aussi de l'exemple d'elophil, "Un tramway nommé désir".
On peut voir la fin comme un viol ou comme l'aboutissement d'un désir (je n'ai pas vu la pièce, je n'ai vu que le film et je ne me souviens pas de cela).
Par contre, il y a des fondamentaux : si on croit que Stanley est moche ou qu'il n'aime pas Stella, on commet un contresens qui ôte tout intérêt à l'histoire.

EDIt : My god, il y a eu tout plein de messages entre-temps ! ^^

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 11:49 am
par pingu
(Encore une fois, Beorn dit pareil que moi en plus clair. Mais cette fois, c'est moi qui a posté avant. ^^)

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 12:02 pm
par Beorn
pingu a écrit :(Encore une fois, Beorn dit pareil que moi (...). Mais cette fois, c'est moi qui a posté avant. ^^)
Caramba, encore raté ! :wamp: ^^
Roanne a écrit :Le tout est de savoir, donc, si le lecteur capte de travers parce que fondamentalement, il ne peut pas recevoir le texte, ou bien parce que c'est l'auteur qui s'est un peu fourvoyé quelque part. Les deux sont possibles, je pense.
Et les conséquences pour le re-travail du texte ne sont pas du tout les mêmes.
Voilà, c'est exactement ce que je pense aussi.
pingu a écrit :Oui, mais il peut s'assurer que si certains détails sont nécessaires à la compréhension de l'histoire (l'homme est-il un gentil oncle ou un affreux violeur ? - ça peut être le point de l'histoire de le découvrir, d'ailleurs, mais s'il est important de le savoir pour ne pas passer à côté de l'histoire, l'info doit, je pense, être amenée clairement, et surtout, avant cela, être claire dans la tête de l'auteur), ces "détails" soient clairs et abordés de telle façon que le lecteur ne puisse pas passer à côté
Et aussi. ;)

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 12:13 pm
par Beorn
Nyaoh a écrit :L'auteur ne peut pas lutter contre l'inconscient de son lecteur et son propre inconscient et l'inconscient collectif (si les 3 sont vrais et importants je pense), mais comme tu le dis ça fera le succès ou l'aversion pour certains, mais ça va aussi faire la portée qui peut être plus... universel ? De son texte, je ne sais pas comment le dire.
Oui, sans doute.
C'est intéressant sur ce que tu dis de l'inconscient collectif. On compose tout le temps avec lui pour toucher le lecteur, en usant des codes communs à une culture.

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 12:27 pm
par Roanne
J'ai aussi noté quelque chose dans mes lectures... la pudeur n'est pas forcément là où l'on croit.

Par exemple, les auteurs abordent des sujets difficiles, durs, très souvent.
Ils parviennent parfois à le faire de façon très réaliste voire crue, brut de fonderie.
Peut-être (c'est une question ^^) justement pour dépasser leur propre pudeur, leurs propres tabous ?

Pourtant, ce sont souvent après ces scènes que la vraie pudeur apparaît parce que... les conséquences ne sont pas évoquées, pas creusées, ou trop vite évincées, élucidées, traitées, résolues, etc (du moins à mon goût).

Pour moi, c'est au contraire là que le travail de l'auteur débute vraiment...

Exemple pratique : décrire un viol juste pour décrire un viol, ça me hérisse.
Décrire un viol pour montrer comment un personnage donné, par rapport à son caractère, son expérience, son entourage, son éducation, ses séquelles physiques et psychiques, son rapport au sexe et aux autres, va en être marqué, là ça m'intéresse déjà plus (même si je ne cours pas du tout après ce genre de lecture).

Le viol n'est pas un acte anodin et je trouve que trop souvent, dans les romans, il sert juste de "ficelle" scénaristique (et cette banalisation me fait vraiment mal au coeur).
Si l'auteur laisse sa pudeur de côté, il doit s'interroger en toute franchise sur la façon dont son personnage doit vivre avec ça et les conséquences sur l'ensemble de son roman.

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 12:38 pm
par Sytra
Je trouve ce que tu dis très vrai, Roanne. Là où notre pudeur inconsciente va bien souvent se manifester, c'est dans les conséquences des évènements subis par les personnages. Parce que finalement, la scène de viol, de torture ou de tuerie, on peut la décrire de manière assez "extérieure". Mais l'impact que cela va avoir ensuite sur la psyché du personnage, ça ne peut être décrit qu'en "interne", en plongeant à l'intérieur des sentiments et des pensées du personnages. Et ça, ça risque de nous remuer beaucoup plus. Du coup, bien souvent on l'évite.

Il n'est pas rare de trouver des romans de SFFF où un personnage se fait torturer, où on voit alors sa souffrance physique et morale, mais une fois que ces compagnons l'ont libéré il ne reste aucun impact. Il reprend sa vie comme s'il n'avait jamais vécu cette torture. Pareil pour un personnage qui se retrouve à devoir tuer du monde. C'est quelque chose qui ne devrait absolument pas laisser indifférent. Même quand ceux qu'ils tuent font parti des méchants et sont de parfaits inconnus pour lui (genre les gardes de la cité du vilain empereur). Je n'ai jamais ôté une vie, mais je ne crois pas qu'on puisse le faire sans que ça impact sur nous. Même quand on a été formé pour être un guerrier. Pourtant, c'est un aspect quasiment jamais abordé dans les romans de SFFF. :lect:

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 12:41 pm
par Syven
Beorn a écrit :
Roanne a écrit :Le tout est de savoir, donc, si le lecteur capte de travers parce que fondamentalement, il ne peut pas recevoir le texte, ou bien parce que c'est l'auteur qui s'est un peu fourvoyé quelque part. Les deux sont possibles, je pense.
Et les conséquences pour le re-travail du texte ne sont pas du tout les mêmes.
Voilà, c'est exactement ce que je pense aussi.
Complètement d'accord.

+1 aussi avec Pingu sur le fait que l'auteur doit être clair avec lui-même s'il veut être clair avec le lecteur.

edit: Et des millions de réponses, hou la la !

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 12:43 pm
par Beorn
Roanne a écrit :Pourtant, ce sont souvent après ces scènes que la vraie pudeur apparaît parce que... les conséquences ne sont pas évoquées, pas creusées, ou trop vite évincées, élucidées, traitées, résolues, etc (du moins à mon goût).
Tout à fait d'accord.
Allez au bout de son idée, ça ne veut absolument pas dire "se forcer à être dur, cru ou glauque". Sauf si on a décidé au départ qu'on voulait un roman dur, cru ou glauque.
Roanne a écrit :Le viol n'est pas un acte anodin et je trouve que trop souvent, dans les romans, il sert juste de "ficelle" scénaristique (et cette banalisation me fait vraiment mal au coeur).
Si l'auteur laisse sa pudeur de côté, il doit s'interroger en toute franchise sur la façon dont son personnage doit vivre avec ça et les conséquences sur l'ensemble de son roman.
Oui, il y a un côté "voyeur" évident dans la plupart des scènes de viol et je m'en passerai bien, personnellement.

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 12:44 pm
par petit_pavé
Roanne a écrit :Exemple pratique : décrire un viol juste pour décrire un viol, ça me hérisse.
Décrire un viol pour montrer comment un personnage donné, par rapport à son caractère, son expérience, son entourage, son éducation, ses séquelles physiques et psychiques, son rapport au sexe et aux autres, va en être marqué, là ça m'intéresse déjà plus (même si je ne cours pas du tout après ce genre de lecture).

Le viol n'est pas un acte anodin et je trouve que trop souvent, dans les romans, il sert juste de "ficelle" scénaristique (et cette banalisation me fait vraiment mal au coeur).
Si l'auteur laisse sa pudeur de côté, il doit s'interroger en toute franchise sur la façon dont son personnage doit vivre avec ça et les conséquences sur l'ensemble de son roman.
Merci Roanne :love: (nan parce que le viol, c'est sûrement le genre de scènes que je déteste le plus, alors le voir utilisé si souvent comme simple accessoire servant juste à démontrer le "réalisme" d'un univers, cela me dégoûte. Pourtant, exploiter ses conséquences psychologiques, c'est bien la seule chose qui pourrait le justifier à mes yeux).

Et je suis tout à fait d'accord avec Sytra à ce niveau ;) Il faut déjà avoir atteint un fameux niveau de détachement pour tuer froidement, pourtant, on voit souvent des héros le faire à tour de bras sans le moindre remords, avant d'aller fêter cela autour d'une chope (je caricature, mais à peine).

(En tout cas cette discussion est passionnante, j'apprends plein de choses qui vont m'offrir de nouveaux axes de relecture intéressants ("tout donner au lecteur", j'adore ce principe :heart: ) Sans compter que, comme l'a montré Célia, on a bien beson des bêta-lecteurs pour arriver à cerner certaines choses qui ont tendance à nous échapper tant que quelque chose ou quelqu'un ne nous a pas mis le nez dessus).

EDIT:
Beorn a écrit :Oui, il y a un côté "voyeur" évident dans la plupart des scènes de viol et je m'en passerai bien, personnellement.
Moi aussi :wamp: Les scènes de ce genre dans des livres et des films que j'ai trouvé réellement justifiées et d'un certain intérêt dans l'histoire doivent se compter sur les doigts de la main...

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 12:50 pm
par pingu
Beorn a écrit :
Roanne a écrit :Pourtant, ce sont souvent après ces scènes que la vraie pudeur apparaît parce que... les conséquences ne sont pas évoquées, pas creusées, ou trop vite évincées, élucidées, traitées, résolues, etc (du moins à mon goût).
Tout à fait d'accord.
Allez au bout de son idée, ça ne veut absolument pas dire "se forcer à être dur, cru ou glauque". Sauf si on a décidé au départ qu'on voulait un roman dur, cru ou glauque.
Oui !

(A garder en tête pour mon projet du moment, ce "aller au bout de la logique, creuser dans l'avancement". Je l'oublie trop souvent encore.)

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 1:10 pm
par Celia
Vous postez trop ! Je vais avoir des pages et desp ages à rattraper ce soir !
Juste un truc :
pingu a écrit :Les Dissections (mais aussi bien sûr toutes les critiques des livres parus en général, et les discussions à propos des lectures) nous montrent d'ailleurs chaque jour qu'un même livre peut être lu avec plus ou moins d'enthousiasme (et cette fois par un public a priori "cible", plus ou moins) - parfois à propos des mêmes points.
Cas récent sur le livre de Thomas Day, où une expression particulière a hérissé trois lectrices, alors qu'elle ne m'a pas gênée du tout. Or on ne peut pas dire que nos conceptions du féminisme à chacune d'entre nous soient excessivement différentes du moins je ne pense pas (puisqu'il s'agissait de ce domaine-là)

Re: De la pudeur involontaire de l'auteur

Posté : jeu. déc. 01, 2011 1:36 pm
par Jean-Claude Dunyach
Attention, on bascule de la notion de pudeur à celle de censure ou d'interdit... Ce n'est pas tout à fait la même chose.
Pour moi, la pudeur d'un auteur est une chose qui l'empêche de focaliser et de préciser sa scène autant que celle-ci le nécessiterait. C'est une façon de détourner les yeux, de mettre des feuilles de vigne inconscientes, voire de faire un gros détour pour ne pas passer là... Ça peut concerner n'importe quoi, du sexe à l'amour (il y a des auteurs dont les personnages n'expriment jamais leurs sentiments, parce que l'auteur a du mal à dire "je t'aime", alors qu'il décrira sans problème une partie de jambes en l'air plutôt corsée), de la cruauté à la douceur, voire des aspects purement organiques ou sensoriels (on ne parlera pas d'une mauvaise odeur - vous connaissez beaucoup de personnages qui sentent sous le bras, vous ?) sur lesquels on fait l'impasse parce qu'on est mal à l'aise avec soi-même. Ça inclut aussi les phobies, araignées, serpents... les grouillements, les sensations très désagréables, ou au contraire trop agréables et qui nous font rougir, l'expression d'un désir que l'on assume pas toujours, etc.
Bref, toutes les raisons personnelles qui nous font "ne pas écrire cela" ou ne pas aller assez loin dans l'écriture.
Vous remarquerez que tout ce que j'ai cité ci-dessus est parfaitement légal et autorisé dans un roman, il n'y a donc ni interdit ni censure en jeu. Il y a juste le fait qu'en écrivant une scène où le héros rampe au milieu des araignées je suis obligé de me figurer la scène avec tous les détails (mhhh, tous ces grouillements velus) et donc je vais éviter de le faire ramper à cet endroit-là. Sans même m'en apercevoir, parfois.
Je vais peut-être arrêter un dialogue juste avant que le personnage dise quelque chose que j'aurais pu/dû dire à sa place et que je n'ai pas envie de voir sous ma plume, même si c'est le personnage qui le dit et pas moi (parce que ma maman, mon amoureu(x)(se) va me le reprocher). Résultat, cette réplique manque à l'histoire.
C'est difficile de lutter contre ça, de se dire que ses personnages diront à haute voix des choses qu'on n'a même pas osé murmurer à son partenaire, qu'ils exprimeront des douleurs, des rancunes, des violences dont on ne voudrait pas avoir à les assumer. Oui, mais, on est seul devant sa page blanche, son miroir. Le lecteur ne vous verra pas vous, il verra son propre personnage, son propre film. Et tous les tortillements, les sentiments de honte, de jouissance perverse, de trouille absolue, d'émotions que nous ressentirons en écrivant seront perdues pour ledit lecteur et remplacées par celles que le texte lui induira. Si nous avons bien écrit la scène...
Après, le problème de savoir si on "a le droit" de parler de ci ou de ça, de braver les interdits, la censure ou les conventions, c'est autre chose car cela relève de l'acte conscient, de son propre rapport à son image et à sa mission d'écrivain. Je n'ai pas d'avis là-dessus, chacun fait ce qu'il veut. Mais la pudeur est une chose dont je me méfie, car elle est insidieuse et dessert le texte au final.
je vous poutoune,