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[A] Truby : le choix de l'adversaire

Posté : jeu. avr. 19, 2012 3:45 pm
par Beorn
Je continue avec la série de fils sur le livre de John Truby Anatomie du scénario (Anatomy of story).
Comme je l'ai déjà dit, il ne s'agit pas de mon opinion ni de ma réflexion personnelle, il s'agit des concepts de M. Truby.
Je pense que celui-ci est intéressant.

[les autres fils :
Faiblesse morale du héros
Le conflit dans lieu resserré
Le personnage secondaire
"L'arène" ou l'unité de lieux]

Je cite le livre de mémoire, car je ne l'ai pas sous la main. J'apporterai des précisions en cours de discussion en cas de besoin.
L'adversaire du héros est la personne la plus susceptible d'attaquer sa faiblesse. Ce que Truby appelle sa "faiblesse morale" (voir le fil sur le sujet)
On retrouve l'idée d'histoire "organique" où tous les éléments sont liés entre eux.

L'adversaire ne sera donc pas forcément le personnage le plus antipathique, ou le plus violent, cela dépend du thème et du genre d'histoire.
Dans le cas d'une histoire d'amour, l'adversaire est en général l'autre membre du couple, par exemple.
L'amour est le but, convaincre la femme/l'homme désiré(e) est le principal obstacle.
L'adversaire a lui aussi un but, une faiblesse morale et c'est un "concurrent" du héros dans la mesure où il veut la même chose que lui.

Cela peut-être n'importe quoi : par exemple, dans un film policier, le héros veut le contrôle de la vérité.
Soit il veut la savoir / le meurtrier veut la cacher.
Soit, si elle est connue des deux, le héros veut la faire comprendre au monde entier / l'autre veut la cacher au monde entier.

Truby insiste sur le fait qu'un seul adversaire ne suffit pas pour créer une histoire complexe : il en faut plusieurs et avance le chiffre de 3.
Il insiste sur le réseau de relations de ces personnages entre eux : entre le héros et chaque adversaire, mais aussi entre les adversaires entre eux.

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : jeu. avr. 19, 2012 4:16 pm
par desienne
Truby insiste sur le fait qu'un seul adversaire ne suffit pas pour créer une histoire complexe : il en faut plusieurs et avance le chiffre de 4.

Là, je dirais oui, mais...
Oui, un héros peut affronter de multiples adversaires, multiformes selon ce que l'auteur veut développer, mais au final : il en affronte toujours un dernier et dans un tempo qui, normalement, semble aller crescendo, c'est ce dernier adversaire qui compter plus que les autres.
Dans le jeu vidéo on appelle cela un boss (de fin de niveau) ou "Final Boss".
Et, j'ajouterais, il y a presque toujours un boss de fin (Dans Alien, le SdA, Star wars, etc.).

Même dans une série comme Dexter, ou le héros affronte de multiples adversaires, très différent, il aura à affronter
son boss de fin.
Ne lisez pas le spoiler si vous voulez pas savoir.
Spoiler: montrer
Il va devoir affronter sa famille, et en l'espèce sa sœur qui découvre ce qu'il est en réalité. C'est en quelque sorte pour Dexter l'ultime combat et ce qui ajoute du piment, c'est qu'il a déjà tué son frère (the ice truck killer)...
Dans Breaking Bad, c'est le même mécanisme, Walter White a gagné, il a vaincu ses adversaires.
Ne lisez pas le spoiler si vous voulez pas savoir.
Spoiler: montrer
Comme Dexter, il va devoir affronter sa famille : son beau frère.

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : jeu. avr. 19, 2012 10:30 pm
par ABK
Il s'agit finalement de tensions inhérentes à un récit intéressant. S'il n'y a pas conflit, confrontation ou au moins du répondant d'un personnage à l'autre, le récit devient terne, non ? Je trouve le terme "adversaire" un peu excessif de fait.

Et y a-t-il une explication sur le nombre 4 ? Je note, par ailleurs, que je tends à multiplier les opposants... mais je n'ai pas de boss de fin de niveau. Argh ! C'est grave, docteur ?

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : jeu. avr. 19, 2012 10:31 pm
par Roanne
J'aime beaucoup, énormément même, cette notion !
Je crois que je vais vraiment essayer de mettre la main sur le livre de Truby (heu, en VF quand même), parce que ça a l'air très intéressant.

Ce que j'apprécie, c'est qu'il parle bien d'adversaire, en se détachant de la notion de gentil / méchant.
Il peut y avoir des adversaires (beaucoup même) dans un roman sans qu'aucun ne soit "méchant". Ils ont juste des ambitions différentes, et parfois même en opposition complète, avec celles du/des personnage(s) principal/principaux.
Je trouve que c'est très important car cela rend les rapports de force plus subtiles.

D'ailleurs, le fait que les adversaires puissent être les fondateurs d'un couple (exemple pour la romance) est une illustration particulièrement intéressante.

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : jeu. avr. 19, 2012 11:10 pm
par Beorn
desienne a écrit :Oui, un héros peut affronter de multiples adversaires, multiformes selon ce que l'auteur veut développer, mais au final : il en affronte toujours un dernier et dans un tempo qui, normalement, semble aller crescendo, c'est ce dernier adversaire qui compter plus que les autres.
Selon Truby, il y a effectivement un adversaire "principal" et les autres sont "secondaires", par ordre décroissant d'importance.
Et effectivement, c'est avec cet adversaire que le héros aura une confrontation finale.
Cependant, l'adversaire n'apparaît pas à la fin : en fait, il apparaît même très vite dans le récit (même si parfois, il avance masqué et on ne sait pas encore que c'est l'adversaire).

J'ajoute, toujours selon Truby, que l'adversaire doit avoir un but et un plan.
ABK a écrit :Et y a-t-il une explication sur le nombre 4 ?
En fait, désolé, je viens de remettre la main sur le bouquin et il ne parle pas de 4 mais de 3 adversaires.
Pourquoi 3 et pas 4 ou 5 ? A vrai dire, je pense que cela n'a pas beaucoup d'importance. Le point important, c'est qu'il en faut plusieurs et non pas un seul, sans quoi la confrontation manquerait de profondeur.
Chaque adversaire va attaquer la faiblesse du héros, mais chacun d'une manière différente, qui lui est propre.

Dans mon exemple sur le chevalier X délivrant la princesse et ayant comme faiblesse d'être un trouillard,
l'adversaire N°1 serait le dragon (qui lui fiche la trouille à cause de ses griffes et de ses flammes),
le N°2 la princesse elle-même (qui lui fiche la trouille par sa verve, sa façon de se jeter sans ses bras et de le demander en mariage)
le N°3 la vieille tuberculeuse qui réside dans le château (qui lui fiche la trouille car il a peur des maladies).

Le dragon a un plan (attirer X dans le château pour le griller et le manger).
Le dragon est l'adversaire de la princesse (dont le plan est d'attirer X pour s'échapper puis de se marier avec lui)
La vieille est l'alliée du dragon et l'adversaire de la princesse (son plan est de tuer X, l'héritier du royaume, pour caser son propre fils sur le trône).


L'une des constantes, chez Truby, c'est l'idée que les personnages n'existent que par les interactions qu'ils ont entre eux : ce sont leurs relations aux autres qui les définissent. Le fait qu'il y ait plusieurs adversaires est donc important :
- pour mieux définir les adversaires entre eux.
Chacun aura sa manière d'attaquer la faiblesse du héros, et par contraste, chacun sera défini par la méthode des autres.
Le dragon a pour lui la force, la princesse la séduction, la sorcière la maladie.
- pour mieux définir le héros lui-même (sa faiblesse sera explorée sous 3 angles différents).
Roanne a écrit :J'aime beaucoup, énormément même, cette notion !
Je crois que je vais vraiment essayer de mettre la main sur le livre de Truby (heu, en VF quand même), parce que ça a l'air très intéressant.

Ce que j'apprécie, c'est qu'il parle bien d'adversaire, en se détachant de la notion de gentil / méchant.
Il peut y avoir des adversaires (beaucoup même) dans un roman sans qu'aucun ne soit "méchant". Ils ont juste des ambitions différentes, et parfois même en opposition complète, avec celles du/des personnage(s) principal/principaux.
Je trouve que c'est très important car cela rend les rapports de force plus subtiles.

D'ailleurs, le fait que les adversaires puissent être les fondateurs d'un couple (exemple pour la romance) est une illustration particulièrement intéressante.
:love:
Je suis content si cela peut t'être utile. Et si ce genre de concept te parle, je te conseille vraiment de lire le livre.
En effet, il n'y a aucune notion de bien ou de mal dans l'idée d'adversaire.

J'ajoute que Truby évoque aussi les notions "d'alliés", de "faux alliés" (qui se révèlent au final des adversaires), et de "faux adversaires" (qui commencent par sembler en lutte, mais qui finalement aident le héros).

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : jeu. avr. 19, 2012 11:50 pm
par desienne
Je réfléchissais encore à la question en me demandant : trouve un exemple contraire, c'est à dire des adversaires à un ou des héros mais pas d'adversaire principal. En même temps, ça répond à la mécanique du "boss" : on en a besoin pour l'affrontement final. C'est une progression linéaire.
Il existe deux cas où ça ne fonctionne pas :
1. quand il n'y a pas d'affrontement final
2. quand il n'y a ni méchants, ni gentils dans le fond.
J'ai trouvé un exemple : Battlestar Galactica.
Si les Cylons sont effectivement des adversaires, il n'y a pas d'adversaire transfiguré, symbolique, il n'y a pas vraiment non plus de véritable affrontement final puisque une partie des hybrides unissent leurs efforts avec les humains et que la première génération de Cylons décide de suivre sa propre voie.
C'est peut-être un peu pour ça que beaucoup ont trouvé la fin si décevante ou bien si géniale.
Du reste la fin peut apparaitre bancale ou déséquilibrée, est-ce parce qu'il n'y a ni vainqueur, ni vaincu ou que les deux camps sont vaincus ?
Ce qui lui a d'intéressant dans cette mécanique : il n'y a pas de héros non plus, que ce soit Starbuck, Apollo ou Adama, ils ont échoués.

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : ven. avr. 20, 2012 12:20 am
par Nyaoh
Peut-il n'y avoir aucun "adversaire", ou à la limite le héros lui même/une partie du héros ? (le fameux côté obscur, même si je suis pas fan de star wars :P). Dans ce cas le côté plusieurs adversaires ça ne peut pas fonctionner sans opposants... ? Je dis ça, parce que le challenge 2011 que j'ai fini, j'étais très attachée à cette notion d'aucun méchant à combatte, il peut y avoir une agression, mais l'agresseur va pas devenir un adversaire, il est le reflet de la difficulté que le héros aura toujours à se faire accepter. Bref, pas d'adversaires, c'était l'idée... Je crois même que c'est dit dans le texte comme ça ou presque ^^

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : ven. avr. 20, 2012 1:39 am
par Ellie
Desienne : comme contre-exemple, y'aurait peut-être aussi le trône de fer où je serais bien en peine de dire qui est protagoniste et qui est antagoniste ?

Sinon, ce qui me fait surtout réfléchir dans ce que dit Truby c'est l'idée que l'amant du protagoniste puisse être considéré comme adversaire... j'imagine que du coup ça peut éventuellement s'appliquer à des amis/alliés ? (Je pense par exemple aux films policiers avec deux partenaires qui se détestent au début mais sont les meilleurs amis du monde à la fin)

En fait, si ça me fait réfléchir c'est par rapport à un texte que j'avais écrit où j'avais l'impression qu'il y avait pas vraiment d'adversaire, juste des «sous-fifres», et qu'il y avais pas vraiment besoin de grand adversaire... et en fait je réalise que c'est peut-être parce que c'est la future amante de la protagoniste qui tient ce rôle, même si la «résolution» ne passe pas par un affrontement violent mais par des baisers (oui, je suis prude, c'est des bisous et fade-to-black :P)

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : ven. avr. 20, 2012 5:16 am
par Celia
@Desienne : Si j'essaie de faire abstraction de toutes les intrigues et sous-intrigues de BSG et si je me reporte à la fois au début de la série et à sa toute fin, je vois un personnage qui a surmonté son arrogance et qui est transformé, de façon à la fois morale et physique. Il s'agit du duo "psychique" Baltar/Six. Est-ce qu'il s'agit d'un duo héros/antagoniste ? Est-ce qu'il s'agit du symbole de la très profonde et bizarre dualité de Baltar ?
Truby a dit une chose sur laquelle j'ai du mal à être d'accord, c'est que l'antagoniste ne peut pas être le héros lui-même. Je travaille énormément sur les personnages qui s'auto-détruisent et, même s'ils ont des ennemis physiques, leur pire ennemi reste eux-même. Ils sont eux-mêmes leur boss de fin et, à ce titre, le personnage de Baltar/Six me semble absolument fascinant et résume à lui seul, je trouve, toute la série. (C'est peut-être la raison pour laquelle je fais partie du peu de gens qui ont adoré la fin de BSG ^^)

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : ven. avr. 20, 2012 6:16 am
par Scipion
Encore un fil très intéressant, merci Beorn !
Je n'avais jamais pensé à l'autre membre du couple comme un adversaire potentiel, pourtant, maintenant que tu le dis, ça me parait évident. La lumière fut !
Je viens de revoir Titanic de Cameron (vieux routier du scénario, qui doit connaitre par coeur ce genre de bouquins -à ce propos, petite disgression : j'ai participé il y a bien longtemps - en 1999 ! - à un masterclass de scénario organisé par canal + et Columbia TriStar, une semaine de stage avec des scénaristes pros qui te font une béta lecture (si si, c'est ça !!!) du scénar pour lequel tu as été sélectionné (re-disgression : mon scénar était de la fantasy, la version ciné des Gardiens de la République, mon challenge en cours). Parmi les scénaristes béta-lecteurs, il y avait des américains. Une productrice de la Fox, le scénariste de Rain Man, celui de Jugé coupable de Clint Eastwood, l'un des multiples d'Alien 3. Bref, pas des inconnus, des mecs qui bossent et pas que sur des court-métrages. Leur manière de béta-lire était très différente de celle des européens. On sentait bien que là où nous autres du vieux continent, on sacralise la création artistique comme une sorte d'inspiration magique, eux, ils voient davantage le côté technique et ne répugnent pas à connaitre sur le bout des doigts tout ce genre de bouquins.)
Bref, je reviens à Titanic. On a bien 3 adversaires, selon la vision de Truby : Rose, Cal et le paquebot. Pourtant, à première vue, on pourrait dire qu'il n'y a que Cal comme méchant, le paquebot, c'est les circonstances, Rose le but. C'est vrai aussi, tout dépend du point de vue en fait, de l'interprétation. Truby semble voir adversaire au sens obstacle, humain ou pas.
"3" ne me semble pas dû au hasard. Il y a toujours un certain équilibre, à "3".

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : ven. avr. 20, 2012 6:56 am
par Elikya
Tout comme Célia, je suis très attachée au fait de se dépasser soi-même et donc au fait que le héros doive se vaincre lui-même.

Après, je m'interroge sur le fait de ne pas personnaliser un adversaire. Un adversaire peut être un système politique, une catastrophe naturelle, une épreuve à surmonter. Mais le fait de ne pas mettre de nom dessus ou de personne derrière risque peut-être de l'affaiblir.

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : ven. avr. 20, 2012 8:33 am
par Beorn
desienne a écrit :2. quand il n'y a ni méchants, ni gentils dans le fond.
Mais justement, comme le disait Roanne, la notion d'adversaire ne recouvre pas celle de "méchant" ou de "gentil".

Dans BSG, il n'y a ni méchant ni gentil (quoique... je ne sais plus comment il s'appelle, mais l'ex-prêtre Cylon est quand même vilain). En revanche, comme dit Célia, il y a des "faiblesses" ou "failles" à surmonter chez presque tous les personnages (je ne vais pas faire la liste, mais si vous avez vu la série, vous le verrez tout de suite).
C'est l'affrontement avec "leur" adversaire qui leur permet d'évoluer.

Je pense tout de même que les séries sont construites d'une manière un peu particulière, dans le sens où chaque épisode doit se tenir et on n'aura peut-être souvent une construction plus éclatée que dans un roman (plus de personnages, plus d'intrigues secondaires, plus de mini-intrigues...). Même si évidemment, le roman permet aussi de le faire si c'est vraiment le but de l'auteur.
Ellie a écrit :Desienne : comme contre-exemple, y'aurait peut-être aussi le trône de fer où je serais bien en peine de dire qui est protagoniste et qui est antagoniste ?
Voilà ! Le trône de fer est construit comme une série télé.
Il y a plusieurs protagonistes. En fait pour moi, le trône de fer est une série d'histoires, chacune ayant un protagoniste différent.
desinne a écrit :Ce qui lui a d'intéressant dans cette mécanique : il n'y a pas de héros non plus, que ce soit Starbuck, Apollo ou Adama, ils ont échoués.
Ils échouent dans leur "but" de départ, mais je crois que chacun réussit à surmonter sa "faiblesse" et trouve la révélation.
Spoiler: montrer
Par exemple, Starbuck, fascinée par la mort, la rejoint apaisée.
Nyaoh a écrit :Peut-il n'y avoir aucun "adversaire", ou à la limite le héros lui même/une partie du héros ?
Comme le dit Célia, Truby nrefuse catégoriquement cette solution.
On peut en discuter longtemps mais j'aurais tendance à m'en méfier moi aussi intuitivement. Bien sûr, le héros a des failles, mais je pense que c'est en s'opposant à une volonté extérieure à la sienne qu'il peut les affronter.
S'il n'y a pas de volonté contraire, pourquoi changerait-il ? pourquoi les choses ne resteraient-elles pas statiques ?
Scipion a écrit :Bref, je reviens à Titanic. On a bien 3 adversaires, selon la vision de Truby : Rose, Cal et le paquebot. Pourtant, à première vue, on pourrait dire qu'il n'y a que Cal comme méchant, le paquebot, c'est les circonstances, Rose le but.
Tiens, oui, Titanic est un bon exemple !

Mais selon moi, tu te prends pas le bon protagoniste : le héros de l'histoire, c'est Rose. C'est celle qui a le problème le plus puissant, le plus grand "chemin intérieur" à parcourir. La faiblesse de Rose, je crois, c'est d'être obéissante. (Jake a une faiblesse qui est sa pauvreté, mais il n'évolue pas dans le film).
Son adversaire principal est Jake (il attaque sa faiblesse qui est d'être obéissante en la séduisant, il lui permettra de trouver la "révélation" à la fin)
Les deux autres adversaires sont Cal (qui attaque sa faiblesse en la menaçant)
Et sa mère (qui attaque sa faiblesse par la force de la mauvaise conscience, du devoir, etc.)
Ces adversaires sont soit alliés entre eux (Cal et la mère) soit adversaires entre eux (Jake vs Cal et la mère)

Considérer Jake comme "l'adversaire", alors que c'est un personnage hyper gentil, cela permet de mieux comprendre cette notion : dans le système de Truby, l'adversaire n'est pas nécessairement quelqu'un que le héros n'aime pas, au contraire. C'est celui qui attaque sa faiblesse.

Pour moi, le paquebot n'est pas un personnage (je me base sur la catégorisation de Lavandier : un personnage doit avoir un but et une volonté, et selon Truby, il doit avoir un plan).

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : ven. avr. 20, 2012 8:41 am
par Tristeplume
Celia a écrit :Truby a dit une chose sur laquelle j'ai du mal à être d'accord, c'est que l'antagoniste ne peut pas être le héros lui-même. Je travaille énormément sur les personnages qui s'auto-détruisent et, même s'ils ont des ennemis physiques, leur pire ennemi reste eux-même. Ils sont eux-mêmes leur boss de fin et, à ce titre, le personnage de Baltar/Six me semble absolument fascinant et résume à lui seul, je trouve, toute la série. (C'est peut-être la raison pour laquelle je fais partie du peu de gens qui ont adoré la fin de BSG ^^)
Sans parler de tes héros que je ne connais pas (heureusement, ils n'ont pas l'air très funky ^^), je pense que l'idée est que les adversaires sont là pour mettre en valeur le fameux "moral need" du héros exposé par Truby. Ce moral need peut bien sûr être considéré comme un adversaire du héros (donc lui-même) mais Truby semble l'exclure d'office de sa définition de l'adversaire puisque selon lui le "moral need" est partie intégrante du héros.

Sinon, sans parler de grande révélation, c'est intéressant de voir mettre des mots sur des notions qu'on peut utiliser de manière intuitive. C'est bien l'intérêt de ce type d'analyse de permettre de théoriser des notions intuitives. En ce qui me concerne, en lisant tous ces excellents posts, je vois bien que j'utilise plus ou moins toutes ces "ficelles" mais d'une manière inconsciente qui ne me permet pas de les exploiter à fond et donc à rester superficiel dans mon écriture.

EDIT : Beorn qui disserte sur Titanic... Tu viens de perdre 50 pts d'un coup dans l'échelle d'estime de Tristeplume. :wamp:

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : ven. avr. 20, 2012 8:48 am
par Beorn
Tristeplume a écrit :EDIT : Beorn qui disserte sur Titanic... Tu viens de perdre 50 pts d'un coup dans l'échelle d'estime de Tristeplume. :wamp:
Ne ne dis pas que tu n'as jamais vu la scène de nue du portrait... :wow:
je :arrow:

Re: J. Truby Le choix de l'adversaire

Posté : ven. avr. 20, 2012 8:50 am
par Sytra
L'exemple des deux personnages principaux étant adversaires en romance est celui qui me porte le plus à réfléchir. Comme dit plus haut, on y penserait jamais, et pourtant quand on nous le dit ça devient évident.

Il met très bien en lumière que "adversaire" ne signifie pas forcément "grand méchant à vaincre". Et ça permet de comprendre pourquoi certains récits sans adversaires identifiés (au sens commun du terme de rival/opposant) peuvent pourtant s'avérer si intéressants, voir prenants. L'adversaire, c'est celui qui pousse le héros à évoluer en l'attaquant d'une manière ou d'une autre sur sa faiblesse. Les attaques les plus évidentes seront celles agressives, qui ont pour but de nuire. Mais ce n'est peut-être pas les plus intéressantes à exploiter. Le concept d'avoir plusieurs adversaires attaquant la même faiblesse du héros par plusieurs biais différents peut apporter une profondeur fascinante à exploiter, beaucoup plus subtile. J'aime d'ailleurs beaucoup l'exemple du chevalier de Beorn. Ce qui est une faiblesse "bateau" de son héros à première vue (sa trouille) devient un ressort riche dès lors que trois personnages s'y attaquent de trois manières différentes. Elle n'est pas exploitée seulement en surface, et du coup ça renforce la caractérisation du personnage du chevalier.

Vraiment intéressant... :lect: (vous aurez compris, je viens d'avoir une mini-révélation grâce à ce concept et à vos discussions autour ^^)