Je ne suis de pas celles qui pensent qu'on ne peut bien écrire que sur ce que l'on a expérimenté soi-même ( dans ce cas, je crois que les 3/4 de la littérature n'existerait pas)
Je ne pense pas non plus que le talent ou l'imagination ai besoin du poids de l'age pour exister.
Par contre, je pense que ce n'est sans doute pas par hasard qu'il y a très très peu de jeunes auteurs de moins de vingt ans édités...
On peut avoir de l'imagination, du talent, l'écriture c'est une activité qui se mature, se patine... et ça, ça prend du temps.
Certes à 17 ans, on a déjà une petite somme d'expérience ( plus ou moins riche selon les individus. La mienne ne l'était pas spécialement, j'avoue par certains côtés) et c'est une richesse indéniable et exploitable aussitot. On peut déjà avoir eu des expériences amoureuses, des expériences des relations sociales dans le travail, dans la famille... Par contre, on n'a pas le recul que donne l'âge sur tout cela... C'est pas forcement un handicap d'ailleurs. ça peut donner aussi un certain enthousiasme, une certaine fraicheur ( quoique ce soit à nuancer, je note pas mal de cynisme chez beaucoup de jeunes auteurs...).
En fait, l'expérience en écriture, je pense que c'est un peu comme l'argent pour le bonheur, ça ne fait pas tout, mais ça aide drôlement au moment de passer à la caisse !
Et y'a rien de péjoratif là dedans. J'ai eu 17 ans. Je me souviens de comment j'écrivais. Mais quel chemin traversé depuis... on apprend, on mature ce qui était déjà là, inconscient. Comme tout ce qui fait notre vie d'ailleurs.
Je ne vais parler que de moi, mais l'accumulation d 'expériences après 18 ans ( études, petits boulots, chomage, voyages, rencontre, travail, vie amoureuse, vie sociale, engagements divers) a étoffé, complexifié ma réflexion. Et ça se ressent dans mon écriture, et je pense aussi dans ma façon de construire des personnages.
Un petit exemple. à 17 ans, outre le fait que j'étais assez binaire dans mes jugements, j'étais incapable d'écrire sur des personnages de plus de vingt ans grosso-modo. Incapable de me projeter. Aujourd'hui, je sais écrire sur un gamin de 4 ans ou un vieillard de 70 ans ( pourtant, je n'ai pas de 70 ans !
Donc ce n'est pas le fait de vivre tel ou tel état qui est important, je crois ).
Maintenant, ce qui m'a pris 15 ans, n'en prendra p'tre que 5 ou moins encore pour d'autres.
J'ai des amis qui avant vingt ans ont fait le tour du monde, vu mille choses. S'ils écrivaient, je ne doute pas qu'ils auraient un regard super intéressant et cela assez jeune...
Sinon sur le voisin "connard"... ben, c'est marrant mais dans la réalité je ne fonctionne pas plus comme ça. J'ai eu l'an dernier un voisin vraiment pénible : alcoolo, faisant de son appart le refuge de tous les marginaux de la ville... l'enfer. J'ai déménagé car je ne supportais pas. Cependant, je n'ai jamais mis l'étiquette connard sur ce mec. Je savais qu'il venait de la rue, avait eu un parcours de vie chaotique. Je ne le haissais pas, même s'il me rendait la vie impossible. en fait, il était même par certains côtés "gentil" ou du moins "attachant". Et quand j'ai appris son décès récemment dans l'incendie de son appart, ça m'a touché.
dans la vie réelle aussi, les gens sont complexes. Et ça aussi c'est l'expérience sociale que l'on peut avoir, et engranger plus ou moins rapidement, qui nous l'apprend. C'est pas une chose innée.
Enfin moi, c'est l'observation de tels personnages qui m'enrichit pour ce que j'écris. Mais j'ai la chance de faire un métier aussi qui me permet de rencontrer des personnes que je ne croiserais jamais par ailleurs ( étant athée, j'aurais du mal à nouer des relations avec un curé. En tant que journaliste, ça m'arrive d'en croiser pour donner un exemple !
) Ca m'a appris aussi à observer, à comprendre des fonctionnements qui me sont étrangers ( va interviewer des fans de foot quand toi tu détestes ce sport ! Radical pour laisser de coté ses préjugés ! ) A 17 , ou même vingt ans, je ne savais pas tout ça... Tiens, j'ai grandi dans un milieu assez multiculturel. J'ai croisé des petits Turcs, des petits Vietnaniems, Portugais, Algériens... Ca fait une somme d'expériences très riche, je pense, que tout le monde n'a pas forcément. Mais quand j'étais ado, je ne savais pas utiliser cela. Il me manquait une certaine maturité, je pense ( que d'autres peuvent avoir plus tot, ceci dit. je ne conteste pas dut tout cette possibilité, mais la maturité est une chose différente de l'expérience, même si les deux sont liés ).
Si l'expérience ne fait pas tout en matière d'écriture (l'imagination, le talent, y sont aussi pour beaucoup et dépendent peu de l'âge) pour ce qui concerne les personnages, je pense donc quand même, à travers mon expérience en tout cas, qu'elle est importante... y'a des choses qui ne s'inventent pas. L'accumulation de rencontres et d'expériences, la maturité qu'amène des responsabilités ( travail, famille, enfants, logement indépendant) mine de rien, aide beaucoup à affiner son regard.
Encore une fois, je ne parle que de mon expérience, mais j'ai vu peu de jeunes de vingt ans, avoir cette capacité. Ca existe, je ne dis pas le contraire... mais moi à 17 ans, en tout cas, je n'en avais aucune conscience quand j'écrivais ( mais à l'époque, internet n'existait pas, j'étais la seule de mon lycée à écrire et personne avec qui discuter de ces sujets et donc progresser... la possibilité d'échanges que vous avez aujourd'hui avec le monde entier, ou même simplement ici, change sans doute énormément de choses sur ces sujets par rapport aux gens de mon âge. et ça, je peux avoir du mal à l'appréhender ( et oui, je n'ai pas votre expérience dans ce domaine
On en revient toujours à ça ! )
En espérant n'avoir blessé personne...