Des sujets tabous

[petit_pavé]

Mais ça dépend beaucoup de la façon dont la chose est présentée et traitée.

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En ce qui concerne Twilight, je pense que ce qui a occulté le côté pédophile aux yeux de beaucoup de lecteurs, c'est que l'imprégnation de Jacob de la fille de Bella sonne comme la résolution du triangle amoureux qui occupe toute la série.

En gros: "Jacob n'aimait pas vraiment Bella, il aimait la part de Bella qui allait devenir la fille de Bella"

Oui, c'est (très très) douteux, mais le simple fait de le présenter comme une révélation lumineuse qui règle d'un coup de baguette magique la situation et contente à la fois les pro-Edward et les pro-Jacob (Edward a Bella, mais Jacob n'en souffre pas puisqu'en fait, c'est la fille de Bella qui lui était "destinée") a suffi à faire accepter le côté tendancieux à beaucoup de gens.

Comme Beorn l'a dit plus haut, si c'était arrivé au début de l'histoire, pas sûr que ce serait aussi "bien" passé.

La présentation des choses fait beaucoup, la façon de les amener encore plus. Quand le lecteur désire voir résolu un problème, peu importe la manière, au point d'accepter certaines entorses, il peut finir par accepter des choses qui l'auraient choqué dans d'autres circonstances. Et son sens critique lui-même peut se retrouvé aveuglé par un étrange manque d'objectivité...

[Saile]

Pas évident, au final, de définir ce que le lecteur va pouvoir tolérer en matière de tabous.
Pour ceux que ça intéresse, j'ai posté les passages "délicats" dans la section des papyrus, histoire d'avoir un avis. Au final, il n'y en a que deux, le reste étant tellement soft que pour le coup on n'y voit rien de choquant. Je remercie par avance ceux qui se pencheront dessus (et ceux qui participent à cette discussion).

[Earane]

Non, mais au secours ! Ne me dites pas que je me retrouve à défendre Twilight, argh !
Donc non, en fait, je ne défends pas du tout Twilight, ni la conception du romantisme qui y est développée, ni cet épisode en particulier. Je ne me retrouve absolument pas dans cette vision des relations hommes/femmes.

Mais je pense qu'il ne faut pas forcément se baser sur cet exemple pour penser que la pédophilie dans un roman ne suscitera pas beaucoup de réaction.
A mon avis, ça en suscitera.
Mais ça dépend beaucoup de la façon dont la chose est présentée et traitée.

Tout à fait.
Je crois que c'est une question de sensibilité et de tournure. Là où certains monteront au créneau, d'autres nuanceront et d'autres encore ne le relèveront pas comme étant nocif. La subtilité fait aussi beaucoup dans le récit.
Et justement, dans le chef d'Isabelle Guso, qui l'a abordé avec brio et délicatesse.

[tomate]

Alors, non, mon but n'est pas de choquer. Le sujet dont je parle est la pédophilie : l'un de mes personnages se pâme d'adoration devant un enfant. Il maîtrise cependant ses pulsions et choisit de patienter durant plusieurs années, mais il y a immanquablement des passages où je suis contrainte de parler de cet amour. J'ai volontairement fait "soft" pour ces passages, et il y en a peu (disons, trois ou quatre sur l'ensemble du texte). Mon personnage n'est pas excité, il ne fait rien de choquant et aucune pensée ou réaction coupable n'est évoquée. En fait, il se désespère, plutôt, de devoir attendre, et c'est quasiment tout. Mais c'est clairement dit : il attend que l'enfant soit assez grand pour dévoiler ses sentiments.
Le problème, c'est que je fais en sorte que mon lecteur ait de l'empathie pour ce personnage... jusqu'à l'apparition de cette fameuse passion. Pour mon lecteur, c'est un terrain trop glissant. Alors est-ce que je devrais supprimer certains de ces passages ? Est-ce que je devrais faire passer le désir en amour purement platonique - ce qui reviendrait presque à en faire un amour filial, ce qui me gênerait beaucoup puisque ce n'est absolument pas le cas ? Ou, au contraire, osef, et je garde tel quel ?

Il me semble que tu prends le problème par le mauvais bout: tu décide que tu vas censurer ton histoire. Ça se comprend si tu veux écrire quelque chose pour les enfants/ados. Mais après, tu peux parfaitement avoir un héros qui est un parfait salaud/fou furieux ou un héros parfaitement ambigu, tant que tu en es consciente. Tout le monde ne va pas aimer ton livre, mais on ne peut pas plaire à tout le monde et il y gagnera certainement en profondeur loin des clichés.
Dans le cas de Stephenie Meyers, je me suis toujours demandée si elle a écrit inconsciemment ces énormités ou si elle n'a pas consciemment fait dans le second degré, peut-être pour être publiée. Je lui accorde le bénéfice du doute.

[avorpal]

Pour ma part, j'ai lu pas mal de livres qui sont complètement choquants tel que American Psycho de Brett Easton Ellis ou À l'estomac de Chuck Palahniuk. Ce sont des extrêmes mais dans les deux cas, je suis content qu'ils soient allés au bout de leurs idées qui ici, ne sert pas à condamner la violence sous message caché mais juste à donner des émotions fortes au lecteur.

Dans ton cas, un exemple me vient aussi en tête, celui d'Endymion du cycle SF Hypérion de Dan Simmons. Attention, léger spoil :

Spoiler: montrer

Le protagoniste, qui a une trentaine d'année, doit protéger une petite fille particulière. Ils sont très proches et pourtant, ils finiront par faire l'amour deux tomes plus loin car cette petite fille subit un décalage temporelle vis-à-vis du héros et ils se retrouvent à peu près au même âge.

Tout ça pour dire que tout peut se dire du moment que tu assumes ce que tu écris et que tu amènes les choses comme tu le veux. Si ton histoire traite de l'amour d'un adulte pour un enfant, ne supprime rien. C'est un sujet choquant, et alors ? Nous ne sommes pas là pour écrire des histoires politiquement correct ! Si j'ai envie d'écrire l'histoire d'un skinned qui se prend pour la réincarnation d'Hitler et qui torture des juifs, c'est une histoire non ? Bon, perso, ce n'est pas mon trip mais c'est forcement le trip de quelqu'un et je serai ravi de le lire.

En gros, fait lire ton histoire à plusieurs personnes

[Kira]

Comme dit Beorn, tout dépend de la façon dont tu abordes le sujet, d'une part.
Mais aussi du registre dans lequel tu situes ton récit.
Un roman comme Ames perdues de Poppy Z.Brite, par exemple

Spoiler: montrer

réussit quand même à faire coucher le héros -qui a quinze ans- avec son propre père biologique, tous deux ayant conscience de la situation et la réaction du héros étant pour simplifier "dommage que je n'ai pas pu le faire aussi avec ma mère"

ce qui n'empêche pas l'auteur d'avoir des milliers de fans

[Anonyme_Quatre]

Hu, pas de conseil à donner, de très bon ont été donnés d'ailleurs, mis à part de lire Lolita, parce qu'on se retrouve à avoir de l'affection pour Humbert, et à être agacé par Lolita. L'auteur fait vraiment ce qu'il veut de notre cerveau dans ce bouquin j'ai l'impression.
Mais Humbert reste conscient du faire que c'est pas la meilleure chose, il est même conscient que c'est mauvais pour Lolita je crois bien.

[Crazy]

Comme dit Beorn, tout dépend de la façon dont tu abordes le sujet, d'une part.
Mais aussi du registre dans lequel tu situes ton récit.
Un roman comme Ames perdues de Poppy Z.Brite, par exemple

C'est particulier, et c'est un peu fait exprès.
Nothing est un personnage principal, pas un héros, si tu vois ce que je veux dire

[Celia]

Comme dit Beorn, tout dépend de la façon dont tu abordes le sujet, d'une part.
Mais aussi du registre dans lequel tu situes ton récit.
Un roman comme Ames perdues de Poppy Z.Brite, par exemple

C'est particulier, et c'est un peu fait exprès.
Nothing est un personnage principal, pas un héros, si tu vois ce que je veux dire

Il me semble que l'ouverture du sujet ne concernait pas exclusivement les "vrai" héros (dont la définition a bien évolué depuis quelques années) mais bien les personnages principaux d'une histoire
Comme nous avons pu parler d'Hannibal Lecter plus haut dans ce fil, ou d'autres modèles de "non-héros" et qui pourtant se sont affirmés dans l'inconscient des lecteurs malgré ou grâce à leur immoralité (incestueuse dans le cas de Nothing, cannibale dans le cas de Lecter, pédophile dans le cas de Humbert)
Jouer avec le feu et ces tabous (je reprends la définition que j'ai tenté de donner plus haut, donc je parle exclusivement des tabous "criminels") peut constituer un challenge en soi pour l'auteur, et un challenge que je comprends parfaitement puisque je suis moi-même une grande joueuse. La difficulté réside dans la réaction du lecteur (et en premier lieu de l'éditeur) : est-ce que ça va passer ? Est-ce que j'ai évité la caricature ? Est-ce que j'ai évité la trop grande empathie ? Est-ce que j'ai su avoir des gardes-fous ?
Et pour l'avoir testé, cette réactivité du lecteur, je crois que l'auteur... se trompe toujours (ou la plupart du temps)
Du coup les meilleures solutions, à mon avis sont de :
1. faire confiance à sa propre révulsion (nous aussi sommes des lecteurs) pour définir la frontière que l'on souhaite dépasser ou non (faire de la provoc ou non)
2. faire lire le texte à plusieurs personnes ayant des goûts différents

[Iluinar]

D'une manière générale, je dirais que c'est dommage de vouloir changer son histoire suite à l'avis d'un seul lecteur. A moins d'avoir écrit l'histoire spécifiquement pour lui. Chaque lecteur est différent et n'attendra pas / ne sera pas rebuté par les mêmes choses dans un texte. Rien que sur un forum comme celui-ci ou pourtant, un goût commun pour la SFFF nous réunit, les avis peuvent être très différents.
Donc, avant de tout réécrire, demande d'autres avis !

[Nao]

J'ai le souvenir d'un excellent roman aux frontières du fantastique (Swamplandia de Karen Russell), que la fin qui mettait en scène un viol sur l'héroïne mineure m'a fait détester. Je me suis sentie trahie par l'auteur, parce que le roman se presentait depuis 400 pages comme du fantastique pour ados. Ce n'est pas tant le tabou qui m'a gênée, mais plus la rage de decouvrir qu'il n'y aurait pas de happy end ou d'explication fantastique. C'est la réalité, c'est cru, dur, on est projetés dans le monde pas merveilleux des adultes, sans filet et sans épilogue.
Du coup pour ton personnage pédophile mais pas vraiment dans le fond, je pense que ce qui risque le plus de deranger, c'est si cet élément de sa personnalité arrive soudain comme un cheveux sur la soupe. Si c'est pas assez balisé, tu risques une réaction de rejet de la part de ton lecteur qui se sentirait floué.