[I] Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

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albator
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par albator »

Tu veux dire que dans certains classiques, ce n'est pas aussi tranché que ce que proposent les manuels ?
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ilham
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par ilham »

Ben, ça fait super longtemps que je n'ai pas ouvert de manuel de littérature ! ;) ( va falloir que je m'y remette d'ailleurs !)
Mais la littérature est une chose mouvate, vivante... On classe les oeuvres dans des petites cases : surréaliste, naturaliste, romantisme...) parce que l'être humain est comme ça : il adore ordonner le monde en petites cases compréhensibles. C'est plus facile à appréhender, à apprendre, à comprendre.
Moi, je crois que les œuvres humaines entrent rarement de façon parfaite dans une petite case.
Le probleme des points de vue de narration est un probleme théorique très important à connaitre pour éviter certaines erreurs, mais après... c'est de la théorie. En pratique... la création peut s'en affranchir. Bon, je ne dis pas qu'on est libre de faire ce qu'on veut, n'importe comment ! Mais...
La logique vous mènera d'un point A à un point B. L'imagination vous mènera partout. Albert Einstein
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albator
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par albator »

J'ai une question. Dans un récit à la troisième personne, qu'est-ce qui permet d'exprimer au travers de quel personnage le point de vue est exprimé ? J'ai un peu de mal à distinguer le point de vue qui se focalise sur un personnage à celui qui se veut omniscient, à vrai dire...
Conscient de la neuneuitude de ma question :D, je suis preneur d'exemples, de règles, de renvois à des nouvelles
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Beorn
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par Beorn »

C'est vrai, le point de vue "à la troisième personne" est ambigu, car il peut être soit omniscient (on passe dans la tête de chaque personnage alternativement) soit interne (on ne peut suivre l'histoire qu'à travers les 5 sens et les réflexions d'un seul personnages MAIS on peut changer de personnage si on le souhaite et quand on le souhaite). A priori, on a du mal à voir la différence.

Et pourtant, ce ne sont pas du tout les mêmes modes de narration.

Avec un point de vue omniscient, on ne va en général pas s'attacher à un personnage en particulier, on va papillonner d'un point de vue à l'autre, mais surtout, on va parler de ce que AUCUN personnage ne sait : par exemple, on peut connaître l'avenir (je ne parle pas d'un personnage qui raconte son histoire au passé et qui fait allusion à des évènements qui se produiront plus tard, je parle de l'avenir, celui qu'aucun personnage ne peut connaître), on peut connaître le passé, y compris des secrets oubliés, on peut voir des choses invisibles.
ex type : une bombe est cachée sous la table, deux hommes discutent. Aucun personnage du roman ne le sait, nous, lecteur, on nous dit "une bombe est cachée sous la table".

Avec un point de vue interne, on va en général s'attarder assez longtemps sur un même personnage (ce n'est pas une règle absolue, mais c'est plus fréquent et souvent plus intéressant, parfois même, on ne suit qu'un seul personnage du début à la fin du roman). Souvent, on en change après un chapitre ou un saut de ligne (là encore, ce n'est pas une obligation, mais c'est souvent le cas). On ne pourra rien voir ni savoir que le personnage en question ne voit ou ne sait.
Par exemple : deux personnages sont attablés. Or dans le chapitre précédent, on a suivi le point de vue d'un autre personnage qui a posé une bombe sous la table. Dans ce nouveau chapitre, le mot "bombe" ne sera pas prononcé : les personnages ignorant qu'une bombe est là, rien dans leurs pensées, dans leurs paroles, dans leurs actes ne le laissera penser.
Nous, lecteur, nous le savons, mais uniquement parce que cela nous a été montré avant à travers le point de vue d'un autre personnage.


Le point de vue omniscient permet de confronter les pensées des personnages de façon immédiate, de traquer leurs contradictions, d"expliquer au lecteur toutes les ficelles de l'intrigue. Le lecteur ou l'auteur sont un peu dans la peau d'un dieu. Ce point de vue permet de donner facilement une longueur d'avance au lecteur en termes d'information, et donc de créer des jeux d'asymétrie de l'information avec les personnages. Cependant, on lui reproche souvent de rendre plus difficile l'empathie pour les personnages.
Le point de vue interne impose des contraintes indépassables (on ne peut rien dire en dehors de la perception d'un personnage). Il est plus difficile de créer une asymétrie d'information entre le lecteur et le personnage (pas impossible, mais plus difficile), mais en revanche, ce point de vue permet de jouer avec des "twists", car l'auteur a pu légitimement nous cacher des informations pour nous les révéler de manière fracassante, le lecteur découvrant la vérité en même temps que le personnage. Certains auteurs pensent qu'il permet une plus grande empathie pour le personnage, car on reste à sa hauteur.
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Bragelonne : Le 7ème Guerrier-Mage / Calame T1
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albator
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par albator »

Comme d'hab, Beorn, intéressant et clair. Tu as prof, ma parole ? :D


Merci
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par albator »

Oups, j'ai oublié également de remercier Thendara pour ses exemples drôles comme tout... Alors, merci !
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Beorn
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par Beorn »

albator a écrit :Comme d'hab, Beorn, intéressant et clair. Tu es prof, ma parole ? :D
Merci ! :love:
(mais non... ^^)
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Liya
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par Liya »

Chères petites grenouilles, je me tourne vers vous car, j'ai grand besoin de votre aide!!
J'ai, comme qui dirait, un problème de point de vue dans mon roman :psychocoah:

Au début ça commence bien, on suit mon héroïne, Lilly, en point de vue interne. Plus tard dans le récit on suivra aussi le point de vue de Zack, mon deuxième personnage principal, toujours en focalisation interne. Ce sont mes deux points de vue principaux. Jusque là, pas de souci.
Sauf que, et c'est là que ça se complique, régulièrement dans le roman je passe par le point de vue d'autres personnages.
Ce sont souvent des quarts de chapitres ou des demi-chapitres.
Par exemple, à un moment je suis (du verbe suivre hein) Ryan, un ami de Lilly pendant environ un demi-chapitre et plus du tout par la suite. Ryan est toujours dans l'histoire mais je ne passe plus par son point de vue. Et je fais ça à plusieurs reprises avec d'autres personnages. Ce sont souvent (mais pas toujours) des scènes où mes personnages principaux ne sont pas.

J'ai pas fait ça exprès, promis, j'ai écrit toute ma trilogie d'une traite sans me poser de questions.
Mais maintenant que je m'attaque aux corrections, ça devient problématique :scroutch:

Pensez-vous que je peux laisser ça comme ça ou que je doive réduire au minimum les points de vue pour me concentrer sur juste deux ou trois personnages ?
J'ai surtout peur qu'en supprimant ces scènes, le lecteur ai du mal à s'attacher à certains personnages secondaires.

J'ai bien lu tous les conseils de Tonton Beorn, ce fut très instructif alors merci beaucoup :love:
J'avais en fait du mal à différencier point de vue omniscient et point de vue interne multiple.
Si j'ai bien compris, dans un point de vue omniscient il y a toujours un narrateur. Une sorte de conteur, si je peux appeler ça comme ça.
Dites-moi que j'ai bon :ronge:

Un immense merci d'avance, tous vos conseils seront les bienvenus :love:
Et si vous avez rien compris à ce que j'ai écrit, promis je vous en voudrais pas :mrgreen:
“La patience est une vertu qui s’acquiert avec de la patience.”

Thendara
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par Thendara »

Courage, Liya, on y arrive toujours, d'une manière ou d'une autre ! :youpi:

Première règle, ne pas s'en fixer de trop rigides. Les focalisations sont très utiles pour lire des textes, pour bien les comprendre et les analyser. Elles le sont aussi pour écrire, mais à condition de ne pas devenir des entraves à l'imagination !
:psycho:
Il y a aussi des modes, qui au départ étaient de saines réactions à des habitudes trop ancrées, mais qui deviennent à leur tour des impératifs trop rigides. Par exemple, le fameux point de vue omniscient a été honni, rejeté, c'est la honte de l'employer, ça prouve qu'on ne sait pas écrire moderne... Bon, il faut se calmer, là. Toute technique est bonne à prendre. Ce n'est pas mieux de s'obliger à écrire en focalisation externe à la Robbe Grillet, quitte à larguer tout le ressenti des personnages, ou de s'enfermer dans le point de vue d'un seul personnage, si on ne le ressent pas ainsi !

Pour en revenir à ton texte, c'est un roman. Donc on peut encore plus que dans une nouvelle y admettre la multiplicité des points de vue, et même le bon vieux point de vue omniscient. Un chapitre vécu à travers un personnage, un chapitre à travers un autre, et un chapitre en omniscience, car c'est de l'omniscience de passer de l'intérieur d'un personnage à l'intérieur d'un autre, voire se permettre de dire globalement ce que pense un groupe, du style : "A la veille de la bataille, personne ne pensait vraiment au salut de la patrie ou à la conquête. Certains se rappelaient la fille avec qui ils auraient dû coucher, d'autres ressentaient une envie irrésistible de manger une friandise, certains se perdaient dans des rêveries sans but, etc." Et comme l'une de mes co-grenouilles l'explique, on peut se permettre d'anticiper sur l'avenir (prolepse) ce qu'aucun des personnages ne peut faire, ou bien révéler ce qu'un personnage ignore et ignorera toujours, mais qu'il est important que nous sachions. Je dis n'importe quoi, hein, mais imagine dans la bataille en question qu'un soldat chevronné tue une jeune recrue du camp d'en face, ça peut porter son lot d'émotion d'apprendre que c'est le fils qu'il a eu d'une relation passagère avec une servante d'auberge, ou un truc du genre (analepse). Et qu'il l'ignorera toujours (re-prolepse). Tiens un exemple d'auteur génial avec les personnages secondaires, c'est Guy Gavriel Kay. Quand il montre un des personnages principaux qui rencontre une paysanne, personnage totalement épisodique, eh bien, il entre dans le point de vue de la paysanne, et en plus, se paie de raconter ce qu'elle est devenue après ! Par exemple, dans Les derniers rayons du soleil.

De toute façon quand le lecteur est pris par une lecture, il ne passe pas son temps à chercher si l'auteur a respecté ou non l'alternance des points de vue ! Je suis bien persuadée que Gemmel, grand conteur devant l'éternel, ne se gêne pas pour changer de personnage focalisateur d'un chapitre à l'autre et même à l'intérieur d'un chapitre ! Simplement, je ne me suis jamais amusée à vérifier ce qu'il faisait, vu que je n'étais pas en BL !

Quant au problème de la focalisation externe, chouchou du nouveau roman, c'est qu'on n'échappe pas quand même au choix d'un point de vue. Si on décrit objectivement par exemple une rue, on le fait en se situant mentalement sur un trottoir ou un autre, ou au milieu (heureusement comme l'auteur est un fantôme dans son texte, les voitures le traversent sans dommage), ou sur un toit ! Donc même si on refuse le point de vue omniscient, on ne peut pas tout à fait évacuer la présence d'un narrateur.

Albator demandait comment on sait, dans un récit à la troisième personne, qu'on est dans le point de vue de tel ou tel personnage. Un truc tout bête : c'est souvent le personnage qui est le sujet des verbes ! "Bidule se tenait sur l'esplanade de ... et se demandait ce qu'il foutait là". De plus les seules notations de pensée ou de sensation se rapportent à lui. On ne dira pas : "Tous les passants se hâtaient transis de froid" mais " Bidule se hâtait, transi de froid, et à voir combien les autres passants hâtaient le pas, ils devaient geler eux aussi". Autre caractéristique : on emprunte au personnage une partie de son vocabulaire. Supposons par exemple un ado, on ne va pas dire : "Adrien se désolait de ne plus avoir la moindre parcelle de marijuana à fumer" mais "Adrien flippe : plus un atome de beuh dans ses réserves." Et enfin, ne jamais parler de ce que le personnage ignore. S'il est blessé, par exemple, on ne peut pas dire par quoi si lui ne le sait pas. On ne dira pas : "Un poignard s'enfonça dans son dos" mais "il sentit dans son dos une brûlure soudaine, et s'évanouit". Ni "les larmes versées mêlées à la suie lui faisaient un visage décomposé" mais "la peau de ses joues brûlait, ses yeux aussi. Elle porta la main à son visage, la ramena noire de suie".

Voilà, j'espère avoir été utile, mais si tu as encore des questions, ou si ce n'est pas clair, ce que je dis, :perplexe: n'hésite pas !

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Adé
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par Adé »

Si tu sépares à peu près bien tes points de vues (chapitre, séparateur ou saut de lignes), je ne pense pas que ça gêne. Au contraire, je trouve ça intéressant. Comment voudrais-tu faire, de toute façon, dans les scènes où tes persos ne sont pas ? Tu perdrais beaucoup d'infos. Personnellement, je suis aussi mes antagonistes, et si je devais me contenter de mes trois persos principaux, ce serait beaucoup mais alors beaucoup moins intéressant.
En tout cas, en tant que lectrice, ça ne me dérangerait absolument pas.

Juste un conseil, parce que je n'y ai pas fait attention et je douille pendant mes corrections : faire attention à ne pas glisser d'un personnage à l'autre n'importe où. Comme toi, je distinguais mal l'omniscient de l'interne multiple, et j'avais tendance à prendre des libertés. Ce qui peut embrouiller pas mal le lecteur, du coup je suis obligée, pendant mes corrections, à réécrire quasiment toutes mes scènes juste pour une histoire de glissements de pdv ou de quelques phrases internes d'autres persos qui n'ont rien à faire là.

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Liya
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par Liya »

Un immense merci pour vos réponses Adé et Thendara :love:
Ce que vous me dites me rassure beaucoup :wow:
Je vais donc garder ces différents points de vue en essayant quand même de ne pas trop m'éparpiller et de bien les séparer par un saut de ligne ou autre.
Oui le glissement de pdv, ça m'arrive aussi mais c'est assez rare heureusement, et j'ai déjà commencé à le corriger ;)
J'ai aussi remarqué (hier soir) que certaines fois, dans un chapitre, il m'arrivait de n'être du point de vue de personne.
Je m'explique. Par exemple, pendant deux paragraphes je parle d'un groupe de personnages, de ce qu'ils font mais sans leur ressenti.
Ca donnerait un truc du genre : Dans les jours qui suivirent, ils échafaudèrent un plan, mangèrent du salsifi etc...
Une sorte de vue d'ensemble, plutôt externe du coup.
Est-ce que c'est gênant d'incruster ça dans un chapitre, d'après vous? Est-ce que je devrais passer ces passages du point de vue d'un des personnages?
Est-ce que ça fait de mon point de vue, un point de vue omniscient même si le narrateur n'intervient pas, ne parle pas de l'avenir ni ne révèle ce qu'un personnage ignore ?
Désolé pour toutes mes questions, je suis encore un peu perdue même si ça va beaucoup mieux.
D'ailleurs merci pour tes explications Thendara, elles sont vraiment top!!
Heureusement que vous êtes là pour m'éclairer :love: :love:
Je ne sais pas ce que je ferais sans vous :pompom:
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Anonyme_Quatre

Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par Anonyme_Quatre »

Une sorte de vue d'ensemble, plutôt externe du coup.
Est-ce que c'est gênant d'incruster ça dans un chapitre, d'après vous? Est-ce que je devrais passer ces passages du point de vue d'un des personnages?
Disons que ça peut nuire un peu aux personnages, mais à voir ce que tu y gagnes (en temps, en place).


Hum, par contre, je dois confondre omniscient et externe, parce que pour moi, l'omniscient peut tout savoir et tout connaître, alors que quand on est du point de vue interne d'un personne, on ne sait que ce que le personnage sait...

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Adé
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par Adé »

Liya a écrit :Je m'explique. Par exemple, pendant deux paragraphes je parle d'un groupe de personnages, de ce qu'ils font mais sans leur ressenti.
Ca donnerait un truc du genre : Dans les jours qui suivirent, ils échafaudèrent un plan, mangèrent du salsifi etc...
Une sorte de vue d'ensemble, plutôt externe du coup.
Est-ce que c'est gênant d'incruster ça dans un chapitre, d'après vous? Est-ce que je devrais passer ces passages du point de vue d'un des personnages?
Est-ce que ça fait de mon point de vue, un point de vue omniscient même si le narrateur n'intervient pas, ne parle pas de l'avenir ni ne révèle ce qu'un personnage ignore ?
Mais autour de ces deux paragraphes, tu es bien d'un point de vue d'un perso en particulier ? Si tu l'externalise pas intentionnellement, je ne pense pas que ça choque. C'est toujours ce qu'il sait, non ? Il participe au "ils". Enfin ça dépend sûrement vraiment de la scène. Tu aurais pas un exemple, si jamais ça te dérange vraiment ?
Après, si tu devais passer ces passages du pdv du perso, ça donnerait quoi ? "Truc participerait à telle action avec l'aide de Bidule. Il mangeait des salsifis avec les autres" ? Ça t'apporterait quelque chose ? Le ressenti sur le plan peut venir autrement que sur ces deux paragraphes en particulier. Sauf si tu penses que ton perso du chapitre/partie a quelque chose à penser à ces moments. Ça dépend sûrement de ce que tu veux faire passer.

Thendara
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par Thendara »

Attention, je ne te donne là que mon point de vue (encore un !) mais je pense qu'on aurait bien tort de se priver d'une ressource spécifique de la narration écrite, sous prétexte que Barthes appelle ça avec mépris "un récit sommaire". ^^ Ben oui, un récit sommaire, et il en faut, sinon ce n'est plus un roman qu'on écrit, c'est un scénario ! C'est à dire, ou tout (la scène) ou rien (l'ellipse). Et je remarque que de plus en plus on nous recommande d'écrire des "scènes" et on construit un récit avec des "scènes". Mais la narration écrite, ce n'est pas un montage de scènes.
Je m'explique : j'ai l'impression (encore une fois, hein, c'est une impression) que le cinéma a beaucoup influencé la narration écrite, alors que les deux techniques sont distinctes. Au cinéma, on n'a pas tellement le choix : ou on montre, en faisant vivre au même rythme que les personnages, ou on ne montre pas, et on pratique l'ellipse. Ex typique, et c'est comme ça que mon garçon de 12 ans a eu la révélation du langage cinématographique : dans Le Seigneur des Anneaux, premier volet, la Communauté traverse la Moria. A l'entrée, il est dit qu'il faut trois jours pour cette traversée. Or, à peu près vingt minutes plus tard, les personnages sont près de la sortie !
Évidemment qu'on ne peut pas vivre le temps des personnages, mais l'intérêt c'est de comparer ce que fait le cinéaste et ce que fait l'écrivain : le cinéaste découpe quelques scènes, et ne montre qu'elles. Le reste est en ellipse. C'est le spectateur qui reconstitue l'ensemble spontanément. L'écrivain, lui, que va-t-il faire ? Bien sûr, il y a comme dans le film des scènes où le récit ralentit, mais aussi des passages où il résume, comme tu le fais, en globalisant : les personnages peinent, marchent, ont chaud, ou froid, etc. Dans d'autres passages, il traite en une fois plusieurs moments, du style : "lorsque le chemin devenait difficile à trouver, on faisait appel à Gimli, dont les yeux de nain perçaient sans peine l'obscurité". Jamais on ne pourrait faire ça au cinéma !
Donc, alternant avec les scènes, d'un côté, au cinéma, l'ellipse, de l'autre, dans le roman, le résumé. Et l'omniscience permet d'entrer globalement dans la conscience du groupe. Et même dans ses perceptions par le biais du "on". "On n'entendait dans la caverne que le doux piétinement des pieds de hobbit, la marche assurée de Boromir, etc" Ce qu'on ne peut pas faire en focalisation interne, où le "on" devient "il" ou "elle". Par contre, la focalisation interne est recommandable pour les scènes, surtout les plus intenses.
La focalisation "externe", ce serait autre chose. Primo, interdiction absolue de rentrer dans la tête ou le cœur des gens. A la limite, on ne sait même pas qui ils sont, ni pourquoi ils sont là. On décrit, c'est tout, comme un spectateur de cinéma qui prendrait le film en route sans savoir qui est qui ni de quoi il retourne. :perplexe: Un vieillard brandissant un bâton lumineux, :mage: deux hommes armés, un nain puissamment armé, des nains plus petits aux pieds démesurés et velus progressent à l'intérieur d'une caverne. Voilà à peu près tout ce qu'une focalisation externe permet de dire. Tandis que Tolkien commente largement les réflexions et les angoisses de tout un chacun.
Donc je pense que c'est surtout quand l'action ou le vécu est collectif, mais n'implique pas ou peu les personnages principaux, que l'omniscience et le récit sommaire sont très utiles, et pas du tout répréhensibles. Ça te paraît acceptable ? Clair ? Maintenant, à chacun sa vérité, et à chacun son style. Il faut que tu trouves quelle focalisation te convient, à toi. Pas à un tribunal du bon usage !

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ilham
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Re: Le point de vue dans la narration : choix du narrateur

Message par ilham »

Thendara, ce n'est pas nouveau... le roman s'est inspiré du cinéma depuis le début.
Pour exemple, les flashbacks n'existaient pas avant les années 60 dans le cinéma...
Et pas plus dans les romans, qui ont emboité le pas aux films au même moment...

il est normal que l'un et l'autre s'influence.

Ensuite pour revenir sur l'ellipse. Je pense que tu as tort. Elle a toujours été pratiquée... Relis Victor Hugo, les Misérables, les formidables ellipses qu'il fait, de plusieurs années parfois !
L'écriture s'enrichit en effet du résumé ( mais le cinéma a aussi la voix off pour cela...). Mais cela n'empêche pas l'utilisation de l'ellipse. Heureusement, sinon il faudrait résumer chaque minute de la vie d'un personnage ! ;) Ce serait bien ennuyeux, je pense...

Le point de vue externe ne fait en effet que décrire ce qu'il se passe, sans rentrer dans les pensées, sentiments du personnage.
Le point de vue omniscient sait tout sur tout par contre : ce qu'il se passe à mille bornes du personnage, ce que fait le personnage, ce qu'il va faire, ce qu'il a fait, ce qu'il pense, etc... ce qu'il va se passer.
Le point de vue interne lui se cantonne à tout ce que peut ressentir, voir, connaitre un personnage...

Il est assez fréquent dans un roman écrit dans un point de vue omniscient d'avoir des passages, notamment des descriptions, écrites d'un point de vue externe. Ça ne pose pas de probleme dans ce sens, sachant qu'il est rarissime qu'un roman ou même un chapitre soit entièrement écrit en point de vue externe ( très froid, portant peu à s'attacher aux personnages puisque l'on ne connait rien de leurs affects) Les romans du 19e pullulent de ce genre de cas...

Mélanger du point de vue externe à du point de vue interne ( fut-il multiple) me semble plus délicat à gérer. J'évite pour ma part...
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