De l'immoralité dans les romans

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Ellie
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Re: De l'immoralité dans les romans

Message par Ellie »

Pour moi il y a une différence entre la moralité d'un personnage (même si c'est le ou la protagoniste) et le message délivré par l'œuvre. Il y avait l'exemple d'Hannibal Lecter, typiquement en lisant la trilogie (initiale? y'en a ptet eu d'autres après) de Thomas Harris, à aucun moment j'ai eu l'impression que Lecter était présenté comme moral ou un exemple à suivre.

De même j'aime bien quand l'histoire adopte le point de vue d'un gangster, c'est pas pour autant que le message de l'œuvre c'est « braquer des gens, c'est cool ». De fait t'as des personnages qui sont hors-la-loi, qui font des trucs souvent scénaristiquement intéressants mais peu moraux, et pour le coup je suis pas forcément fan quand l'auteur tient absolument à dire « attention, quand même ce qu'ils font c'est pas bien » (via un personnage qui a le rôle de voix de la raison, ou en faisant en sorte que les protagonistes soient « punis » à la fin, histoire que l'œuvre soit morale), parce que ouais, en fait « tuer des gens juste pour prendre leur argent, c'est pas bien » je suis grande, je le sais déjà.

À côté de ça j'ai un peu du mal avec le message que pour moi renvoie une série comme 24 heures chrono (en gros: au nom de la guerre anti-terroriste c'est normal que le gouvernement autorise des mesures extrêmes), pas foncièrement à cause de son personnage principal (le héros prêt à tout, y compris à des trucs immoraux, OK) mais parce qu'il y a une justification un peu en permanence (bon après c'est plus ambivalent selon les saisons, mais le but c'est pas de disserter de 24 :D) et pour moi ça renvoie un message de « morale » que je partage pas et avec lequel j'ai du mal.

Bref, tout ça pour dire qu'il y a des œuvres avec des personnages qui font des trucs « immoraux » sans que ça me pose de problème, et à l'inverse des œuvres avec des personnages qui font des trucs plus justes dans l'absolu mais qui au final me gênent plus parce que c'est pas juste le personnage qui fait un truc qui craint (selon mes critères, j'admets) à un moment mais que l'œuvre en elle-même fait tout pour le justifier et le présenter comme juste.

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Anaïs
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Re: De l'immoralité dans les romans

Message par Anaïs »

Hello !

Ellie, ton point de vue rejoint un peu le mien. J'aurais juste une petite réserve : sans nous dire carrément "attention, ce personnage fait le MAL, c'est pas bien" et tout et tout, un auteur peut trouver des moyens de faire sentir au lecteur qu'il condamne le comportement de son personnage, fût-il un serial killer. La moisson d'anti-héros qu'on obtient aujourd'hui dans les séries télé et au cinéma le prouve bien : on ne sort pas d'un épisode de Dexter en se disant "moi aussi je veux être un serial killer", mais plutôt "c'est horrible, il a l'air si humain sous son inhumanité". De même, je n'ai pas vu le Parrain, mais d'après ce qu'en dit Truby, j'ai l'impression que c'est exactement le genre de chose qui est mise en place dans le film. (faudrait quand même que je regarde les films cités par Truby et Lavandier, j'ai l'impression que j'en apprendrais beaucoup ^^ mais je m'éloigne du sujet).

En fait, ce qui me pose problème, ce ne sont pas des oeuvres où il y a des scènes crues, sordides, cruelles, etc. Ce qui me pose problème, c'est le but visé par l'auteur : quand ce genre de scènes ou ce type de personnages sont employés uniquement pour choquer, je ne vois pas l'intérêt. Pour rebondir sur ce que disait Francis, si l'auteur choisit de montrer l'immontrable pour caractériser son personnage, ça sert l'histoire, pas de problème.

Je ne suis pas sûre qu'on puisse opposer aussi franchement que le fait ilham morale et immoralité. La morale, ça fait tout de suite penser à un carcan, au bien-pensant, au politiquement correct, et on est tous d'accord pour dire qu'on essaie de l'éviter, tous autant que nous sommes, nous auteurs (bon je m'avance peut-être mais en tout cas moi oui). L'immoralité, ce ne sont pas seulement des tabous imposés par notre société. J'y vois une notion plus intemporelle. Des actes qui nous diminuent en tant qu'êtres humains.

D'ailleurs, ce que certaines grenouilles disent ici pour défendre la barbarie dans la fiction me fait un peu peur : on ne peut pas tout justifier sous prétexte que c'est de la fiction. Ce n'est pas parce que la société d'aujourd'hui accepte des choses réprouvées hier qu'il faut s'imaginer que certains tabous peuvent être brisés pour faciliter le travail de l'auteur. Pour éclaircir mon propos, ce n'est pas parce que le divorce est accepté de nos jours qu'il faut se dire que le racisme ou le viol le sera demain. Je ne sais pas si je suis très claire, j'espère ne pas vous froisser en disant cela.
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tomate
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Re: De l'immoralité dans les romans

Message par tomate »

Pour éclaircir mon propos, ce n'est pas parce que le divorce est accepté de nos jours qu'il faut se dire que le racisme ou le viol le sera demain. Je ne sais pas si je suis très claire, j'espère ne pas vous froisser en disant cela.
C'est clair, mais tu a pris le plus mauvais exemple qui soit dans cette phrase: le racisme et le viol ont tous les deux été considérés comme normaux et le sont encore dans beaucoup d'endroits, voire sur certains forums de SFF (non, je ne penses pas à cocyclics, heureusement).

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Crazy
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Re: De l'immoralité dans les romans

Message par Crazy »

En fait, l'immoralité, c'est un peu présenter des choses choquantes comme allant de soi (ou de façon valorisante).

(Dans une certaine mesure, on pourrait évoquer des récits vieux de qq siècles où on parle de battre sa femme ou son esclave comme on parlerait de la pluie et du beau temps).

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ilham
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Re: De l'immoralité dans les romans

Message par ilham »

Anaïs a écrit : D'ailleurs, ce que certaines grenouilles disent ici pour défendre la barbarie dans la fiction me fait un peu peur : on ne peut pas tout justifier sous prétexte que c'est de la fiction. Ce n'est pas parce que la société d'aujourd'hui accepte des choses réprouvées hier qu'il faut s'imaginer que certains tabous peuvent être brisés pour faciliter le travail de l'auteur. Pour éclaircir mon propos, ce n'est pas parce que le divorce est accepté de nos jours qu'il faut se dire que le racisme ou le viol le sera demain. Je ne sais pas si je suis très claire, j'espère ne pas vous froisser en disant cela.
Ce n'est pas ce que je dis, Anaïs.
Ne pas se préoccuper de la morale en tant qu'auteur, ce n'est pas faire l'apologie du crime ou de je ne sais quoi. C'est bousculer le lecteur et l'obliger à réfléchir autrement. Et autrement ne veut pas forcément dire lui faire changer d'avis.
Et ce n'est surtout pas du relativisme que je fais ( c'est à dire que je ne dis pas que tout se vaut et ce qui est inacceptable aujourd'hui ne le sera p'tre plus demain...)
Je peux aimer lire Hannibal, être du coté du personnage et de sa folie, sans pour autant décréter dans la foulée qu'il faut laisser les serials killer en liberté ! ;) Par contre, je peux m'interroger sur leur psychologie, leurs motivations, chasser des idées toutes faites ( ce sont des monstres ! ) Je peux dépasser l'horreur qui me prend et m'interroger sur ce qui précipite des personnes banales dans la barbarie lors de certaines situations ( guerre par exemple)... sans pour autant leur donner raison !

Quand je lis Camus ou Sartre, je peux réfléchir sur leur idéologie et pas forcément l'adopter !
Ben c'est pareil dans un roman thriller où le héros est un sérial killer sadique...

Et c'est pour ça que je pense vaine, la tentation d'écrire un texte "moral"... qui vous dit que le lecteur partage la votre, de moralité ? ;) Tu parles du racisme.. il est loin d'être éradiqué ! Le viol ? J'entends encore des mecs et des nanas dire " ben oui, mais en minijupe, elle l'a bien cherché..." Ce que tu donnes en exemple, qui illustre je suppose ta propre morale, ne fait pas l'unanimité... on peut dire, hélas, mais ce ne sont pas des idées universelles, encore...

Quant à ce qui fait de nous des êtres humains... c'est au nom de cette idée que l'Eglise a justifié l'esclavage en définissant ce qu'était l'humanité et en décrétant que les personnes de peau noir n'avaient pas d'âme et donc n'étaient que des animaux...
Tu vois, c'est pas si claire comme idée. Ce qui constitue notre humanité...
Prends les camps de concentration, les gens y étaient privés de tout ce qui peut constituer un être humain : liberté, dignité, vie familiale, vie sociale, absolument tout. Jusqu'à leur nom, puisqu'on leur tatouait un numéro sur le bras... Et pourtant, lis les témoignages des survivants ou écoute les (je pense à Simone Weil ;Krasuky aussi en avait parlé avec beaucoup de justesse) : ils restaient humains malgré tout.
Quelle définition donne-t-on au terme humain ? Elle évolue sans cesse. Elle peut être biologique, spirituelle, philosophique, sociale, culturelle... C'est un vaste sujet ! Elle peut être très large et... dans ce cas la question des grands singes ne se pose pas loin... (on peut lire Vercors sur ce sujet : les animaux dénaturés, je crois... ) Le régime Nazi l'a réduit à peau de chagrin...

Ce n'est donc pas une notion universelle, qui va de soi, qui s'impose d'emblée. C'est le fruit d'une réflexion philosophique qui est vieille... comme l'humanité ! Et on peut encore la discuter. Je reviens sur les grands singes... peut-on leur reconnaitre à tout le moins une part d'humanité quand, à force d'études, nous comprenons non seulement qu'il partage + de 98 % de patrimoine génétique avec nous, mais qu'ils sont capables de comprendre notre langage, de communiquer avec nous, d'apprendre à leurs petits ce qu'ils savent, d'avoir même une culture puisqu'on a découvert qu'ils savaient cuisiner ! Certes sommairement, compote de pomme pour les vieux édentés, mais la cuisine est un acte culturel... Je reviens aussi sur les meurtriers : peut-on leur enlever leur humanité et dire que ce sont des monstres. Discours qu'on entend très souvent et justifie la peine de mort ( on tue un animal, un monstre, pas un être humain...)
Aujourd'hui le mariage homosexuel émeut plus d'un millions réunis dans la rue pour protester contre... Demain, ça semblera peut-être complètement farfelu d'avoir refusé les mêmes droits aux personnes quelque soit leur sexualité...

C'est très philosophique tout ça. Et je comprends qu'on puisse s'appuyer sur une idée "morale". Les croyants de toutes les religions le font... C'est bien, c'est mal. Tu fais le bien tu seras récompensé ( Paradis pour les uns ou réincarnation dans une forme de vie supérieure pour les autres... ) Tu fais le mal, tu seras puni.
C'est simple, rassurant, efficace. Ca fait tenir le monde debout pour des milliards de gens, je pense... sans trop se poser de question. les contes et les fables sont là pour répéter cette idée à l'envie, inculquer aux enfants ces notions et permettre une vie en société. Quantité d'auteurs se placent, inconsciemment, plus ou moins, dans ce cadre. (Y'a même eu des auteurs, des artistes à se placer dans le cadre du fascime, hein ? )
Ça ne les empêche pas d’être bons... de prendre plaisir à les lire. mais je crois quand même que je préfère ceux qui bousculent les codes (à condition qu'ils aient du talent ! Quand on est un auteur médiocre, on ne bouscule pas grand chose ! )...
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Re: De l'immoralité dans les romans

Message par YeuxVerts »

Anaïs a écrit :D'ailleurs, ce que certaines grenouilles disent ici pour défendre la barbarie dans la fiction me fait un peu peur : on ne peut pas tout justifier sous prétexte que c'est de la fiction. Ce n'est pas parce que la société d'aujourd'hui accepte des choses réprouvées hier qu'il faut s'imaginer que certains tabous peuvent être brisés pour faciliter le travail de l'auteur. Pour éclaircir mon propos, ce n'est pas parce que le divorce est accepté de nos jours qu'il faut se dire que le racisme ou le viol le sera demain. Je ne sais pas si je suis très claire, j'espère ne pas vous froisser en disant cela.
Plus que défendre l'immoralité, les récits les plus pertinents sont ceux qui cultivent l’ambiguïté de tels actes. La série Dexter est à mes yeux un exemple frappant du genre, franchissant régulièrement la ligne de la légalité et surtout de la moralité des actes du protagoniste (j'hésite à le qualifier de héros, vous comprendrez certainement). Lui-même a ses interrogations, ses sentiments, et même de la culpabilité quand il tue un innocent.

Surtout, garde bien en tête qu'écrire un livre (sauf une biographie), c'est raconter une histoire fictive. L'auteur ne partage pas forcément les vues de ses personnages, et il n'invite que rarement ses lecteurs à le faire.

Les histoires avec des personnages qui ne sont pas tout blancs sont à mes yeux les plus intéressantes. Comme le disait Marker Twain, va au paradis pour le climat, va en enfer pour la compagnie.
Celui qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit.

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Nuageux
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Re: De l'immoralité dans les romans

Message par Nuageux »

Je plussoie pas mal les deux derniers écrits, notamment celui d'Ilham.
Nous sommes dans une société qui, bien qu'elle se targue d'être entièrement libre dans sa pensée et par rapport à son passé (on a vaincu l'obscurantisme ! on a la démocratie, plus la tyrannie ! etc...), se base aussi sur un profond système de valeurs. Attention : je ne parle pas des clivages gauches droites, ou des broutilles du genre, etc... Je parle de valeurs profondes, partagées absolument apr tous : croyance au progrès par la technologie ; croyance de la démocratie comme un bon système, à l'égalité (bon, à part quelques illuminés de l'extrême droite, je l'admet), croyance que l'homme peut dominer et réarranger la nature selon son arrangement ; croyance que le temps est une ligne droite qui avance, et non pas une période cyclique (comme au Moyen Age) ; croyance aux droits de l'homme (sauf, encore une fois, quelques illuminés) ; aux droits de la femme, et des enfants ; à la mort comme quelque chose de mauvais à éradiquer ; à la médecine comme pouvant aller très loin dans la lutte contre cette même mort ; etc...

A partir de là, déjà, être immoral, ce serait par exemple vanter la tyrannie, l'acceptation de la mort (dans le genre : non, je ne soignerais pas les petits enfants atteints de Leucémie, gnark gnark !), l'éducation violente et autoritaire des enfants, etc... Par exemple. Mais qui nous prouve que les droits de l'homme sont une si bonne idée que cela ? (rassurez vous, j'y crois...). Être immoral, je trouve, c'est comme l'as dit Ilham, montrer l'ambiguité de certains personnages qui ne rentrent pas dans ces cases qu'aujourd'hui, nous considérons comme bonne.
Comme tous, nous sommes marqués par des valeurs ; mais pourquoi ne pas se laisser aller à les renverser ? Si je veut un personnage qui pense que la démocratie est une absurdité totale, et que vaut mieux de l'autoritarisme - why not ? Ca permet de faire réfléchir.
Mieux, même : Si je veut un mysogine violeur complet, encore une fois : why not ? Le lecteur est complètement capable de se rendre compte de l'ambiguité que j'y placerais (sauf si je fais en sorte de le valoriser sans aucun message derrière... Ce que je ne ferais pas, parce que justement, j'ai quand même un sens moral ^^). L'immoralité permet de se mettre dans la tête de personnage que tout le monde déteste, juste pour explorer leur psychologie ; elle permet de montrer des aspects de la société que nous rejetons d'habitude instantanément dans la case du "à jeter".

Un des mes esclavagiste, dans mon bouquin, me sert à montrer comment il est à la fois participant et emprisonné du système de l'esclavage, qu'il ne peut en rien contrer, et qu'il préfère donc utiliser par dépit de pouvoir le changer. Il est atroce : et pourtant, sans lui, je ne pourrais montrer certains rouages politiques qui s'appliquent aussi au monde réel (selon moi).
Je pense qu'un livre entièrement "moral" peut-être bon : c'est le genre de choses que les Lumières appréciaient bien (Candide, ou l'Utopie de Thomas More...). Mais d'un autre côté, pour dénoncer la peine de mort, Victor Hugo à bien pris un condamné à mort ; donc, quelqu'un qui dans son temps, avait fait un acte jugé comme horrible et immoral (bien que celui-ci ne soit pas précisé, par procédé rhétorique)...
Il ne faut pas la rejeter parce que l'immoralité à des mauvais côtés. Si l'on admet que des valeurs sont subjectives, on peut continuer à les défendre sans pour autant rejeter les autres. Je trouve cela plus intelligent (et cela permet une liberté accrue dans l'écriture) - pour ma part, hein, ca n'a rien de catégorique.

Pour résumer : L'immoralité dans un roman ne pousse pas forcément les gens à la reproduire. Elle permet simplement d'envisager d'autres côtés sociétaux ou de l'esprit humain que l'on veut aborder, mais pas forcément sous l'angle du "regardez comme c'est mal", mais plutôt sous l'angle du "regardez comment pensent ceux qui font ces actes immoraux, et jugez par vous-même".
Pour les insomniaques... En Attente de l'Aube, mon livreuh a moi.

Parce que la vie, c'est pas si facile, vous savez.

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Anaïs
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Re: De l'immoralité dans les romans

Message par Anaïs »

Coucou !

Tout d'abord, ça y est, on a atteint le point Goodwin dans ce fil (il y a deux ou trois posts, si j'ai bien compté).

Nuageux, je suis tout à fait d'accord avec toi. Ce qui me déplaît (voire me choque) dans certaines fictions, c'est l'impression que leur auteur n'a pas du tout conscience de l'implication réelle de ce qu'il met en scène, qu'il a juste mis du sordide, du barbare dans son oeuvre pour le plaisir, ou pour appâter le lecteur. Contrairement à l'immoralité intégrée dans un récit dans le but de susciter la réflexion (ce qui est complètement le cas de Dexter que tu cites).

En fait, cette réflexion est partie pour moi de la lecture d'un roman où l'un des protagonistes manie le viol et l'eugénisme à tour de bras. Face à ce personnage, une autre se révolte, se rebelle. Pourtant on n'a jamais l'impression qu'elle "gagne", c'est le personnage immoral qui conserve l'avantage du début à la fin (sauf dans une scène qui ne m'a pas du tout donné l'impression qu'il avait "perdu" en définitive). En refermant ce roman, j'étais dégoûtée, en particulier face au personnage "moral" qui se laissait battre à la fin. Je trouvais qu'il manquait une rédemption, ou une condamnation de l'auteur... Bref, parfois on aurait envie de réécrire soi-même l'histoire parce qu'elle ne se termine pas à notre goût ^^
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Anonyme_Quatre

Re: De l'immoralité dans les romans

Message par Anonyme_Quatre »

Bah comme dans la vraie vie, les gentils ne gagnent pas toujours ;)

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ilham
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Re: De l'immoralité dans les romans

Message par ilham »

J'aurais pu causer Khmers rouges, dictatures sud américaines des années 80, franquisme espagnol, génocide rwandais... si la référence au régime nazi te gêne, tu sais, Anaïs... Le nazisme n'est pas le seul, hélas, à avoir dénié son humanité à une partie plus ou moins large de la population. L’Église l'a fait de son temps... les pionniers américains aussi... Quasi chaque société a sa part d'ombre sur ce sujet, au fond... et y'a eu à chaque fois des artistes, des auteurs (parfois étonnant : je songe à Victor Hugo parlant des africains en des termes plus que racistes... ) pour aller dans ce sens. Heureusement, y'a eu aussi beaucoup à faire le contraire et ce sont eux dont on se souvient d'ailleurs !

Ensuite, je ne connais pas les livres que tu as lus, puisque tu ne les cites pas, mais p'tre que tu as tout simplement mal compris le contenu du roman. C'est pas toujours évident... Que le bouquin soit bon ou mauvais, d'ailleurs. Bon, on se laisse emporter par l'histoire sans se poser de questions... et ça oblige souvent à une seconde lecture ! J'en ai relu comme ça des chefs-d’œuvre ! Comme j'ai revu des films qui m'ont transporté lors du premier visionnage...

Et puis... gagner, qu'est ce que ça veut dire ?
Toi, tu as ta définition. Peut-être que pour l'auteur, c'est différent...
Gagner, c'est rester en vie ? C'est tuer l'autre. C'est continuer sa vie en ignorant le bourreau ?
Gagner, c'est plein de choses...
C'est pour ça que juger de la morale d'un roman,d e façon universelle, est impossible selon moi.
Quand on émet un jugement moral, c 'est forcément d'après ses propres valeurs. Et c'est forcément en condamnant celles de l'autre... sans aucune réflexion parce que il y a ce qui est bien et ce qui est mal et c'est intangible...

Ensuite, oui, parfois on perd dans la vraie vie. On perd une bataille, la guerre...
Est-ce pour autant que l'auteur condamne le perdant de son histoire ? J'ai des tas de personnages qui "perdent" parce qu'ils n'ont pas de solutions à portée. Ça ne veut pas dire que le protagoniste est celui qui a raison ! ;) D'ailleurs, c'est manichéen ce type de raisonnement : quia tort ou raison ? quand j'écris, j'ai souvent ( et j'essaie de plus en plus) d'avoir des situations où finalement chacun a ses raisons valables d'agir de telle ou telle façon. Le personnage principal a de larges raisons d’être haineux, de recourir à la violence. Le protagoniste a de larges raisons d'avoir choisi le camp opposé. Et pourtant tous les deux se contredisent dans les faits...
Ni l'un ni l'autre n'a raison en fait. La violence ne les amène nulle part. Ils y vont pourtant tous les deux car ils sont coincés par la situation, c'est tout.
Mon personnage, dans la nouvelle que je citais plus haut, n'est pas mauvais en soi... Il est juste coincé dans une situation sans solution à portée de main. On lui en offre une, plus que contestable. Il sait très bien que c'est sans issue, sans espoir. il condamne lui même son geste, mais lui aussi il n'a pas le choix... Tout comme la mère de Cosette abandonne sa fille aux Ténardier et sombre dans la prostitution, par nécessité... condamnant Cosette à l'enfer...

En fait, je ne veux pas du carcan de la morale parce que cela veut dire que quelle que soit la situation, le personnage doit agir de telle façon. Sinon, c'est mal, pas bien, vilain. Dans la réalité, on sait très bien qu'on fait tous ce qu'on peut face aux évènements... et qu'il n'y a pas de voie royale. Qu'il y a des petites lâchetés, des contradictions qui font que non, on ne peut pas être infaillible tout le temps. Même parmi les hommes les plus valeureux, ça existe. Et pour l'écriture c'est du pain béni : Roméo qui tombe amoureux de Juliette, la fille de la famille rivale ancestralede la sienne ! Celle dont il n'aurait jamais dû s'éprendre ! La littérature n'est faite que de ça, au fond ! De personnages qui se débattent ( et perdent souvent, comme Roméo et Juliette...) D'ailleurs, ces failles, c 'est qui rend les personnages complexes et attachants.
C'est ce qui les rend humains...
Ou bien sinon, faut lire les contes pour enfants, avec une morale à la fin toute faite pour les éduquer. Le croque-mitaine étant là pour les décourager de désobéir... C'est assez réac au fond les contes de ce genre, je trouve ! ;) Heureusement, on a dépassé ça dans la littérature jeunesse ( d'une certaine façon car la publication est encore fortement encadrée sur ce sujet) ! On peut aborder des thèmes sérieux sans faire la morale !

Ah pour terminer, il existe certains courants religieux qui jugent immoral de lire, de s'intéresser à des faits qui n'ont jamais existé et que seule la lecture de la Bible (ou de n'importe qul livre religieux. Cette tendance orthodoxe existe partout ! ) est souhaitable. le reste n'incitant qu'au vice.
A méditer...
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Anaïs
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Re: De l'immoralité dans les romans

Message par Anaïs »

je ne connais pas les livres que tu as lus, puisque tu ne les cites pas
Hum en fait je ne veux pas spoiler les gens qui ne les ont pas lus, mais c'est vrai que ce n'est pas évident de comprendre de quoi je parle sans cette référence :)
Quand on émet un jugement moral, c 'est forcément d'après ses propres valeurs. Et c'est forcément en condamnant celles de l'autre... sans aucune réflexion parce que il y a ce qui est bien et ce qui est mal et c'est intangible...
Je trouve ça un peu extrême. Ce n'est pas parce qu'on a des valeurs, des principes, qu'on condamne sans réfléchir ce que pense ou fait l'autre. Par contre je crois fermement qu'on ne peut pas vivre sans avoir un "socle" de valeurs auxquelles on croit vraiment. Après, personne n'est parfait, tout le monde fait des erreurs, tout le monde peut avoir des envies de transgression. Pour prendre un exemple trivial, je suis persuadée que le code de la route c'est fait pour être respecté, je peste dès que je vois une infraction mais ça ne m'empêche pas d'en commettre à mon tour, par maladresse, flemme, oubli, etc.

Et attention, quand je parle d'immoralité, encore une fois, ce n'est pas le fait d'avoir des personnages immoraux qui me choque, c'est ce que choisit d'en faire l'auteur (si tu as compris l'inverse, tu dois me prendre pour un sacré bonnet de nuit super rigide :s ). C'est pour ça que les références à toutes les atrocités commises depuis le début de l'humanité me semblent un peu trop élargir le débat.

Après, tout dépend de l'oeuvre. Dans un roman "détente", je n'attends pas les mêmes choses que dans un roman dont l'auteur semble vouloir me donner matière à réflexion sur le monde ou la société.

Enfin bref, merci pour cette discussion intéressante :)
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ilham
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Re: De l'immoralité dans les romans

Message par ilham »

Hi, et toi tu dois me prendre une rebelle anarchiste du dernier degré, criant "ni Dieu, ni Maître !" ;)
Bon, je l'étais étant lycéenne, j'avoue et depuis j'ai compris l'utilité des feux rouges sur la route ! ;)

Car ne pas vouloir parler de morale, ne veut pas dire refuser d'avoir des règles.
Sans règles, une vie en société serait impossible ! Bien sûr ! Et je ne suis pas pour l'apologie du meurtre, par exemple.
Cependant, ce n'est pas une position morale que j'ai là. Je suis pour la condamnation du meurtre, sans équivoque, et ça jusqu'à refuser la peine capitale. En temps de paix... parce que en temps de guerre, ça se complique et ça peut se poser différemment, en terme de survie par exemple.

Mais je crois qu'il faut d'abord définir ce qu'est la morale, parce que peut-être en avons nous une vision différente.
Pour moi c'est une vérité sur tous les aspects de la société qui peut être dictée par ceux qui ont du pouvoir : Église surtout, État, parents, instituteurs dans certains cas ( moins aujourd'hui, c 'est vrai : la démocratie et mai 68 sont passés par là ! ;) )...
Des règles, ça peut se discuter : à l'assemblée nationale, au conseil municipal et y'a un débat, un vote. Et on peut être contre, dans l'opposition, manifester son refus, etc...
La Morale, ça s'impose, ça ne se discute pas. C'est la Vérité. Tu ne tueras point. C'est tout.

Bref... je voulais juste terminer par une chanson de Léo Ferré que j'aime beaucoup et qui ferait scandale aujourd'hui car elle parle de l'attirance d'un homme vis à vis d'une fillette...

"Ah! petite Ah! petite
Je t´apprendrai le verbe "aimer"
Qui se décline doucement"

[...]

"Ah! petite Ah! petite
Tu peux reprendre ton cerceau
Et t´en aller tout doucement
Loin de moi et de mes tourments"


Mais Ferré ( qui a chanté "ni Dieu ni maître") termine sa chanson d'une façon très intéressante.

"Tu reviendras me voir bientôt
Le jour où ça ne m´ira plus
Quand sous ta robe il n´y aura plus
Le Code pénal"



Il fixe des limites très claires, non pas morales (puisque nulle part, le pédophile qui parle n'est condamné pour ses penchants ), mais sociétaux : l'interdiction de la pédophilie par le code pénal.

Ne pas parler de morale, pour l'auteur j'entends, ne signifie donc pas ne pas avoir de limite... Ferré les indique dans ce texte, bien que fervent anarchiste, libertaire, sans pour autant juger son personnage à qui il laisse la parole entière.
Enfin je pourrais développer pour ce qui me concerne, car j'ai des limites aussi n'empêche dans l'écriture et aussi dans mes lectures ( sur la torture, le viol...), mais j'arrête là ! ;) C'est déjà bien long !
Modifié en dernier par ilham le sam. avr. 26, 2014 9:07 am, modifié 1 fois.
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Anaïs
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Re: De l'immoralité dans les romans

Message par Anaïs »

:hihihi: j'aime bien ces moments où on se rend compte qu'après avoir discuté des heures on se rend compte que les avis des interlocuteurs se rejoignent :twisted:
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