Colcoriane a écrit :
A votre avis, raconte-t-on les histoires de la même façon d'un endroit à l'autre, d'une culture à l'autre ? Raconte-t-on les mêmes histoires, d'ailleurs ?
Là-dessus, je suis bien certain que non. Il y a sans doute une question de culture derrière tout ça, mais difficile de faire adhérer à la même histoire des descendants des peuples nordiques, asiatiques, européennes, africaines ou persans, par exemple.
Les best-sellers mondiaux sont rarissimes, et même parmi ceux-ci, je suis convaincu qu'il y a de fortes disparités d'un continent sur l'autre. Pas sûr que Harry Potter ait connu le même succès en Chine qu'en Turquie ou qu'en Europe, par exemple.
Sur la façon de raconter, c'est un peu la même chose. Moi qui aime bien les mangas, j'ai souvent constaté que chez eux, le destin a souvent une place très importante. En europe ou aux états-unis, cette approche est plus rare. Au contraire, on aime penser que rien n'est écrit, et que chacun peut écrire le scénario de sa propre vie.
Colcoriane a écrit :
J'ai lu des fois dans la mare que la SFFF française se démarquait par rapport aux autres récits de SFFF. Sous quel rapport au juste ?
Pour ce que j'en ai entendu dire (dans une interview de Stéphane Marsan, d'ailleurs) la SFFF francophone se démarque par son style, souvent plus travaillé que dans les productions étrangères, en particulier américaines. Mais le même Marsan regrettait un manque de punch (ceci dit, cette interview datait de 2009 si j'ai bonne mémoire, il a pu changer d'avis
)
Colcoriane a écrit :
Enfin, une question qui découle des précédentes : si vraiment il y a une différence dans la façon de construire et de raconter les histoires, dans quelle mesure peut-on se fier à des conseils d'auteurs étrangers, comme par exemple Card ou Stephen King ? N'y a-t-il pas risque de se faire absorber par une façon de raconter différente et du coup, de perdre petit à petit ce qui fait la spécificité de la SFFF française, quelle qu'elle soit ?
A titre d'exemple, je suis en train de lire Personnages et Points de vue, de Card, et il y a une idée qui m'a marquée (bon, je lis en VO, j'ai aussi pu mal comprendre) : il laisse entendre que le seul temps usuel pour la fiction est le passé, et très occasionnellement le présent mais que c'est plutôt réservé aux nouvelles - sous entendu, on ne peut pas écrire de longs récits au présent. Or j'ai en tête plein d'exemples de romans au présent. Est-ce que c'est juste l'opinion de Card, ou une tendance propre à la littérature anglophone ? Dans le deuxième cas, les quelques conseils qu'ils donne sur l'utilisation des différents temps ne sont peut-être pas adaptés à ceux qui écrivent en français. Ou bien c'est moi qui délire, c'est possible aussi
Qu'en pensez-vous ?[/quote]
Je n'ai pas lu P&PdV de Card, ni en VF ni en VO, donc je ne peux pas donner d'avis sur l'ouvrage dans sa globalité.
Beaucoup de romans sont écrits au passé, ça c'est très vrai. Dire que c'est la norme me semble un peu exagéré, et marqué du sceau de l'auteur.
Pour ce qui est d'utiliser les conseils d'un auteur américain pour nous auteurs francophones, c'est une question intéressante. Par extension, ça pose la question : "est-ce que le modèle de cet auteur est transposable dans d'autres cultures ?"
Pour Card, la question reste posée.
Pour King, avec ses centaines de millions de romans vendus dans le monde, je pense qu'on peut répondre par l'affirmative.
Malgré son succès commercial - qui se double ces dernières années d'un succès critique - je ne trouve pas ses romans commerciaux. Pour moi, King dispose de plusieurs forces :
1 - ses personnages sont marquants, attachants, efficaces. Pour le coup, quelle que soit la culture, je crois que personne n'adhérera à une histoire s'il n'adhère pas d'abord aux personnages.
2 - le côté un peu "roots" de ses dialogues. Quand il faut faire dire "pute" a un personnage, il ne va pas lui faire dire "prostituée" ou "péripatéticienne" ou autre synonyme. Ca lui a d'ailleurs valu pas mal de critiques assassines, mais chez King, on ne transige pas avec la spontanéité des dialogues.
3 - le respect des codes du genre qu'il a choisi. Dans le fantastique, il n'y en a pas tant que ça, il faut faire peur, il faut un méchant, il faut que le héros souffre avant de gagner, il faut qu'il y ait des morts, et il est conseillé d'éviter les happy ends (ou de les teinter d'une couleur sombre et incertaine, genre "ça se finit bien... Pour le moment." Ses histoires ne se basent pas toujours sur des choses très très originales (un virus qui tue presque tout le monde dans "Le Fléau", des extra-terrestres pas gentils dans "Les Tommyknockers", une fille qui a des pouvoirs surnaturels qu'elle découvre accidentellement ("Carrie", "Jessie")... Mais ce qu'il fait de ce point de départ est suffisamment intéressant pour qu'on s'y intéresse.
Voilà pourquoi je pense que son modèle est transposable, et que je lis avec plaisir "Ecriture" pour prendre des notes.
Ceci dit, comme je suis fan de King, il se peut que mon jugement s'en trouve un peu altéré