La stratégie martiale au moyen-âge

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Harrylechienfou
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La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Harrylechienfou »

Salut à tous !
Voilà, j'ai inventé un univers qu'on pourrait qualifier de héroic-fantasy (pour aller vite, parce qu'en réalité c'est un mélange d'horreur et de fantasy) et lors de l'écriture du roman, je compte bien mettre en avant la stratégie martiale.

Sachant que mon univers a lieu dans un temps qui s'apparente au moyen-âge (au niveau des inventions et machines militaires, des armes et armures, etc), auriez-vous des conseils pour écrire des batailles intéressantes et stratégiques ?
Je ne suis pas moi-même particulièrement connaisseur de la stratégie martiale : j'ai simplement pas mal joué à la série Total War, et j'ai lu quelques sujets dispo sur le net, le récit de certaines batailles historiques célèbres, ainsi que le fameux livre de Sun Tsu.

Je propose que, si des gens sont intéressés, ce sujet traite de manière générale de la stratégie martiale et de la manière dont, en tant qu'auteur, on peut imaginer et mettre en scène des batailles épiques et stratégiques.
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Alamankarazieff
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Alamankarazieff »

Globalement, les batailles médiévales étaient beaucoup moins organisées que les batailles antiques et étaient souvent de sévères mêlées. "médiéval" est aussi un terme très vaste, qui va beaucoup dépendre de la situation géographique, de la technologie...
Déjà, toutes les armées ne ressemblaient pas, limitées par les traditions, les moyens disponibles et la technologie. La physionomie d'une bataille était également très différente en fonction du niveau d'entraînement des troupes : des soldats chevronnés et disciplinés vont rester groupés, en formation, répondre à des ordres de manoeuvre, alors que d'autres vont partir dans tous les sens.
Si tu as fait des jeux de stratégie, tu sais qu'en général il est très rare qu'une bataille se conclue quand le dernier fantassin tombe : le plus souvent, c'est au moral que ça va se passer, et c'est là que la discipline va jouer un rôle. Il y a des récits de bataille où une force supérieure en nombre, et en position dominante va battre en retraite parce que les soldats éparpillés ne voient pas ce qui se passe et qu'à un moment, l'instinct de survie prend le dessus.
L'évolution des stratégies, c'est beaucoup du pierre feuille ciseaux : l'arrivée de l'étrier (et les taules que nous ont mis les armées berbères qui l'avaient) ont permis l'apparition d'une cavalerie lourde, très efficace contre l'infanterie lourde, mais son apparition à conduit au développement des archers et des piquiers. L'amélioration des armures lourdes a conduit à la surenchère des épées de plus en plus grandes et des masses et des marteaux. Jusqu'à ce que les armes à feu rendent les armures inutiles ce qui les a presque fait disparaitre. Ce qui a amené à l'apparition des rapières puisqu'il n'était plus nécessaire d'avoir un ouvre boite.
Dans l'ensemble, une bataille à cheval a un peu de visibilité, mais dès qu'on est à pied, c'est l'impression de confusion qui domine, à moins de rester dans une formation bien disciplinée. Le film "Alexandre" d'Oliver Stone rend bien cette impression de confusion.
Le terrain joue aussi un rôle essentiel, et a été la clef de nombreuses victoires ou défaites, ce qui implique que la mobilité de l'armée était essentiel. Napoléon a gagné des batailles simplement en faisant marcher ses troupes à marche forcée et se plaçant à des endroits où il avait une telle supériorité stratégique que l'ennemi s'est rendu. Certains types de troupes sont inefficaces dans certains terrains : oublie tes archers en forêt, ta charge de cavalerie en montée ne va pas marcher.
La capacité à transmettre des ordres et pour le général de percevoir le champ de bataille est crucial. Subotaï, le général de Gengish Khan et l'un des, sinon le général le plus victorieux de l'histoire était célèbre pour voir tout ce qui se passait et se faire obéir.
Pour ce qui est de la retranscription, je pense que la question du point de vue va être essentiel. Vu d'en haut, vu à hauteur du général, vu à hauteur de fantassin... Est-ce qu'on veut mettre en lumière la futilité, la brutalité, l'héroïsme, la solidarité, l'horreur, la peur... Pour ce qui est du côté stratégique et le rendre intéressant, il me parait utile de s'arrêter sur quelques éléments signifiants : ils étaient mieux entrainés, mieux placés, leur général était meilleur, leurs armes de meilleure qualité...
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Harrylechienfou
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Harrylechienfou »

Super réponse, merci ! Pour info mon univers se situe avant l'apparition des premières armes à feu, dans le haut moyen-âge si je me trompe pas (je sais c'est assez large). Je vais essayer de rendre chaque bataille unique, en changeant le point de vue, l'ambiance générale, la topologie des lieux, la stratégie adoptée, etc. tout en gardant une logique au niveau de l'histoire et de la narration évidemment.

J'encourage ceux qui le désirent ) poursuivre la discussion. En tout cas perso je ne suis jamais repu de conseils ou simplement de remarques sur le sujet ;)
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loupblanc
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par loupblanc »

J'ai entendu dire, de manière répété, mais sans jamais trouver de source réelle (faut dire que j'ai pas tellement cherché^^) que les batailles au moyen-age étaient rarement des événements de grandes ampleurs comme on en voit dans le seigneur des anneaux et compagnie, et que les récits des chroniqueurs accentuaient énormément la taille des forces en présence pour donner un coté plus épique aux événements, et qu'en réalité, un seigneur capable de lever plus d'un millier d'homme pour participer à une campagne pouvait s'estimer puissant.
A moi, ça me parait logique, compte tenu du prix de l'équipement à l'époque, quinze à vingt fois plus élevé que ce qu'utilisaient les soldats pendant l'antiquité.
Mais en l'absence de source...
De manière plus générale, militairement parlant, le moyen age s'est divisé en trois "temps", avec bien sur des périodes de transition
-l'époque de l'infanterie, ou les stratégies s'inspiraient énormément de la période antique, avec de gros "blocs" d'infanterie et une cavalerie relégués aux rôles de harcèlement, d'attaques de flanc et de prise à revers. C'était en gros l'époque ou la majorité du contingent armé se composait d'hommes libres en arme. A cette époque, ça reste à peut près comme durant l'antiquité, de la bonne grosse mêlée des familles avec tout le monde qui se rentre dedans, et la part belle fait aux généraux et aux stratèges, qui peuvent bâtir ou faire s'effondrer un empire par la simple force de leur génie tactique( Alexandre le Grand, César, Hannibal...). Exemple: bataille de Poitier
-L'époque ou la cavalerie à pris le relais, grâce aux innovations technologiques, entraînant une professionnalisation du métier de guerrier, puisqu'il faut pouvoir payer la monture et l'entretien de l'équipement pour se battre. la stratégie à moins d'importance içi, parce qu'une charge de cavalerie résulte en un indescriptible chaos, ou la fureur des hommes s'additionne à la terreur des chevaux. Va réussir à donner des ordres et à manoeuvrer correctement dans ces conditions....
C'est également l'époque ou les fantassins, généralement des paysans mobilisés par leur seigneur, et relégués à un rôle plus secondaire, espacent leurs rangs, parce que les rangs ultra-serrés sont des cibles de choix pour les régiments de cavaleries, dont toute la puissance repose sur leur force d'impact, capable de briser le plus solide des murs de bouclier. Exemple: Bataille de Bouvine
-Enfin, l'époque ou la professionnalisation à touché l'infanterie, ou les mercenaires détronnent les chevaliers, dont le coût d'entretien à terriblement augmenté(c'est que ça coûte cher, une armure de plaque). Exemple: Guerre de cent ans, bataille d'Azincourt...
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Alamankarazieff
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Alamankarazieff »

Effectivement, la question du prix est important, comme celle de l'entrainement. Les cavaleries lourdes étaient des corps d'élites, rares et chers. Les archers anglais aussi, pour pouvoir décocher leurs volées mortelles avaient besoin d'un long entrainement.
A l'inverse, une bande de paysans avec des piques, ça peut se lever.
Mais effectivement, l'ère des grandes batailles est spécifique de l'époque moderne et de l'émergence des nationalismes (après 1789), entre autres grâce à l'arrivée des manufactures et des fusils. Il faut beaucoup moins de formation pour manier un fusil qu'un arc. Pour défendre la République, on rameute beaucoup plus de monde que pour payer un château supplémentaire au seigneur local.
La guerre de cent ans fut par exemple une longue série d'escarmouches, qui durait tant que les souverains avaient de l'argent, puis une fois les coffres vides, les armées n'étaient plus payées, se transformait au mieux en mercenaires et parfois en brigand, jusqu'à ce que les finances permettent de nouveaux assauts.
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Harrylechienfou
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Harrylechienfou »

Oui je vois, dans ces cas-là je dirai que la période qui m'intéresserait le plus serait la période post-antiquité, qui fait, comme tu le dis, la "part belle" au stratège. Saurais-tu à peu près à quelle période se situe cette époque (genre quelle siècle) ? Je voudrais me renseigner.

Je sais aussi l'importance de définir pour mon monde la manière dont on forme une armée : armée permanente ou armée féodale formée par le ban. Le problème c'est que chacun des "système" possède des avantages et des inconvénients (en terme de narration j'entends), et je suis assez hésitant, d'autant que ça dépend du système politique en place, de la manière dont est organisé le pouvoir et de manière générale de la façon dont sont administrées les différentes régions du royaume (je sais pas si je me fais comprendre).

J'ai une autre question : est-ce que le fait que les batailles soient devenues moins stratégiques avec le temps dépend de la logique ou est-ce simplement la manière dont cela s'est passé ? En gros, est-ce que faire un monde ressemblant au haut moyen-âge mais ayant des batailles très stratégiques plutôt à la manière de l'antiquité est une erreur de logique ou est-ce que c'est envisageable dans un monde fantasy (donc par définition différent du nôtre, avec une Histoire différente) sans que cela ne soit irréaliste ou illogique ? J'ai bien compris que cela dépend des corps d'armées eux-mêmes, mais on peut peut-être imaginer que la tradition antique a subsisté plus longtemps, non ?
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Alamankarazieff
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Alamankarazieff »

Pour que des stratégies se justifient, il faut beaucoup de soldats. Pour rassembler une grosse armée, il faut un gouvernement central fort. Il faut également que la technologie soit en faveur des grandes armées. L'arrivée de l'étrier et la prédominance de la cavalerie lourde a accentué la féodalité : une petite caste de combattants d'élite devenait la clé de voûte des champs de bataille. La noblesse (la caste guerrière) était peu nombreuse et c'était elle qui finançait les armées.
A l'époque romaine républicaine ou la période héllénistique d'Alexandre, on avait une structure proche, avec des combattants citoyens, très entrainés, qui payaient eux-même leur équipement. Après les réformes de Marius, et ce qui va dominer la période impériale, c'est l'arrivée des auxiliaires, des combattants qui s'engageaient pour 20 ans pour obtenir la citoyenneté à la fin. A nouveau, ils payaient pour leur équipement (même s'il y a un doute sur la question) et ces régiments pouvaient être très divers. Mais comme ils fournissaient une masse de soldats, avec des capacités très variées (et un coût social moindre si on les perdait que les citoyens), les stratèges romains purent expérimenter.
Je pense que la période qui t'intéresse le plus c'est la fin de l'empire romain, le début des Francs, de 400 à 800, ou tu as des armées très diverses (byzantins, post-romains, francs, germains, anglo-saxons, "vikings", huns, arabes, berbères...) toutes issues de sociétés différentes, avec des stratégies différentes, des niveaux technologiques et de l'équipement différent
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Harrylechienfou
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Harrylechienfou »

Effectivement ça me semble une bonne période ! Ta réponse m'a beaucoup aidé, je te remercie.
Qui plus est je suis en train de créer le système politique en place dans l'empire où a lieu l'action de mon roman et ça me semble se rapprocher plus de l'empire romain que d'un système féodale pur, encore que je ne suis certain de rien et que c'est un vrai casse-tête pour moi de faire fonctionner toutes mes idées ensemble. Bref. :)
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par JMB »

Il y a des livres qui parlent des différentes tactiques militaires ?
:heart:

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Ifuldrita
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Ifuldrita »

J'avais fait quelques recherches assez infructueuses.

Il y a pas mal de livres sur la théorie martiale (l'art de la guerre de Sun Tzu, l'art de la guerre de Machiavel, ...), mais je n'y ai rien trouvé de très précis.
J'ai trouvé des livres d'analyses de batailles "moderne" (avec armes à feux : batailles napoléoniennes, 1ère et 2nde Guerre Mondiale, ...), j'ai trouvé des (auto)biographies de grands généraux (Guerre des Gaules de César, ...), mais aucune analyse sur les batailles antiques ou médiévales.
Le mieux que j'ai trouvé aujourd'hui, c'est le livre "Stratèges" de R.G. Grant, qui évoque l'évolution des grands généraux de l'histoire et pour les batailles les plus fameuses, revient sur les grandes étapes ou les grands mouvements de troupe.

Si quelqu'un a trouvé le livre miracle, ce serait vraiment une aide précieuse.
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Avatar par Joacoful

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Alamankarazieff
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Alamankarazieff »

Les pages Wikipedia des grandes batailles sont en général un rassemblement de vrais passionnés et fourmillent de détails, en particulier les pages anglaises. S'en lire une dizaine aide déjà se faire une idée.
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nothoi
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par nothoi »

Sinon, pour approfondir un peu, vous pouvez lire les travaux de l'universitaire américain Victor David Hansen. Je ne suis pas spécialiste du sujet, mais j'ai lu un de ses ouvrages et je l'ai trouvé plutôt bien vulgarisé (par contre, c'est en Anglais).
The Western Way of War.
En gros, il s'inspire des stratégies antiques pour expliquer que l'art de la guerre occidental (perso, je trouve que ça fait très guerre des civilisations à la Huntington, donc je ne suis pas trop fan de ces thèses là, mais bon...) vient de la Grèce Antique. Puis, à travers une dizaine de batailles bien détaillés, stratégiquement autant que tactiquement, il explique les caractéristiques de la guerre dite occidentale. L'intérêt du livre, ce n'est pas vraiment sa thèse, mais c'est plutôt le fait qu'il reprend des batailles célèbres pour chaque époque et qu'il les décrit avec précision. En l'occurrence, il reprend la bataille de Poitiers par exemple et, pour la période qui vous intéresse un peu plus, une bataille navale entre, je crois, Venise et la Perse. Je vous l'accorde, d'un point de vue idéologique, c'est plutôt limite, mais il connaît bien son sujet et décrit bien les batailles sur 2500 ans d'histoire militaire, donc ça peut donner un petit apperçu intéressant et aider au réalisme de vos romans.
Je suppose qu'il existe aussi des références francophones, mais je ne les connais pas vraiment.

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LaPlume
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par LaPlume »

Les messages précédents sont vraiment intéressants :-) il y a de sacrés connaisseurs chez les grenouilles dites donc ! :wow:

Quelques précisions : dans la période du "bas" moyen-âge, les guerres via les conflits royaux se résolvaient par une sorte de "levée de troupes" via l'ost des seigneurs féodalisés au roi ; ces troupes n'étaient toutefois disponible que pour un temps ,limité (20 ou 40 jours ? je ne sais plus), ce qui empêchait les grandes batailles sur plusieurs mois).
Quant à la chaîne de commandement, j'ai cru lire qu'il était très difficile d'imposer une unité.

Mais l'avantage quand on est écrivain c'est qu'on peut s'arranger parfois un peu avec la réalité :mrgreen: Rien n'empêche de décrire en fantasy de longues et belles stratégiques; nonobstant la réalité historique que l'on connait.

Personnellement je conseille la lecture de certains auteurs qui ont su écrire des scènes de bataille et de guerre de manière formidable et avec un aspect tactique très bien marqué. Donc, en priorité :
- Le formidable "Tigane" de Guy Gavriel Kay, qui possède un combat en triple armées absolument dantesque et remarquable dans son déroulement
- "Les monarchies divines" de Paul Kearney, surtout pour le personnage du "roi-soldat" qui concentre l'intégralité des scènes de bataille, de préparation tactique des troupes et des plans stratégiques : tout y est est, écrit avec un grand dynamisme et une très très grande cohérence ; c'est très crédible et fort inspirant !
- Dans un autre genre, mais fort bon aussi, les titres de Joe Abercombie notamment "Les Héros" ainsi que "Le dernier argument des rois" (dernier tome d'une excellente trilogie)

Entre ça et Sun Tsun, ainsi que l'excellent Machiavel, tu as amplement de quoi faire et tu auras beaucoup de matière à écrire. Bon courage ! :pompom:
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Tout est en pause car bien occupé à la maison avec mini-têtard!

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Faisselle
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Faisselle »

:sg: Bonjour/bonsoir ! *une palme timide arrive dans le topic, accompagné d'une pelle et d'un bouquin :lect: *

PAVÉ EN VUE ! :pirate2:

J'ai trouvé ce topic en cherchant un peu sur cette thématique dans les Masques et Tubas, mais aussi parce que, ben, de façon générale ces discussions m'intéressent ^^ et comme il n'y a "pas beaucoup" de réponses, et que le topic n'a jamais que quatre mois d'inactivité - oui bon en vrai je débarque pour pouvoir ramener un peu ma science :assome: :tchac: : mais le fait est que j'ai quelques trucs à suggérer, quelques données historiques à proposer, et quelques "réflexions" qui peuvent peut-être aider ?

Sur la question de la stratégie en tant que telle et à son application dans un roman, j'ai trouvé ce petit billet d'Estelle Faye :
Une fois n'est pas coutume, un post long (et polémique, je préviens).

Tout est parti d'une réflexion innocente (bon, ok, un peu paternaliste^^) d'un gars avec qui je causais de mon dernier univers. En gros, c'est un monde médiéval-Renaissance, où les armes à feu sont connues mais encore peu utilisées, notamment à cause des superstitions locales. Ces superstitions, le gars y voyait d'emblée une invention de ma part, une facilité de scénario, un artifice d'auteur. Alors que simplement, ce point de mon monde, comme beaucoup d'autres, s'inspire de notre Histoire : oui, les croyances liées à la poudre, vue comme l'arme du Diable, ont existé et retardé l'expansion de l'artillerie en Occident (voir par ex. "D'Azincourt à Marignan, chevaliers et bombardes", éditions Gallimard/Musée de l'Armée, un très chouette bouquin au passage).

Au-delà de l'anecdote, cette remarque a cristallisé une réflexion déjà bien entamée sous mon crâne, sur nos attentes en fantasy épique. Dès qu'il y a, en vrac, des combats, de la géopolitique et des grandes batailles. Ces dernières années, j'ai vu passer des romans de fantasy épique certes bien écrits, assez sanglants, mais dans le fond incroyablement sages, rationnels. Où les choix que font les personnages sont réfléchis, fondés, s'enchaînent sur le plan stratégique en une machinerie parfaite. C'est bien fait, souvent, limite fascinant. Mais ça n'a rien de réel.
A côté de ça, j'ai avalé mon poids en documentation sur les chutes des Empires, et les grandes batailles de l'Histoire. S'il y a une chose que j’en ai retenue, c'est que la grande Histoire, notamment militaire, est jalonnée de décisions irrationnelles, impulsives, absurdes, et parfois si stupides qu'on se demande comment une chaîne de commandement a pu valider ça ( voir Azincourt, Hattin, Bannockburn, la ligne Maginot et tant d'autres...)

Bref, en histoire militaire comme ailleurs, l'être humain est faillible, influençable, mené autant, si ce n'est plus, par ses préjugés que par sa raison. Et pourtant, pour certains connaisseurs de fantasy épique, il serait plus crédible, plus mature, de ne décrire que des stratèges glacés, des logiques imparables. Je n'ai rien contre cette fantasy-là (j'ai du mal à avoir une dent contre un genre littéraire, sauf peut-être l'autofiction). Mais dire qu'elle est la seule valide, la seule vraiment adulte, comme je l'entends ici et là, pour être honnête, ça me gave. Et aujourd'hui, j'assume, c'est l'autre fantasy épique qui m'intéresse avant tout. Celle où il y a des failles.
( PS : et vous pouvez y aller sur les jeux de mots pourris avec mon nom de famille^^).
Et je ne crois pas que ça ait encore été abordé plus haut : la question sociale de la stratégie. Je rebondis un peu sur ce qui a été dit là :
Harrylechienfou a écrit :
mer. avr. 05, 2017 8:17 am
Oui je vois, dans ces cas-là je dirai que la période qui m'intéresserait le plus serait la période post-antiquité, qui fait, comme tu le dis, la "part belle" au stratège. [...]

Je sais aussi l'importance de définir pour mon monde la manière dont on forme une armée : armée permanente ou armée féodale formée par le ban. Le problème c'est que chacun des "système" possède des avantages et des inconvénients (en terme de narration j'entends), et je suis assez hésitant, d'autant que ça dépend du système politique en place, de la manière dont est organisé le pouvoir et de manière générale de la façon dont sont administrées les différentes régions du royaume (je sais pas si je me fais comprendre).

J'ai une autre question : est-ce que le fait que les batailles soient devenues moins stratégiques avec le temps dépend de la logique ou est-ce simplement la manière dont cela s'est passé ? En gros, est-ce que faire un monde ressemblant au haut moyen-âge mais ayant des batailles très stratégiques plutôt à la manière de l'antiquité est une erreur de logique ou est-ce que c'est envisageable dans un monde fantasy (donc par définition différent du nôtre, avec une Histoire différente) sans que cela ne soit irréaliste ou illogique ? J'ai bien compris que cela dépend des corps d'armées eux-mêmes, mais on peut peut-être imaginer que la tradition antique a subsisté plus longtemps, non ?
En fait, je pense qu'il y a confusion : la période haute-médiévale n'est pas une période "moins" stratégique car le concept de stratégie a évolué, changé, et recouvre d'autres réalités par rapport à l'époque antique - et encore, vu que les canons militaires antiques ont perduré à peu près sans interruption en Europe occidentale et orientale... Le terme même a pu disparaître, ou du moins ne plus être utilisé (d'ailleurs les Romains eux-mêmes employaient-ils les termes de "stratégie" et de "tactique" ? Je demande car je l'ignore :perplexe: ), mais ça ne signifie pas qu'il n'y avait pas des corpus, ou du moins des réflexions, sur l'usage d'une force armée. Plus largement, une bonne partie de la stratégie militaire n'est pas nécessairement couchée sur papier - on a sûrement perdu cependant une énorme quantité de sources - ou pas dans des ouvrages spécifiquement voués à cela : même l'Art de la Guerre (que plusieurs personnes ont déjà cité :hihihi: ) me paraît davantage correspondre à un traité semi-philosophique, semi-politique sur des considérations de conquête et de contrôle, très largement inscrit dans un contexte spécifique, qu'à une sorte de super-traité de stratégie militaire.
Outre une interrogation plus large sur "une histoire de fantasy s'inspirant d'une période doit-elle respecter le fonctionnement réel ou supposé de la période en question ?", les batailles dont nous avons connaissance se déroulant dans l'Antiquité tardive ou au haut Moyen-Âge (plus difficiles à connaître car moins bien sourcées) ne sont pas juste des mêlées aléatoires... ou plutôt, elles le sont tout autant que les batailles d'autres époques, mais elles étaient elles aussi dominées par une pensée stratégique. L'image qu'on a de l'Antiquité comme d'une période où la stratégie domine, c'est en partie à cause des sources dont on dispose et de la manière dont on les a utilisées pour proposer une histoire de l'Antiquité : l'idée par exemple que si les Grecs ont pu vaincre les Perses, c'est grâce à une supériorité tactique, et que de même les Romains auraient conquis le bassin méditerranéen (sur une période excessivement longue, tout de même) grâce à leur invulnérabilité militaire et stratégique... Et comme l'Antiquité a longtemps été construite, en tant que période historique, en opposition avec une période médiévale arriérée et dépourvue de culture ou de réflexion, il en reste donc cette image. De même, la survie de figures historiques antiques qui étaient des conquérants (Alexandre le Grand et César pour ne pas les nommer) a contribué à renforcer cette image de l'Antiquité gréco-romaine comme une période phare de la stratégie... Sauf que bon, ces deux gars-là sont des phénomènes ultra-spécifiques, et que comme le dit Estelle Faye ils ont tendance à totalement occulter le reste de l'histoire militaire de la période, qui a pu être considérablement moins glorieuse.
Et effectivement, l'organisation politique joue à plein sur l'organisation militaire... et ça peut être un élément d'intrigue déterminant à mon avis. Parce que bon, l'une des raisons du faible nombre de combattants dans beaucoup de batailles médiévales, c'est aussi parce qu'un paquet de nobles convoqués par leur suzerain ne se pointait jamais :lol:

Un petit interlude musical tiré tout droit de ces temps médiévaux.

Par contre, je me demande s'il n'y a pas parfois, y compris dans ce topic, une vision un peu trop téléologique ou mécanique de la stratégie - en gros, une série de révolutions techniques/technologiques qui auraient systématiquement entraîné une série de changements de paradigmes stratégiques/tactiques : comme à peu près tous les aspects de l'histoire, c'est plus compliqué que ça en général, et ça n'a pas toujours vraiment de logique... Pour reprendre l'exemple romain, souvent donné, ils se sont pris des branlées à répétition contre les Parthes, un peuple qui dominait les régions de l'Irak et Iran actuels, dont l'arme majeure était... la cavalerie lourde, plusieurs siècles avant qu'une bande de nomades de la steppe - ils ont fait une apparition dans Mulan, je pense que vous connaissez :hihihi: - ne lance la mode de l'étrier ; mais les Romains ont mis un bon moment avant de se mettre à la cavalerie lourde et à en faire le fer de lance de leurs armées, notamment je pense parce que dans l'absolu, ils n'avaient pas besoin de telles unités contre d'autres adversaires...
De même, il faut relativiser la révolution de l'arme à feu, en la replaçant dans son contexte : du 14ème siècle au 16ème siècle, bombardes et catapultes ont cohabité sur les champs de bataille, et pas seulement parce que le canon n'était pas techniquement au point... Et la progression ininterrompue de l'arme à feu portative n'a pas fait disparaître la cavalerie lourde ou l'armure du jour au lendemain : encore au 17ème siècle, où le mécanisme du fusil devient majoritairement à percussion et non plus à mèche, l'infanterie de ligne se promène encore avec casques et plastrons, la cavalerie comporte encore des unités bien protégées, et l'effondrement (relatif) de l'importance des cavaliers vient davantage du modèle tactique du tercio espagnol (vous prenez 3000 gus avec des piques de 5 mètres, vous les mettez en carré, vous mettez 1000 gus avec des fusils autour, vous posez ça sur un champ et vous combattez) que de l'évolution des armes à feu. De façon générale, les évolutions techniques sont très progressives, ne s'appliquent pas partout de la même façon, ne sont pas utilisées par tout le monde de la même façon...
LaPlume a écrit :
ven. avr. 14, 2017 11:09 am
Quelques précisions : dans la période du "bas" moyen-âge, les guerres via les conflits royaux se résolvaient par une sorte de "levée de troupes" via l'ost des seigneurs féodalisés au roi ; ces troupes n'étaient toutefois disponible que pour un temps ,limité (20 ou 40 jours ? je ne sais plus), ce qui empêchait les grandes batailles sur plusieurs mois).
Quant à la chaîne de commandement, j'ai cru lire qu'il était très difficile d'imposer une unité.

Mais l'avantage quand on est écrivain c'est qu'on peut s'arranger parfois un peu avec la réalité :mrgreen: Rien n'empêche de décrire en fantasy de longues et belles stratégiques; nonobstant la réalité historique que l'on connait.
Philippe Contamine a pas mal travaillé sur l'armée française durant la Guerre de Cent Ans : en effet, l'armée royale française se compose pour grande partie de la levée des nobles, pour un service d'une quarantaine de jours par an ; ce système de levée perdure encore jusqu'à la fin du 16ème siècle (et peut-être après) et s'avère malencontreusement si peu fiable - parce que oui même à l'époque médiévale les nobles refusent souvent de servir au combat et se tirent, se trouvent des excuses ou quittent l'ost à la première occasion :hihihi: - que le recours aux mercenaires est massif. En face d'eux, l'armée anglaise présente déjà des débuts de professionnalisation, notamment chez les piétons : l'archerie est composée de soldats sous contrat payés et entraînés, la cavalerie se compose encore de nobles. Cette longue période de la Guerre de Cent Ans voit d'ailleurs la progression, dans deux systèmes monarchiques relativement centralisés (pour la période médiévale), de l'armée de métier : Contamine étudie notamment la formation des unités bourguignonnes pendant la guerre civile française, où les soldats sont équipés aux frais du duché, et bien équipés - un cheval par homme plus un mulet pour transporter l'équipement, casque, armure, arbalète, arc, épée et hache pour le simple piéton... Et plus largement la progression importante de l'usage des milices locales et des mercenaires, souvent bien équipés, qui constituent une nouvelle armée d'infanterie par rapport aux fantassins antérieurs.


Pour des descriptions de batailles avec un aspect tactique, je possède un ouvrage, Les 100 plus grandes batailles de l'Histoire de l'Antiquité à nos jours par Paolo Cau : même s'il est très beaucoup beaucoup trop concentré sur l'histoire occidentale (aucune bataille sur le continent africain qui n'implique pas les Européens, quasiment aucune sur le continent asiatique, aucune sur le continent américain qui n'implique pas les Européens, aucune sur le continent océanien tout court), il présente un bon nombre d'affrontements avec un certain équilibre entre Antiquité, ère médiévale et époque moderne, avec les considérations tactiques, les chiffres et quelques données sur l'équipement. Je peux en proposer des recopiages si ça intéresse quelqu'un :lect: il n'y a cependant pas grand chose sur le Haut Moyen-Âge ^^' Il y a donc Philippe Contamine, pour l'histoire de l'armée médiévale française au Bas Moyen-Âge ; Renaud Beffeyte a écrit l'ouvrage L'art de la guerre au Moyen-Âge (qui malgré son titre s'intéresse beaucoup plus aux équipements et aux outils de siège qu'à la tactique proprement dite mais ça aide sur pas mal de choses notamment la guerre de siège, et il y a plein de photos), Pascal Brioist dans son Croiser le fer. Violence et culture de l'épée dans la France moderne (XVIe-XVIIIe siècle) fournit pas mal d'informations sur les militaires de la toute fin de période médiévale (le 16ème siècle CAR OUI C'EST ENCORE LE MOYEN-ÂGE) et sur leur équipement, l'usage de leurs armes, les blessures qu'elles occasionnent et la médecine militaire horriblement balbutiante de la période... où vous apprendrez notamment que même des marchands en voyage se trimballent avec des épées à deux mains, comme les étudiants en théologie des universités européennes Un très bon résumé de la bataille de Nicopolis en 1396 se trouve dans l'ouvrage Jean Sans Peur, le prince meurtrier de Bertrand Schnerb (la "dernière croisade" européenne où une coalition de croisés affronte le sultan turc Bayezid Ier spoiler : les Turcs les ont DÉFONCÉS), avec quelques considérations tactiques. Il y a également l'ouvrage Chevaleresses, une chevalerie au féminin, de Sophie Cassagnes-Bousquet, qui se penche sur les femmes combattantes et leur imaginaire sur cette période médiévale. Enfin, si ça en intéresse, dans Gouverner en Islam (Xème-XVème siècles) dirigé par Cyrille Aillet, Emmanuelle Tixier et Éric Vallet, il y a un gros chapitre sur l'organisation, le recrutement, l'équipement et l'art de la guerre des armées musulmanes d'Orient et d'Occident. C'est pour les ouvrages que j'ai lus, et j'en possède certains.
Le célèbre Dimanche de Bouvines de Georges Duby est un classique pas lu :x qui s'intéresse à cette bataille dans le contexte géopolitique et culturel de son époque, le début du 13ème siècle, mais il ne traite pas strictement de stratégie - en revanche il se penche sur la composition sociale et sur l'idéal guerrier des corps d'armée. J'ai aussi trouvé une étude intitulée Art et organisation militaires dans la principauté de Liège et dans le comté de Looz au Moyen-Âge par Claude Gaier, qui va du 10ème au 15ème siècle (un résumé de son propos à cette adresse mail, libre d'accès)... Un ouvrage collectif en langue anglaise, The Circle of War in the Middle Ages : Essays on Medieval Military and Naval History, édité par Donald J. Kagay et L.J. Andrew Villalon, semble aussi se pencher sur de multiples aspects de ces questions... Et il faudra que je retrouve un bouquin que j'avais un peu lu, en anglais, qui parlait des conséquences psychiatriques des guerres médiévales sur leurs protagonistes. Mais je n'ai jamais touché aux autres ouvrages, donc ce sont plutôt des pistes ^^'
Et en littérature non scientifique, une petite référence personnelle : Gagner la Guerre, de Jean-Philippe Jaworski, s'ouvre sur une très bonne description de bataille navale, très vivante et stressante. Le point de vue adopté est celui d'un personnage qui n'a aucune connaissance de la guerre navale, en plus, donc ça aide à avoir une vision atypique d'un tel événement ; et j'ai tendance à préférer ce genre de point de vue pour une bataille, notamment parce que ça aide beaucoup je trouve à rompre une image désincarnée, mathématique ou mécanique d'une guerre, d'un combat ou juste d'une escarmouche.
Enfin, à titre personnel, j'aurai tendance à dire qu'une définition de la stratégie dans un monde imaginaire... se doit surtout d'être cohérente avec elle-même et le monde dans lequel elle existe. Qu'elle soit historiquement crédible ou pas est plutôt secondaire, face à ça :lect:
Modifié en dernier par Faisselle le ven. sept. 29, 2017 8:55 pm, modifié 1 fois.

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Lady Célia
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Lady Célia »

Faisselle, considère que je m'incline devant toi, parce que tu as l'air d'en connaître un gros rayon. Bon, j'aurais jamais le temps de lire tous les bouquins que tu cites, mais je te recrutes en tant que conseiller historique \o/ Par contre, c'est bénévole. Voilà.

Après, rapidement, parce que j'ai pas lu autant de bouquins, mais que j'ai suivi trois ou quatre cours sur la question quand j'étais à la fac (alors que c'était même pas mon cursus, mais le prof était tellement bien que j'en ai repris les semestres suivants :p ) du coup je suis assez calé sur ces questions et j'ai des classeurs entiers sur ces périodes :)

(ATTENTION PAVE AUSSI)

Et du coup, je voulais un peu répondre à la question initiale, parce que je trouve que toutes les réponses parlent plutôt d'organigramme militaire, de certaines batailles, de telle ou telle invention etc. Et pas de tactique à proprement parler.

Parce que oui, petite précision, je pense que la question de Harry portait à la base sur la tactique militaire et pas sur la stratégie.
La stratégie en gros, c'est d'assiéger la forteresse plutôt que de l'attaquer de front. La tactique, c'est quand tu attaques avec un bélier plutôt que des échelles... Je sais pas si vous voyez la différence :/ Bref !

Donc, parlons tactique Moyen-Âge et chevalerie. Parce que globalement, je crois que c'est ça ce qui intéresse - et de toute manière, j'ai pas étudié les autres périodes.
Vous avez tous plus ou moins dit qu'au niveau médiéval, la tactique, la stratégie, disparaît au profit de la mêlée. Et c'est pas tout à fait faux en un sens, mais en fait, c'est surtout que la tactique, la stratégie, devient "roulons donc joyeusement sur l'adversaire". Et bordel, à l'époque, c'est méga efficace.
Je m'explique. En fait, si on regarde les armées qui, à une époque donnée, ont un peu roulé sur tout le monde pour une raison ou pour une autre, on se rend compte que leur stratégie reposait sur une tactique en particulier contre laquelle leurs adversaires n'arrivaient pas à s'adapter. Soit parce qu'ils étaient vaincus trop vite, soit parce qu'ils n'avaient pas les moyens de faire pareil, soit pour d'autres raisons stupides (genre dire : "ouais non, les arcs et les flèches, c'est pas loyal, on va pas les utiliser", crétins de français). Exemple, les oplites grecques (ça s'écrit comme ça ?). En gros, c'est les spartiate dans 300, des rangées de bouclier hyper unies qui peuvent avancer, tenir des charges etc. Que les romains développeront avec les fameuses tortues.
Et bien au temps des chevaliers (même si c'est évidemment un peu plus complexe et évolutif que ça), la tactique qui marche à tous les coups se définit, en gros, par : FONCER DANS LE TAS, YAAAAAAAH !

Oui, tout a fait ! Pour diverses raisons, autant militaires que sociétales, politiques ou techniques, la chevalerie se développe. Attention, je dis bien "chevalerie" et pas seulement "cavalerie lourde", parce que l'avantage des chevaliers, c'est que les gars n'ont vraiment que ça à faire de leur vie, tellement que même quand c'est pas la guerre ils organisent des tournois pour se poutrer gaiement les uns les autres. En fait c'est tellement chiant ces mecs-là que le pape finit par les envoyer en croisade (mais allez donc vous battre ailleurs, bande de branleurs). Ouais, ça part comme ça les croisades, les gars faisaient trop la guerre chez eux, faute d'avoir mieux à faire, on les a envoyé jouer ailleurs... J'aime schématiser.
Donc on a plus des armées de citoyens conscrits ou d'appelés, mais une force militaire de cavaliers lourds dont la seule occupation est la guerre et qui sont tellement forts qu'ils arrivent à faire des trucs que les autres arrivent pas à faire. Genre charger à cheval, en ligne serrée. Parce que ouais, dans la plupart des charges de cavalerie, les chevaux s'éloignent et se dispersent. Mais non, les chevaliers, eux, ils restent en rangs serrés et c'est monstrueusement plus efficace (ouais, dans le seigneur des anneaux, c'est de la gnognotte, c'est plus impressionnant dans Kingdom of Heaven, mais comme ils se battent contre d'autre cavaliers, ça le fait moins).
Et du coup, toute la puissance des chevaliers, c'est la charge de cavalerie. Ils le font mieux que les autres, et il y a pas grand chose qui y résiste. Du coup, oui, toute la stratégie, à cette époque, consiste, pour les chevaliers, à trouver le meilleur moyen de foncer dans le tas adverses avec la plus grande vélocité possible. Du coup, les "et que je te prends par le flanc", les "vas y que je t'encercle" ou les "ah ah, je t'ai eu, maintenant que tu es bloqué ici, je vais te canarder avec mes archers...", bah, on oublie. Maintenant, pour se battre, on trouve un grand champ bien dégagé, on s'assure que le terrain soit pas trop accidenté et on fonce. Parce que ça marche. C'est tout.
Et ça demande du talent de placer l'ennemi au bon endroit.

Pour vous dire à quel point c'est efficace, voici une petite anecdote rigolote. En Espagne, les deux tiers de la péninsule sont occupés par des principautés musulmanes. Au nord, il y a quatre (ou cinq je sais plus) royaumes chrétiens indépendants (Aragon, Galicie, Barcelone, Castille... tout ça quoi). A un moment, le roi d'Aragon veut se marier avec la fille du Comte de Barcelone. Sauf qu'il est en bisbille avec la Castille et du coup, c'est chaud de passer par là. Pas de panique qu'il se dit, on va y aller par le côté Sud, côté musulman donc. Il part tranquille avec une petite escorte de chevaliers (quelques dizaines).
La ville musulmane d'à côté apprend la nouvelle, un peu interloquée. Quel est donc ce barbare chrétien qui croit qu'il peut traverser nos terres aussi impunément ? Il vont voir leur prince musulman et lui disent : "Prince, tu ne peux pas le laisser passer sans rien dire ! Lève donc ton armée pour lui faire payer son impudence !". Le prince, pas con, répond : "Non. Allez vous faire foutre." Les citadins, pas du tout démontés par cet échec, décident de s'armer eux-mêmes et partent ainsi attaquer l'escorte du roi chrétien. Et c'est ainsi que plusieurs milliers de musulmans en colère sont allés tabasser du chevalier un beau matin de je ne sais plus quelle année.
Bon, bah, à plusieurs milliers contre une petite escorte de chevalier, les gars se sont fait rouler dessus. Et le roi est reparti se marier tranquille. Histoire vraie. Chouette, non ?

Du coup voilà, pendant cette période les chevaliers sont une unité d'élite hypra bourrine et super forte, que tout le monde recrute comme mercenaires (oui, oui, les chevaliers sont des mercenaires pour l'essentiel), y compris les musulmans. Et leur tactique de base, qui est la plus efficace de toutes sur le champ de bataille, c'est la charge. C'est sûr que sur le plan intellectuel, c'est un peu moins intéressant, mais sur le plan militaire, le résultat est là.
Et donc, toute la "stratégie", au moyen âge, va consister à trouver le meilleur moyen de charger l'ennemi. Ou, quand on a pas de chevaliers, ou pas assez, à trouver des moyens de s'en protéger.

Et voici une petite liste des tactiques qui vont marcher :

1- Se cacher dans son château. Développée très vite par les européen en général. Parce que ouais, c'est bien rigolo, mais un mur, ça se charge pas comme ça. Et du coup, je pourrais aussi vous parler des tactiques et stratégie pour prendre un château, mais bon... En tout cas, si une armée de chevaliers approche, c'est efficace.

2- Le Long Bow. Développée par ces messieurs les gallois contre les anglais... ça les a pas empêché de perdre cela-dit. Alors attention, les petits arcs et les petites flèches, non, c'est pas des Long Bow. Le Long Bow, c'est quasiment une baliste (jusqu'à 2m10 d'envergure, ils rigolaient pas les gars). ça tire des grosses flèches et tu peux pas super bien viser avec. L'intérêt, c'est que tu tires des volées en cloche sur d'adversaire. Du coup, tu tires loin, tu tires beaucoup et les trais sont suffisamment épais et lourds pour transpercer les armures, abattre les chevaux. Pour rappel, les chevaliers chargent en rang serrés, on est donc presque sûr d'en toucher tout un tas à chaque volée. Du coup, le temps que les gars arrivent jusqu'à toi, leurs rangs sont assez clairsemés pour que leur charge soit sans effet. Ou alors, un peu mieux, qu'ils aient un peu les boules et battent en retraite. (Bataille de Crécy).

3- Les pieux ! Merci aux écossais pour celle-là (voir Braveheart pour plus d'infos). Bon, bah, là c'est pas compliqué, on s'installe derrière des pieux espacés juste comme il faut, on insulte l'adversaire pour qu'il ait bien envie de charger et on le laisse venir. Le problème ? ça impose d'être statique. ça a marché pour les écossais, mais pas tellement ailleurs. A ma connaissance en tout cas.

4- Retraite stratégique ! Ce sont principalement les musulmans qui vont employer cette technique. Un peu tactique et un peu plus subtil ce coup-ci. En gros, tu laisses les chevaliers charger, puis au dernier moment tu dis "fuyez, pauvres fous !". Ton armée se disperse aux quatre vent, les chevaliers (qui sont des gros bourrins) se dispersent dans la poursuite et là, hop !, tout le monde sur le front et tu les charges alors qu'ils sont plus en rangs serrés. Résultat : tu les prends pile dans leur moment de faiblesse. Bon, par contre, faut avoir de la cavalerie légère sous la main pour pouvoir fuir et se regrouper plus vite que les chevaliers.

5- Les rangées de piques. Bon, là dessus, je préfères pas dire. Parce que d'après ce que j'ai compris, ça ne marchait pas tant que ça. De un, le premier problème, face à une charge de cavalerie, c'est que les hommes paniquent lorsque les chevaux viennent vers eux. Et c'est en partie pour ça que les charges de chevaliers étaient si efficaces. Donc pour que ça marche, il faut des soldats aguerris qui ont l'habitude de se faire charger par des chevaliers... Mais sinon oui, la tactique fonctionne... Mais pas parce que les chevaux meurent, simplement parce que les animaux refusent de se jeter sur un tel obstacle qui est trop évidemment dangereux, ça joue sur leur instinct naturel et leur psychologie, par sur l'efficacité d'une rangée de pique. Pour être honnête, un homme ne peut pas espérer tenir le choc si sa pique se plante dans le cheval. La vélocité de l'animal est telle que la ligne serait brisée même si les chevaux mourraient... Mais la raison pour laquelle je ne pense pas que cette tactique ait eu un réel impact est plus historique qu'autre chose.
A partir du moment où l'on commence à parler de régiment de piquiers... les chevaliers ne sont déjà plus ou moins que l'ombre d'eux-mêmes. Mais je me trompe peut-être alors n'en parlons pas plus.

Parce qu'il y a un truc qu'il faut bien comprendre : les chevaliers, ça a pas duré si longtemps que ça. Déjà, à la bataille de Nicopolis (1396), on ne peut plus vraiment en parler, et ils n'apparaissent vraiment qu'à la fin du Xème siècle (si mes souvenirs sont bons). L'Eglise et les monarchies de plus en plus centralisées ont plus ou moins tout fait pour maîtriser leur violence et les pacifier. Les premiers souhaitant protéger les populations chrétienne et leurs églises (qui étaient alors régulièrement pillées) et les seconds avaient tout intérêt à entretenir des armées régulières et dociles plutôt que de reposer sur des bandes de mercenaires ultra-violents. Et finalement, diverses technologies employées contre eux s'avérant de plus en plus efficace... Il a bien fallu se faire une raison.
Du coup, les régiments de piquiers apparaissent vraiment que vers la fin de cette période, au moment où les chevaliers commençaient déjà à être un peu plus fiers que fort, d'où mon léger scepticisme à leur égard...

Cela dit, pas de panique, parce que les chevaliers, ça reste efficace pendant un moment. A la fin de la guerre de cent ans, Charles VII les utilisera effectivement pour bouter les anglais hors du pays (enfin !). En fait, à force de se prendre des flèches dans la gueule à chaque charge face aux "Long Bow", les français en eut un peu marre (ouais cent ans à tomber dans le même piège, c'est long). Ils ont alors trouvé un truc qui tirait plus fort et plus loin : le canon. Joie.
Mais bon, l'idée n'était pas de tirer sur l'adversaire jusqu'à ce qu'il soit vaincu, faut pas déconner, on est des guerriers honorables ! Non, on tire sur ces lâches d'anglais sur la colline, jusqu'à ce qu'ils soient obligés de changer de position et de se mettre à un endroit plus favorable, et là on leur roule dessus en tout bien tout honneur. On est des gens civilisés, quand même.
Du coup oui, malgré l'apparition de nouvelles armes, de tactiques pour les contrer, les chevaliers vont rester en vogue un moment. Et même à Nicopolis, pour être honnête, ils ont fait du dégât, juste que la stratégie ennemie était plus forte.

Voilà, en gros, le résumé des mes cours d'histoire sur la question et de pourquoi rouler sur l'adversaire c'est rigolo et pas du tout plus con que de faire des stratégies alambiquées.

Après, pour les questions de nombre. Je crois que quand Philippe Auguste rassemble son armée contre Jean Sans Terre, il a amassé quelque chose comme 20 000 chevaliers et c'est la plus grande armée de l'époque. Il y a aussi 1 000 chevaliers à la prise de Jerusalem et c'est très très gros comme armée... Pendant ce temps là, en Chine, on t'explique qu'à 300 000, ça risque d'être un peu short. (Tout est relatif...)
N'oubliez pas, cependant, que les chevaliers, ont généralement gagné leurs batailles en étant inférieurs en nombre (c'est beaucoup le cas contre les musulmans notamment, malgré les petits exploits de Saladin :p ).
Mais surtout, surtout, que dans l'immense majorité des cas... les gens se réfugiaient dans leurs châteaux, tout simplement. Du coup, l'essentiel des batailles, c'étaient surtout des sièges ou des escarmouches. Les rencontres armée contre armée, ça arrivait pas souvent.

En tout cas, c'est ce que j'ai retenu des mes cours ;) J'espère que ça vous sera utile :) Il y aurait beaucoup à dire sur les châteaux et les sièges, mais bon...
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