La stratégie martiale au moyen-âge

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Faisselle
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Faisselle »

Lady Célia a écrit :
lun. août 07, 2017 11:53 pm
Faisselle, considère que je m'incline devant toi, parce que tu as l'air d'en connaître un gros rayon. Bon, j'aurais jamais le temps de lire tous les bouquins que tu cites, mais je te recrutes en tant que conseiller historique \o/ Par contre, c'est bénévole. Voilà.
Désolé, mais la grille de paiements sera transmise quand même dans de brefs délais. En florins, en maradévis, en drachmes, en thalers ou en couteaux.
Lady Célia a écrit :
lun. août 07, 2017 11:53 pm
Vous avez tous plus ou moins dit qu'au niveau médiéval, la tactique, la stratégie, disparaît au profit de la mêlée. Et c'est pas tout à fait faux en un sens, mais en fait, c'est surtout que la tactique, la stratégie, devient "roulons donc joyeusement sur l'adversaire". Et bordel, à l'époque, c'est méga efficace.
Je m'explique. En fait, si on regarde les armées qui, à une époque donnée, ont un peu roulé sur tout le monde pour une raison ou pour une autre, on se rend compte que leur stratégie reposait sur une tactique en particulier contre laquelle leurs adversaires n'arrivaient pas à s'adapter. Soit parce qu'ils étaient vaincus trop vite, soit parce qu'ils n'avaient pas les moyens de faire pareil, soit pour d'autres raisons stupides (genre dire : "ouais non, les arcs et les flèches, c'est pas loyal, on va pas les utiliser", crétins de français). Exemple, les oplites grecques (ça s'écrit comme ça ?). En gros, c'est les spartiate dans 300, des rangées de bouclier hyper unies qui peuvent avancer, tenir des charges etc. Que les romains développeront avec les fameuses tortues.
Et bien au temps des chevaliers (même si c'est évidemment un peu plus complexe et évolutif que ça), la tactique qui marche à tous les coups se définit, en gros, par : FONCER DANS LE TAS, YAAAAAAAH !
C'est... pas vraiment ce qu'on a dit en fait :hihihi: et ça continue de ressembler un peu à une analyse mécanique de la stratégie, en fait... qui rappelle d'ailleurs un peu les jeux de stratégie dont parlait Alamankarazieff ici :
Alamankarazieff a écrit :
mar. avr. 04, 2017 2:46 pm
Si tu as fait des jeux de stratégie, tu sais qu'en général il est très rare qu'une bataille se conclue quand le dernier fantassin tombe
Où la logique de pierre-papier-ciseau l'emporte à chaque fois pour des raisons de gameplay, en fait, ne serait-ce que pour que ce soit jouable : mais comme l'Histoire a tendance à échapper aux schémas ou aux théories les mieux construites, ça n'est pas toujours le cas... Et c'est ainsi que la phalange hoplitique (on dit hoplite, en fait :D ) est la méthode la plus efficace à son époque parce que les armées d'envahisseurs privilégient d'autres approches militaires qui tendent à ne pas fonctionner - et aussi parce que rapidement, les envahisseurs renoncent à leurs projets car ils sont trop coûteux pour des résultats mitigés. Cependant, cette phalange hoplitique n'est pas une formation figée de toute éternité : la bataille de Leuctres, en 371 avant Jésus-Christ, voit deux armées hoplitiques, celle de la ligue de Thèbes et celle de la ligue de Sparte, s'affronter, et la première armée l'emporte car ses unités sont organisées en pavés géants - la phalange thébaine compte 50 rangs de soldats, contre 12 pour sa version spartiate... Cette tradition hoplitique connaît une nouvelle variation par l'usage de la sarisse, cette lance de cinq mètres de long, par les Macédoniens : cette technique de combat a cependant aussi des limites, vu qu'elle n'empêchera pas l'invasion de la péninsule grecque par les populations celtiques du 3ème siècle avant Jésus-Christ... Puis, effectivement, la destruction par les armées romaines à la bataille de Pydna : la phalange hoplitique est vaincue par l'usage d'unités plus mobiles, les manipules - et aussi par la présence dans l'armée romaine de contingents d'éléphants. Et je ne crois pas qu'il y ait de parenté entre la phalange grecque et la tortue romaine :perplexe: ne serait-ce que parce que la tortue n'est pas la formation de base de l'armée romaine... c'est la manipule ; la tortue est une mise en formation assez circonstanciée, qui manque de mobilité me semble-t-il.
En outre, ne négligeons pas le fait que ces armées, outre qu'elles ne sont aucunement invincibles, ne se composent pas uniquement de ces unités de base devenues iconiques : une autre des raisons de l'essor fulgurant de l'armée macédonienne, c'est l'usage de l'arme montée, permise notamment par la conquête de territoires abondants en chevaux, ce dont les cités de la péninsule grecque ne disposaient pas... et également l'usage de soldats armés d'épées plutôt que de lances, pour garder les coins des phalanges contre des attaques ciblées. La phalange se conjugue aussi avec des bataillons de frondeurs et d'archers, dont le rôle est de casser les charges, de provoquer le marasme dans les lignes d'en face, et avec des mercenaires par milliers - l'armée victorieuse d'Alexandre le Grand ne cesse de combler ses pertes par des recrutements incessants de mercenaires, ce qui donne à discuter l'aspect souvent très "unifié" des représentations qu'on a de cette époque.
Je dois bien avouer, aussi, que je suis pas bien fan de l'analyse "pour des raisons stupides on se fait pougner" : s'il y a des erreurs évidentes de tactiques ou de stratégies à toutes époques, il faut bien dire que celles-ci s'inscrivent dans un contexte plus large - ce que d'ailleurs Estelle Faye aborde bien. Pour l'exemple donné (Crécy ou Azincourt je pense), il faut prendre en compte :
  • Le simple fait de base, que d'ailleurs tu soulignes, qui est qu'effectivement les armées françaises disposent d'unités de tireurs, plus précisément des arbalétriers italiens, dont l'efficacité est proverbiale ;
  • Le fait que les armées françaises sont systématiquement supérieures en nombre, ce qui suffit à donner la confiance nécessaire pour estimer pouvoir emporter la décision. Les Français à Azincourt sont approximativement 25000, les Anglais environ 6000 (dont moins de 1000 cavaliers...) : facile de refaire le match après coup, mais sur le moment, on peut largement comprendre qu'ils aient décidé de s'économiser la paie des mercenaires en ne les engageant pas au combat.
  • La culture honorable de l'époque, notamment dans la famille royale française et ses alliés, qui n'est pas "stupide" en contexte et qui avait déjà plus que suffisamment fait ses preuves pour que personne ne doute de son efficacité.
Ce qui ne veut pas dire qu'à la fin ils n'ont pas perdu pour de bonnes raisons : simplement, mieux vaut essayer de se replacer en contexte pour comprendre ces raisons, et noter d'ailleurs que dans l'absolu les leçons en ont été tirées. Azincourt est un spectaculaire désastre, justement parce que cet échec remet en cause vingt à trente ans de victoires françaises successives qui avaient mis les Anglais au bord de la défaite...
Et aussi, 300 n'est pas un film historique, il n'a vraiment pas d'intérêt même sur le côté "étude de la tactique militaire grecque", à mon sens ; le film Alexandre, d'Oliver Stone, même s'il est extraordinairement nul par ailleurs (mon avis perso, pas tapey), donne à voir quelques plans et plusieurs images crédibles de la phalange macédonienne, même si après la bataille est filmée de façon trop foutraque pour qu'on comprenne bien ce qui se passe...
Lady Célia a écrit :
lun. août 07, 2017 11:53 pm
Du coup voilà, pendant cette période les chevaliers sont une unité d'élite hypra bourrine et super forte, que tout le monde recrute comme mercenaires (oui, oui, les chevaliers sont des mercenaires pour l'essentiel), y compris les musulmans. Et leur tactique de base, qui est la plus efficace de toutes sur le champ de bataille, c'est la charge. C'est sûr que sur le plan intellectuel, c'est un peu moins intéressant, mais sur le plan militaire, le résultat est là.
Et donc, toute la "stratégie", au moyen âge, va consister à trouver le meilleur moyen de charger l'ennemi. Ou, quand on a pas de chevaliers, ou pas assez, à trouver des moyens de s'en protéger.

Et voici une petite liste des tactiques qui vont marcher :

1- Se cacher dans son château. Développée très vite par les européen en général. Parce que ouais, c'est bien rigolo, mais un mur, ça se charge pas comme ça. Et du coup, je pourrais aussi vous parler des tactiques et stratégie pour prendre un château, mais bon... En tout cas, si une armée de chevaliers approche, c'est efficace.

[...]

3- Les pieux ! Merci aux écossais pour celle-là (voir Braveheart pour plus d'infos). Bon, bah, là c'est pas compliqué, on s'installe derrière des pieux espacés juste comme il faut, on insulte l'adversaire pour qu'il ait bien envie de charger et on le laisse venir. Le problème ? ça impose d'être statique. ça a marché pour les écossais, mais pas tellement ailleurs. A ma connaissance en tout cas.

[...]

5- Les rangées de piques. Bon, là dessus, je préfères pas dire. Parce que d'après ce que j'ai compris, ça ne marchait pas tant que ça. De un, le premier problème, face à une charge de cavalerie, c'est que les hommes paniquent lorsque les chevaux viennent vers eux. Et c'est en partie pour ça que les charges de chevaliers étaient si efficaces. Donc pour que ça marche, il faut des soldats aguerris qui ont l'habitude de se faire charger par des chevaliers... Mais sinon oui, la tactique fonctionne... Mais pas parce que les chevaux meurent, simplement parce que les animaux refusent de se jeter sur un tel obstacle qui est trop évidemment dangereux, ça joue sur leur instinct naturel et leur psychologie, par sur l'efficacité d'une rangée de pique. Pour être honnête, un homme ne peut pas espérer tenir le choc si sa pique se plante dans le cheval. La vélocité de l'animal est telle que la ligne serait brisée même si les chevaux mourraient... Mais la raison pour laquelle je ne pense pas que cette tactique ait eu un réel impact est plus historique qu'autre chose.
A partir du moment où l'on commence à parler de régiment de piquiers... les chevaliers ne sont déjà plus ou moins que l'ombre d'eux-mêmes. Mais je me trompe peut-être alors n'en parlons pas plus.
Sur la question des sièges, Renaud Beffeyte donne pas mal d'indications sur ça : dans l'ensemble, la meilleure façon de résoudre un siège, c'est de ne pas le mener... Et c'est ainsi que la majorité des batailles de sièges à la période médiévale (bas Moyen-Âge) consiste en des négociations entre assaillants et assiégés, qui débouchent sur une reddition honorable des assiégés pour éviter des dégâts trop importants, ou alors simplement quelques dizaines ou centaines d'hommes qui vont garder les portes de la cité quelque temps, jusqu'au retour à la première étape. Ainsi, Bertrand du Guesclin pendant la période où il est connétable conduit des dizaines de sièges, dont bien peu sont des batailles au sens propre. En outre, personne n'a trop de scrupules à recourir à des stratagèmes pas très chevaleresques pour résoudre les sièges au plus vite - infiltration de nuit ou déguisés, corruption de la garnison.
En fait, les pieux auxquels tu fais référence... bah ça a directement inspiré les piques que les mêmes écossais ont utilisées à Bannockburn, en 1314... Sur l'exemple de la bataille du pont de Stirling, en 1297 : le film Braveheart a été vivement critiqué pour son inexactitude à représenter cette bataille, d'ailleurs. Le pont est absent, les écossais n'étaient pas des Highlanders en tartans et tatouages de guède mais des Lowlanders ressemblant assez aux anglais dans leur équipement ; et la bataille a consisté en une espèce de mêlée sanglante sur le pont, où l'avantage de la cavalerie anglaise était inexistant, et où les écossais ont employé des lances pour leur casser le moral... La bataille s'est plus ou moins achevée quand le pont est tombé sous les sabots d'une nouvelle charge anglaise. En fait, on retient davantage la date de Bannockburn comme date de "naissance" du carré de piques, les écossais ayant employé ce qu'on appelle un schiltron - un pavé de fantassins avec des piques très longues - pour combattre la cavalerie anglaise avec un très grand succès. Et cet usage du pavé de lances a été très rapidement repris dans plusieurs régions d'Europe, notamment parmi les milices urbaines de la Flandre - qui avait déjà étrillé les armées françaises à Courtrai en 1302, cette fois-ci par l'usage d'un terrain boueux et... de contingents de piquiers.
Donc en fait, la tactique du pavé de piques, ça marche déjà au bas Moyen-Âge - et probablement avant mais je n'ai pas de sources là-dessus - et c'est l'ancêtre spirituel du tercio espagnol ; la formation en grands carrés hérissés de pointes sera ensuite très employée pendant l'époque moderne, et la reine du champ de bataille jusqu'au 17ème siècle, signant le déclin progressif de la cavalerie de choc - avant que l'usage du pistolet d'arçon ne redonne des couleurs à des tactiques plus agressives. Cela n'implique pas que la cavalerie disparaît, mais elle s'adapte... Face à une "révolution" progressive et qui concerne globalement toute l'Europe occidentale.

Un autre interlude musical tiré des temps médiévaux.
Lady Célia a écrit :
lun. août 07, 2017 11:53 pm
Parce qu'il y a un truc qu'il faut bien comprendre : les chevaliers, ça a pas duré si longtemps que ça. Déjà, à la bataille de Nicopolis (1396), on ne peut plus vraiment en parler, et ils n'apparaissent vraiment qu'à la fin du Xème siècle (si mes souvenirs sont bons). L'Eglise et les monarchies de plus en plus centralisées ont plus ou moins tout fait pour maîtriser leur violence et les pacifier. Les premiers souhaitant protéger les populations chrétienne et leurs églises (qui étaient alors régulièrement pillées) et les seconds avaient tout intérêt à entretenir des armées régulières et dociles plutôt que de reposer sur des bandes de mercenaires ultra-violents. Et finalement, diverses technologies employées contre eux s'avérant de plus en plus efficace... Il a bien fallu se faire une raison.
Du coup, les régiments de piquiers apparaissent vraiment que vers la fin de cette période, au moment où les chevaliers commençaient déjà à être un peu plus fiers que fort, d'où mon léger scepticisme à leur égard...

Cela dit, pas de panique, parce que les chevaliers, ça reste efficace pendant un moment. A la fin de la guerre de cent ans, Charles VII les utilisera effectivement pour bouter les anglais hors du pays (enfin !). En fait, à force de se prendre des flèches dans la gueule à chaque charge face aux "Long Bow", les français en eut un peu marre (ouais cent ans à tomber dans le même piège, c'est long). Ils ont alors trouvé un truc qui tirait plus fort et plus loin : le canon. Joie.
Mais bon, l'idée n'était pas de tirer sur l'adversaire jusqu'à ce qu'il soit vaincu, faut pas déconner, on est des guerriers honorables ! Non, on tire sur ces lâches d'anglais sur la colline, jusqu'à ce qu'ils soient obligés de changer de position et de se mettre à un endroit plus favorable, et là on leur roule dessus en tout bien tout honneur. On est des gens civilisés, quand même.
Du coup oui, malgré l'apparition de nouvelles armes, de tactiques pour les contrer, les chevaliers vont rester en vogue un moment. Et même à Nicopolis, pour être honnête, ils ont fait du dégât, juste que la stratégie ennemie était plus forte.
En fait, l'usage de l'arme montée comme unité d'élite remonte au 8ème-9ème siècles en Europe, plus précocement dans les régions orientales du bassin méditerranéen. La chevalerie comme ordre social se constitue entre les 11ème et 12ème siècles : Alphonse Dupront, dans son Le Mythe de croisade, met bien en avant le rôle décisif des croisades dans la formation de la chevalerie comme une catégorie à part, avec son imaginaire, ses codes, ses pratiques et ses héros... là où antérieurement (mais encore bien jusqu'au 17ème en France) le statut de chevalier ou de noble est très fluctuant, voire carrément arbitraire - quelqu'un qui peut se payer un cheval, une épée et se comporter en propriétaire terrien est un chevalier.
Pour ce qui est de l'importance des chevaliers, tu y vas un peu fort je trouve. Outre le fait que l'idéal chevaleresque connaît un énorme engouement dans la noblesse du 14ème au 16ème siècle - mais on peut rapprocher ça d'une espèce de nostalgie d'un univers disparu - c'est encore cette catégorie sociale qui fournit la cavalerie de choc à l'époque, avec une tendance nette à la désunion et au rejet de l'autorité centrale quand elle essaie de les encadrer... Je parle là encore du cas français, je ne connais pas la situation dans d'autres pays... Et à Nicopolis, en effet, la chevalerie mène le combat en première ligne, mais se fait étriller par... des pieux, derrière les pieux des janissaires, derrière les janissaires des archers, et autour de la cavalerie lourde. Semble-t-il parce que les cavaliers n'y voyaient pas grand-chose et n'ont pas remarqué le dispositif défensif turc. Ce seront encore des chevaliers - accompagnés de fantassins et de canons - qui se feront massacrer en 1526 à Mohács, par les troupes de Soliman le Magnifique. La "disparition" relative des chevaliers se fait davantage par des circonstances sociales - la progression de l'aristocratie "de robe", la professionnalisation des armées, la centralisation dans certains pays du pouvoir politique - que par l'invention d'armes suprêmes qui les rendraient obsolètes ; de même le recul de la tactique "chargez droit devant" est relatif, et s'explique par la combinaison d'armements nouveaux, de campagnes militaires d'un genre nouveau et de recrutements nouveaux.
Tu parles du canon comme d'une arme magique en l'occurrence - pour l'anecdote, le canon existe déjà en Europe depuis les années 1250 (en péninsule ibérique), et les Anglais l'utilisent en même temps que les Français dans les premières années de la Guerre de Cent Ans... Mais tu en décris, même avec ironie, un vrai usage tactique au final ! Déloger l'adversaire d'une position solide, et le vaincre une fois en rase campagne... Accessoirement, non les Français n'ont pas passé cent ans comme des idiots à se faire arroser de flèches à la moindre occasion - les Anglais ont autant utilisé que les Français la guerre de chevauchée, mais ces quelques batailles perdues retentissantes ont tendance à avoir beaucoup marqué l'historiographie. Le long bow n'est pas une arme ultime, juste un instrument de guerre très bien utilisé dans certaines circonstances, mais qui n'a pas sauvé les Gallois...
Lady Célia a écrit :
lun. août 07, 2017 11:53 pm
Après, pour les questions de nombre. Je crois que quand Philippe Auguste rassemble son armée contre Jean Sans Terre, il a amassé quelque chose comme 20 000 chevaliers et c'est la plus grande armée de l'époque. Il y a aussi 1 000 chevaliers à la prise de Jerusalem et c'est très très gros comme armée... Pendant ce temps là, en Chine, on t'explique qu'à 300 000, ça risque d'être un peu short. (Tout est relatif...)
N'oubliez pas, cependant, que les chevaliers, ont généralement gagné leurs batailles en étant inférieurs en nombre (c'est beaucoup le cas contre les musulmans notamment, malgré les petits exploits de Saladin :p ).
Mais surtout, surtout, que dans l'immense majorité des cas... les gens se réfugiaient dans leurs châteaux, tout simplement. Du coup, l'essentiel des batailles, c'étaient surtout des sièges ou des escarmouches. Les rencontres armée contre armée, ça arrivait pas souvent.
En même temps, la Chine à l'époque est un territoire gigantesque comprenant entre 50 et 100 millions d'habitants à la même époque... ça a tendance à modifier les chiffres :hihihi: et l'organisation militaire chinoise n'a absolument rien à voir avec l'organisation militaire européenne, ce qui explique ces différences aussi - idem d'ailleurs pour les empires musulmans, dont l'organisation militaire est passionnante à étudier.
Beaucoup de défaites musulmanes s'expliquent aussi par la désunion chronique des souverains locaux face aux Croisés... en outre, précisons que les Croisés employaient régulièrement des mercenaires locaux pour suppléer à leurs manques d'effectifs - quand ils ne s'alliaient pas purement et simplement aux potentats musulmans pour résoudre leurs querelles internes.

J'avais oublié de lancer un truc hier, aussi, sur la place que pourraient prendre les utilisateurs de magie (dans les cadres d'univers de fantasy qui en comptent) dans les schémas tactiques et/ou stratégiques de leur univers... Sachant que de nombreux arts de la guerre différents existent d'une région à une autre même de l'Europe médiévale, et que l'on peut aussi se permettre d'imaginer des manières multiples d'user de magie... cela pourrait ouvrir d'autres perspectives :lect:
En parallèle je vais continuer un peu de chercher de la bibliographie : je pense que dans le lot, le Que Sais-Je sur la guerre de Cent Ans (numéro 1309), qui a été écrit par Philippe Contamine (donc ça devrait aller niveau sérieux) pourrait donner des pistes tout en étant court, aisé à lire et pas trop cher...

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Message par Crazy »

A propos des piquiers :

On m'a dit, pendant une démo dans une fête médiévale, que l'un des gros avantages des piquiers, c'est que ça demande peu de formation. Il faut juste tenir sa lance fermement (elles peuvent faire plus de trois mètres) et ne pas avoir peur du cheval qui fonce en face (la démo ne faisait pas usage de chevaux :P). Mais du coup, c'était à la portée de levées de paysans.

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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Faisselle »

Crazy a écrit :
mar. août 08, 2017 10:21 am
A propos des piquiers :

On m'a dit, pendant une démo dans une fête médiévale, que l'un des gros avantages des piquiers, c'est que ça demande peu de formation. Il faut juste tenir sa lance fermement (elles peuvent faire plus de trois mètres) et ne pas avoir peur du cheval qui fonce en face (la démo ne faisait pas usage de chevaux :P). Mais du coup, c'était à la portée de levées de paysans.
C'était dans quelle ville, par curiosité ? Parce que bon je n'ai jamais pu aller dans une fête médiévale et ça fait partie de mes rêves de gosse le petit Faisselle est attendu à l'accueil par ses parents :wow:
Il me semble que ces unités de piquiers, en tout cas à partir du 16ème siècle où ils deviennent l'unité de base des armées européennes, reçoivent un entraînement quand ce sont des armées régulières - et même les milices urbaines sont globalement assez bien formées à l'époque... Et si c'est facile apparemment, ça devait bien aider pour combler les vides dans les effectifs (oui parce qu'on en a pas trop parlé mais toute stratégie de l'époque médiévale doit tenir compte du fait que les pertes sont beaucoup plus courantes en raison de désertions et de maladies que du combat :twisted: ) !

J'aime beaucoup le
Crazy a écrit :
mar. août 08, 2017 10:21 am
(la démo ne faisait pas usage de chevaux :P)
Je pense que j'adorerai faire ça tant qu'il n'y a pas de chevaux qui me tombent dessus :hihihi:

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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Crazy »

Faisselle a écrit :
mar. août 08, 2017 11:07 am
C'était dans quelle ville, par curiosité ? Parce que bon je n'ai jamais pu aller dans une fête médiévale et ça fait partie de mes rêves de gosse
Pontoise.
Sinon, y'a un marché médiéval à Compiègne en avril et en novembre (à vérifier) et il reste toujours Provins, où il y a, je crois, des animations toutes l'année :)

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Lady Célia
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Lady Célia »

Ok, pour les Piquiers, je savais pas qu'ils apparaissaient si tôt. Et pour les hoplites, comme je t'ai dit, j'ai pas étudié la période.

Mais pour le reste, tu cherches un peu à me faire dire ce que j'ai pas dit :p
J'ai pas dit "il y a une stratégie invincible et c'est la seule", j'ai juste essayé d'expliquer l'importance de la charge de chevaliers à l'époque. Et ensuite, j'ai passé un certain temps à montrer pourquoi que c'était pas infaillible du tout :p

En fait, mon post avait plutôt dans l'idée de donner un aperçu de qu'elles étaient les tactiques majeures à l'époque. Du coup, charge de chevaliers et comment on s'en défendait. Histoire de donner des indications aux gens qui voudraient écrire des batailles comportant des chevaliers, qu'ils comprennent un peu les tenants et les aboutissants du truc.

Mais je maintiens ce que j'ai dit sur les chevaliers en tant que tel. Ils n'ont pas duré longtemps. En fait, ils vont réellement naître avec des mouvement comme "La Paix de Dieu" qui se passe à la fin du Xième siècle. Ce qu'il y avait avant, c'était "juste" des cavaliers lourds. Mais l'idée de chevalerie, avec les codes que ça suppose etc, commence vraiment à partir de cette période. Et c'est important, parce que, comme je le disais, c'est en partie le fait d'avoir se rang social dont la seule occupation est la guerre, est important sur le plan stratégique et en fait des guerriers plus redoutables qu'ils ne l'étaient avant.
Mais je maintiens que même si on va longtemps continuer de les employer, à Nicopolis, c'est déjà plus que l'ombre d'eux-mêmes. C'est pas qu'ils "voyaient pas les défenses adverses", c'est qu'ils ont voulu charger au mépris de toute stratégie pour montrer leur bravitude alors que la plupart étaient inexpérimentés à l'époque (notamment du fait que le pouvoir s'était gravement centralisé en France et donc qu'ils n'avaient plus l'habitude de la guerre comme leurs prédécesseurs). Mon prof disait qu'à cette époque, déjà, les mecs y allaient avec plus avec des armures chatoyantes et des grosses coques au niveau de l'entrejambe, mais presque rien sur les jambes pour "gonfler leur virilité". Donc oui, comme tu dis, c'est plus un "élan de nostalgie" qu'autre chose.
Oui, les chevaliers et la cavalerie lourde continuera à exister, mais ce sera plus la charge de chevalerie telle qu'elle a existé aux XIème et XIIème siècle, qui a été capable d'écraser la plupart des armées rencontrées, même avec un nombre souvent très inférieur. Comme je le disais avec la guerre de cent ans et les canon, à la fin, il leur faut de l'aide pour accomplir des choses utiles.

Et si je schématise et que je fais des commentaires puérils, c'est pour rendre le post rigolo à lire :p
Parce que oui, la raison principale pour laquelle les français ne veulent pas utiliser les tireurs, c'est parce qu'ils estiment que ce n'est pas honorable. Et le fait que le roi d'Angleterre ait utilisé des Long Bow pour remporter la bataille lui fait d'ailleurs perdre toute la légitimité de sa prétention au trône : les nobles du royaume, qui sont des chevaliers, trouvent qu'il n'est pas honorable et donc pas fait pour régner. Mais déjà, ce comportement témoigne du déclin de la chevalerie, qui commence plus à s'intéresser à son code d'honneur qu'à l'art de la guerre. Et à partir de là, les chevaliers vont multiplier les erreurs stratégiques. Oui, ils restent redoutables sur le champ de bataille, mais encore faut-il qu'ils sachent pourquoi.
Cela-dit, quand Charles VI pète un câble pour la première fois, il reste capable de tuer plusieurs membres de son escorte personnelle avant d'être maîtrisé. Preuve qu'il savaient toujours se battre à l'époque. Mais sur le champ de bataille, ce ne sont plus les maîtres qu'ils étaient au XIème et XIIème siècles, quand ils pouvaient encore conquérir un pays entier avec seulement 300 chevaliers (royaume d'Edesse).
Et j'ai tout à fait mentionné les sociales, politiques etc qui ont provoqué leur disparition ;) Les techniques militaires n'arrivaient d'ailleurs qu'en dernier dans ma liste.

Et oui, il y a énormément de trucs à dire sur les sièges, mais bon...

Bref, tout ça pour dire, en gros, lorsque vous écrivez des histoires de chevaliers, vous pouvez tout à fait vous servir de leur supériorité sur le champ de bataille grâce à leur charge si spectaculaire, et de ces quelques façons de s'en défendre. Ou alors, vous utilisez (un peu comme GoT le fait d'ailleurs parfois), l'idée qu'ils sont sur le déclin et que, malgré leur force, ils s'intéressent souvent plus à leur honneur qu'à la tactique militaire ;)
(Et je citait pas Braveheart pour son accuité historique, mais pour le fait qu'il montre bien la tactique employée ;) Idem pour Kingdom Of Heaven, qui est l'un des seuls films où on voit les chevaliers tenir une formation pour aller au combat. Tout comme tu cites à juste titre Alexandre, qui montre bien divers aspects aussi de ce à quoi de telles batailles devaient ressembler)

Mais de manière générale, quand on écrit de la Fantasy, il n'y a pas besoin d'être hyper réaliste. Déjà, comment on fait lorsqu'il y a des dragons dans la bataille ? Ou des magiciens comme tu dis ? Impossible d'avoir la moindre documentation sur les effets de ces trucs-là.
En revanche, ce que je regrette un peu, c'est qu'en général, toutes les batailles en fantasy se règlent plus ou moins par du "Et hop, les renforts arrivent au bon moment et prennent l'ennemi à revers, nous voilà sauvés". Et c'est un peu facile. Sur le plan stratégique, c'est hyper chaud de faire arriver deux armées au même endroit pile au bon moment :p
C'est encore plus chaud que personne ne repère la seconde armée qui arrive et ne prévoit aucun plan de bataille pour l'arrêter ou en tenir compte. Je dis ça, je dis rien :p
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ElNat
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par ElNat »

Merci pour les posts, Faisselle et Lady Celia, c'est passionant à suivre ! :wow:
(Et excellent pour la réflexion du "comment mes armées vont-elles s'entretuer ?" de façon plus ou moins réaliste :mouahaha: )
Mon challenge 2023 : Echos
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Faisselle
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Faisselle »

Merci ElNat ! Après, je pense qu'on a pu montrer que les tactiques médiévales avaient tendance à varier et incluaient plusieurs possibilités, même à l'âge d'or de la cavalerie et même quand l'infanterie a été réutilisée pour combattre de diverses façons...

Lady Célia a écrit :
mar. août 08, 2017 12:22 pm
En fait, mon post avait plutôt dans l'idée de donner un aperçu de qu'elles étaient les tactiques majeures à l'époque. Du coup, charge de chevaliers et comment on s'en défendait. Histoire de donner des indications aux gens qui voudraient écrire des batailles comportant des chevaliers, qu'ils comprennent un peu les tenants et les aboutissants du truc.

Mais je maintiens ce que j'ai dit sur les chevaliers en tant que tel. Ils n'ont pas duré longtemps. En fait, ils vont réellement naître avec des mouvement comme "La Paix de Dieu" qui se passe à la fin du Xième siècle. Ce qu'il y avait avant, c'était "juste" des cavaliers lourds. Mais l'idée de chevalerie, avec les codes que ça suppose etc, commence vraiment à partir de cette période. Et c'est important, parce que, comme je le disais, c'est en partie le fait d'avoir se rang social dont la seule occupation est la guerre, est important sur le plan stratégique et en fait des guerriers plus redoutables qu'ils ne l'étaient avant.
Mais je maintiens que même si on va longtemps continuer de les employer, à Nicopolis, c'est déjà plus que l'ombre d'eux-mêmes. C'est pas qu'ils "voyaient pas les défenses adverses", c'est qu'ils ont voulu charger au mépris de toute stratégie pour montrer leur bravitude alors que la plupart étaient inexpérimentés à l'époque (notamment du fait que le pouvoir s'était gravement centralisé en France et donc qu'ils n'avaient plus l'habitude de la guerre comme leurs prédécesseurs).

[...]

Et si je schématise et que je fais des commentaires puérils, c'est pour rendre le post rigolo à lire :p
Parce que oui, la raison principale pour laquelle les français ne veulent pas utiliser les tireurs, c'est parce qu'ils estiment que ce n'est pas honorable. Et le fait que le roi d'Angleterre ait utilisé des Long Bow pour remporter la bataille lui fait d'ailleurs perdre toute la légitimité de sa prétention au trône : les nobles du royaume, qui sont des chevaliers, trouvent qu'il n'est pas honorable et donc pas fait pour régner. Mais déjà, ce comportement témoigne du déclin de la chevalerie, qui commence plus à s'intéresser à son code d'honneur qu'à l'art de la guerre. Et à partir de là, les chevaliers vont multiplier les erreurs stratégiques. Oui, ils restent redoutables sur le champ de bataille, mais encore faut-il qu'ils sachent pourquoi.
Cela-dit, quand Charles VI pète un câble pour la première fois, il reste capable de tuer plusieurs membres de son escorte personnelle avant d'être maîtrisé. Preuve qu'il savaient toujours se battre à l'époque. Mais sur le champ de bataille, ce ne sont plus les maîtres qu'ils étaient au XIème et XIIème siècles, quand ils pouvaient encore conquérir un pays entier avec seulement 300 chevaliers (royaume d'Edesse).
Je n'ai jamais entendu parler de cette conquête, tu as des sources (ça m'intéresserait) ? De même sur cette histoire de perte de légitimité pour sa prétention au trône... surtout vu que nos amis rois d'Angleterre ont passé quelques décennies à faire valoir leur droit en bénéficiant du soutien de certains nobles du royaume de France (hors Bourgogne dont les motivations étaient sensiblement différentes). Après, tout est question de perspective quand on parle de la classe sociale des chevaliers - ainsi que tu le dis, sur le temps long, ils perdent de leur aspect essentiel, mais ça ne veut pas dire qu'ils disparaissent en tant que groupe social, et je ne crois pas qu'ils aient cessé de s'intéresser au métier de la guerre et à "l'art de la guerre" parce qu'ils deviennent progressivement une arme parmi d'autres. Je n'ai pas de documentation sur la chevalerie tardive, donc si quelqu'un s'y connaît...
Sur la "naissance" des chevaliers, je ne sais pas si tu as fait gaffe à ce que j'ai mentionné sur Alphonse Dupront au post précédent... je présume que ça fait partie du même mouvement de fixation de l'imaginaire des chevaliers, même si on trouve encore au 16ème siècle bon nombre de nobliaux de province, "chevaliers", qui sont en fait juste des propriétaires terriens adoptant un comportement noble et qui le deviennent de fait après une génération, voire moins.
Sur la question de Nicopolis, je maintiens dans la mesure où c'est ce que mes ouvrages me disent, en fait... La bataille a été étudiée et tend à indiquer que le corps expéditionnaire était en fait composé pour partie de jeunes nobles (Charles VI devait d'ailleurs en faire partie), mais qu'ils étaient encadrés de vétérans de grande valeur, des combattants expérimentés qui avaient notamment à leur actif des campagnes en Méditerranée et dans la Baltique ; et la charge initiale a été menée sans visibilité sur le dispositif turc, ce qui était peu malin mais dans l'absolu pas une preuve de stupidité ou de "bravitude"... La formation militaire des jeunes nobles reposait d'ailleurs en partie sur des expéditions de ce type, qu'on appelait les "voyages de Prusse" par exemple dans le cas des campagnes dans la Baltique - des expéditions ponctuelles, bien organisées, dans lesquelles on allait combattre des Slaves pendant quelques mois ; en Méditerranée, c'est toute la problématique des "croisades tardives", des campagnes nautiques et terrestres de raids en Turquie et au Proche-Orient dont on ne sait pas trop s'il faut les qualifier de croisades, car même si elles gardent un aspect religieux - bénédiction des soldats, image de lutte contre l'infidèle, rémission des péchés au retour - elles s'assimilent bien plus à des razzias qu'à des entreprises de reconquête des lieux saints... mais ça permet à de nombreux nobliaux et chevaliers de se "faire la main".
Et si Charles VI tue plusieurs membres de son escorte, n'est-ce pas aussi parce qu'il est le roi et qu'on préfère ne pas le blesser quand il s'agit de le calmer - et qu'il frappe par surprise, en plus ? Ce qui n'induit pas qu'il ne savait pas se battre par ailleurs, vu que ça fait partie de son éducation, comme tu l'indiques... Après, je ne sais pas si lui-même a participé à des actions militaires.

Encore un interlude musical tiré de ces temps médiévaux.

Le post d'Estelle Faye par ailleurs me fait penser que je n'ai pas vu des masses d’œuvres (après, ma culture fantasy est très limitée, donc il est fort possible qu'elles me soient passées sous le nez :hihihi: ) incluant des armes à feu, même "primitives" du type bâton à feu, pot à feu, bombarde... Alors que leur développement, très progressif ainsi que je pense l'avoir à peu près montré, a été concomitant de celui des arbalètes lourdes, des armes à tension ou des piquiers, mais aussi de la cavalerie la plus lourdement équipée, et ça donne quand même énormément de choses à envisager en termes d'écriture ou de direction d'intrigue... Genre un texte sur des clercs ou des alchimistes cherchant à améliorer des formules alors que la guerre arrive, les relations qu'ils auraient avec des unités militaires, des nobles, des guildes d'artisans... prouver que leur préparation est efficace mais pas non plus diabolique... :lect:
stoppe ici Faisselle tu as déjà à faire
Sur les questions de stratégie au sens classique (anticiper des opérations à grande échelle), je me suis souvenu aussi d'un autre ouvrage, Les projets de croisade, géostratégie et diplomatie européenne du XIVe au XVIIe siècle (dirigé par Jacques Paviot) : le grand intérêt du travail, dans cet ouvrage collectif, d'Emmanuelle Vagnon est de montrer que les pays européens, dans leurs projets de croisades, avaient constitué dès les 13ème-14ème siècles (surtout le 14ème siècle) des séries de stratégie d'ampleur étonnante, appuyées sur
  • Des cartes des régions visées, relativement précises et réalisées par des gens qui connaissent les lieux ;
  • Des "rapports" descriptifs des différents pays locaux, de leurs forces et de leurs places fortes ;
  • Le choix de bases arrières dans des villes ou pays favorables (notamment l'Arménie médiévale jusqu'à sa chute, puis Chypre) ;
  • L'idée d'étouffer l'économie des pays ennemis et de favoriser d'autres routes commerciales pour les produits d'Extrême-Orient (voire l'utilisation de territoires occidentaux pour la production de ces ressources) ;
  • Des compositions d'armées coalisées, regroupant souvent d'importants effectifs (le plus gros prévoyait l'envoi de 80000 fantassins et 2000 cavaliers) ;
  • Enfin la recherche du soutien de pays alliés ou de nations favorables sur place (l'Ethiopie et la Géorgie notamment, mais aussi les Mongols à l'époque).
Même si ces projets n'ont jamais été mis en oeuvre car les pays européens de l'époque se préoccupaient davantage de guerres ou de conflits locaux et refusaient la volonté de contrôle extrême de la papauté, ils témoignent assez bien de ce qu'il était possible d'envisager durant cette période des 13ème-14ème siècles au point de vue stratégique - rien de moins que des expéditions "internationales" sur la Méditerranée visant à des campagnes de longue haleine appuyées par des alliances lointaines. Du coup, s'il y a des amateurs de grande stratégie par ici, je peux filer quelques données en rab (par chance, j'ai un peu bossé sur un de ces projets de croisade pendant mes deux années de recherche :lect: ).
Maintenant, à voir ce que de telles bases peuvent donner si on les combine à des éléments de fantasy ! Genre une invasion aéroportée de dragons accompagnés de chevaliers, contrée par des mamelouks soutenus par des alchimistes philosophes... on a dit que tu as déjà à faire :lect:
Modifié en dernier par Faisselle le ven. août 11, 2017 5:35 pm, modifié 1 fois.

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Lady Célia
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Lady Célia »

Non ! Malheureusement, j'ai pas de sources :/ J'ai juste mon cours sur les croisades, donnée à l'époque par un brillant professeur : Joël Chandelier. La dernière fois que je lui ai parlé, il m'a dit qu'il prenait une année sabatique pour se lancer dans l'écriture d'un genre d'histoire générale de cette période... J'ai pas eu de nouvelles depuis, donc je sais pas où il en est :/

Donc, le royaume d'Edesse, qui après vérification, s'appelle en réalité le "Comté d'Edesse" est l'un des état latins créés après la première croisade, en réalité le premier à être officiellement créé et le plus grand aussi.
Si mes souvenirs sont bons, ça commence pendant le siège d'Antioche ou pas loin. Les arméniens d'Edesse se révoltent contre les Turcs, mais sont en difficultés et appellent les Croisé à l'aide. C'est Baudouin de Boulogne qui répond et qui y va avec un petit nombre de chevalier. Ce qui ne l'empêchera pas de virer les Turcs et, avec le soutien des populations arméniennes chrétiennes locales, de s'emparer petit à petit d'un vaste territoire et de s'en faire le maître incontesté.
Baudoin n'y reste pas longtemps, vu qu'il est ensuite appelé à devenir roi de Jérusalem, mais le pouvoir qu'il laisse en place là-bas va continuer à étendre le royaume. Mais ça ne durera pas longtemps non plus, quelques décennies plus tard, le royaume est finalement conquis par des Musulmans.

Je te renvoie sur la page Wiki, qui te mènera probablement aux bonnes sources : https://fr.wikipedia.org/wiki/Comt%C3%A ... C3%89desse

Pour la légitimité, idem, j'ai pas de livres précis. Mais je crois qu'il y avait des textes, genre lettres de chevaliers ou autres documents du genre que mon prof a étudié et qui mettaient en avant le fait que pas mal de nobles et chevaliers avaient été choqués par la façon dont les anglais avaient gagné à Crécy (citant notamment l'exemple d'un vieux chevalier de 70 ans qui avait été tué d'une flèche alors qu'il était honorablement venu se battre). Et du coup, oui, la conclusion était que la plupart des nobles, malgré la défaites, sont restés fidèles au roi de France à ce moment là. Du coup, le roi d'Angleterre, s'il avait battu "honorablement" les français (tâche relativement impossible vu la différence de taille entre les armées), aurait sans doute pu marcher sur Paris à ce moment là et revendiquer le trône avec plus de facilité... car selon le code d'honneur des chevaliers, il aurait eu la "faveur divine", en gros.
Mais après, tout n'est pas blanc ou noir et ça n'a effectivement pas empêché les rois d'Angleterre de réclamer le trône de France jusqu'à une date tellement ultérieure que c'était juste pour la forme à la fin.

Voilà, voilà pour ce petit intermède :p
Challenge 2017 : Camille de Hanoeuvre (Roman - Low Fantasy)

Ma maison d'édition : Les Planètes Orphelines (Space Opera ou SF uniquement)

Mon blog de conseils d'écriture : Story Teller

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Faisselle
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Faisselle »

OH MON DIEU UN LIVRE D'HISTOIRE DES SCIENCES AU MOYEN-ÂGE

Herm, pardon. Je vois ça sur la page de monsieur Chandelier, voilà un bouquin en plus pour ma bibliographie... tellement de livres, si peu de sous :lect:

Il me semblait bien que c'était un comté, à Edesse... et tiens, ça reparle d'Arméniens :mouahaha: (j'ai bossé là-dessus du coup ça fait sonner quelques souvenirs) ; merci pour les quelques données, du coup !
Pauvre vieux chevalier. C'est aussi à Crécy que Jean de Bohême, roi de Pologne de l'époque, est tué d'une flèche alors qu'il était aveugle... Si tu as eu ces infos en cours, du coup je présume qu'elles étaient vérifiées... je ferai un peu de déterrage de bouquins ou d'articles, ça peut servir.
Merci pour le nom de Joël Chandelier en tout cas, ça fait un moment que je cherchais des références sur certains de ses sujets de recherche... Pour le reste aussi.

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Faisselle
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Re: La stratégie martiale au moyen-âge

Message par Faisselle »

Un petit sujet intéressant sur le Moyen-Âge tardif, une petite émission d'une vingtaine de minutes sur les messagers de guerre, et plus largement sur la façon concrète dont on envisage la guerre et l'affrontement durant cette période (fin 15ème-début 16ème), dont on dirige des mouvements de troupes ou on délègue à ses vassaux des commandements ; on a aussi quelques données sur la sociologie des messagers, leur recrutement, leurs subterfuges... tout ça via l'étude des lettres qu'ils transportent... Un truc assez bref, ce qui est appréciable, mais aussi sans jargon et sans pédanterie ce qui est toujours bien de la part d'historiennes ou d'historiens :lect:

Ici !

Où l'on se rend compte qu'en définitive, on a plutôt tendance à éviter la bataille rangée décisive, parce que c'est très risqué...

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