Page 2 sur 8

Re: Écrire sur le handicap

Posté : jeu. févr. 07, 2019 1:33 am
par Kaplan
Je suis d'accord, c'est vrai que l'on n'y pense pas au premier abord, mais l'acceptation des autres est plus importante pour nous que la "guérison miracle". Pour ma part, je bégaye et ça ne me poserait aucun problème si on me laissait parler sans m'interrompre ou essayer finir mes phrases à ma place. Paradoxalement, j'aime bien passer à l'oral devant tout le monde car là je suis sûr qu'on me laissera parler tant que je veux en paix. :roll:

Ce serait assez agréable un auteur de SFFF qui créerait un monde où le handicap serait accepté et reconnu de tous et des installations pour chaque type de handicap. Quelqu'un d'intéressé ici ? :sifflote:

Re: Écrire sur le handicap

Posté : jeu. févr. 07, 2019 9:03 pm
par Roanne
Kaplan a écrit :
jeu. févr. 07, 2019 1:33 am
Je suis d'accord, c'est vrai que l'on n'y pense pas au premier abord, mais l'acceptation des autres est plus importante pour nous que la "guérison miracle".
Personnellement j'y mettrais un énorme bémol, car cela dépend du handicap, donc je n'en ferais pas une règle générale applicable à un "nous".

Quand le handicap est provoqué ou provoque - exemple particulièrement parlant - une douleur / souffrance bien réelles, clairement, le regard des autres / leur acceptation, ce n'est pas le plus important.
Retrouver un semblant de confort dans le quotidien devient une priorité, c'est parfois même une question vitale pour conserver un mental assez fort pour tenir le coup jour après jour.

Et je ne parle même pas des handicaps lourds / sévères, avec des cas où les personnes n'ont même plus l'autonomie nécessaire pour assurer leur propre survie et sont complètement dépendantes d'une assistance constante (ces personnes-là ne sont parfois même pas consciente du regard des autres, c'est souvent leur entourage qui en souffre le plus).

Étant une personne très indépendante, j'avoue que pour ma part en situation de handicap ma principale priorité est de conserver / acquérir de l'autonomie, minimiser les effets secondaires (surtout la souffrance). Le regard / l'acceptation des autres, ça arrive loin derrière ces priorités. Je ne suis pas une bête très sociables mais je ne doute pas un instant de ne pas être la seule à mettre les choses dans cet ordre. Ou dans un autre.
Il faut vraiment éviter les cases et les règles, d'autant plus quand on parle de situation de handicap, car il y a tellement de parcours, d'expériences, de cas, de gravités différentes... j'invite à faire attention à éviter de parler au nom des autres / au nom de tous.

(désolée si je donne l'impression de me la jouer moralisatrice, ce n'est pas le but, je voulais juste remonter une gêne)
(d'ailleurs, j'ai tiqué sur le même point que Crazy, concernant le poste initial de Noctis, vouloir être "normal" ce n'est pas uniquement une question de fantasme de vie de valide, mais juste une question de fantasme de vie confortable, autonome, indépendante, ce dont certains handicaps privent de façon parfois (très) douloureuse)

Re: Écrire sur le handicap

Posté : jeu. févr. 07, 2019 9:14 pm
par Crazy
Roanne a écrit :
jeu. févr. 07, 2019 9:03 pm
Kaplan a écrit :
jeu. févr. 07, 2019 1:33 am
Je suis d'accord, c'est vrai que l'on n'y pense pas au premier abord, mais l'acceptation des autres est plus importante pour nous que la "guérison miracle".
Personnellement j'y mettrais un énorme bémol, car cela dépend du handicap, donc je n'en ferais pas une règle générale applicable à un "nous".

Quand le handicap est provoqué ou provoque - exemple particulièrement parlant - une douleur / souffrance bien réelles, clairement, le regard des autres / leur acceptation, ce n'est pas le plus important.
Retrouver un semblant de confort dans le quotidien devient une priorité, c'est parfois même une question vitale pour conserver un mental assez fort pour tenir le coup jour après jour.

Et je ne parle même pas des handicaps lourds / sévères, avec des cas où les personnes n'ont même plus l'autonomie nécessaire pour assurer leur propre survie et sont complètement dépendantes d'une assistance constante (ces personnes-là ne sont parfois même pas consciente du regard des autres, c'est souvent leur entourage qui en souffre le plus).

Étant une personne très indépendante, j'avoue que pour ma part en situation de handicap ma principale priorité est de conserver / acquérir de l'autonomie, minimiser les effets secondaires (surtout la souffrance). Le regard / l'acceptation des autres, ça arrive loin derrière ces priorités. Je ne suis pas une bête très sociables mais je ne doute pas un instant de ne pas être la seule à mettre les choses dans cet ordre. Ou dans un autre.
Il faut vraiment éviter les cases et les règles, d'autant plus quand on parle de situation de handicap, car il y a tellement de parcours, d'expériences, de cas, de gravités différentes... j'invite à faire attention à éviter de parler au nom des autres / au nom de tous.

(désolée si je donne l'impression de me la jouer moralisatrice, ce n'est pas le but, je voulais juste remonter une gêne)
(d'ailleurs, j'ai tiqué sur le même point que Crazy, concernant le poste initial de Noctis, vouloir être "normal" ce n'est pas uniquement une question de fantasme de vie de valide, mais juste une question de fantasme de vie confortable, autonome, indépendante, ce dont certains handicaps privent de façon parfois (très) douloureuse)
Je te suis à 100% là-dessus.

Re: Écrire sur le handicap

Posté : mar. févr. 12, 2019 10:37 am
par Pampelune
Bonjour,

Je découvre cette discussion très riche. Merci Roanne pour avoir partagé ton expérience et ton point de vue :merci2:

Je ne sais plus si l'AT d'Arkuiris sur ce thème est toujours ouvert, mais j'y avais un peu réfléchi. Je vois beaucoup de situations de handicap différentes dans mon travail, avec des enfants, et certaines situations sont vraiment dramatiques, hélas. Et puis il y a la souffrance... Mais aussi tellement de ressources inimaginables chez ces enfants et leurs proches! Respect absolu...

Après bien sûr, il y a des handicaps très courants, comme la myopie, dont je suis affublée moi-même. Si courants, qu'ils sont passés dans la "normalité" (mais qu'est-ce que la "normalité ?).
Et entre ces deux extrêmes, tant de situations différentes, tant de gradations.
Je crois comme Roanne que le plus important si on souhaite aborder un tel sujet, c'est d'être à l'écoute des personnes qui vivent ces situations. Et on peut aussi l'aborder d'un autre point de vue, celui d'une maman, par exemple, d'un conjoint, ou encore un médecin, etc.

Re: Écrire sur le handicap

Posté : mar. févr. 12, 2019 11:41 pm
par ElNat
Je rejoins toutes les grenouilles pour te remercier de ce sujet, Noctis. :love: Ces discussions sont vraiment passionnantes, poussent à réfléchir et à envisager la notion de handicap sous des angles différents... vraiment super !
(Et merci Roanne aussi d'avoir partagé ton expérience et tes réflexions :heart: )

Re: Écrire sur le handicap

Posté : mer. avr. 17, 2019 9:53 pm
par Siana
Je n'avais pas vu ce fil, c'est intéressant !! Merci pour les témoignages !! :love: :love:

J'ai du handicap dans mon challenge en cours (+ que je le pensais à la base :ronge: ), mais ce n'est pas la thématique principale, et j'avoue que je ne vais pas être tendre parce que la société ne sera pas vraiment adaptée ni compréhensive (époque moyenâgeuse ou assimilé). :? Autant je n'ai pas trop de soucis à me représenter mon personnage autiste, ni celui qui sera parano/névrosé, autant j'ai plus d'inquiétude à gérer celui qui aura un pied-bot et une béquille parce que je n'y connais rien à ce sujet. (j'ai un intérêt pour la psychologie, ça aide pour les deux autres !) Donc j'avais justement prévu de fouiner un peu pour trouver des témoignages et autres infos utiles. Comme je viens de le faire d'ailleurs ce soir sur l'autisme pour compléter ce que je savais.

Pampelune a écrit :
mar. févr. 12, 2019 10:37 am
Après bien sûr, il y a des handicaps très courants, comme la myopie, dont je suis affublée moi-même. Si courants, qu'ils sont passés dans la "normalité" (mais qu'est-ce que la "normalité ?).
Tellement qu'on l'oublie ! Si l'on prend en compte que j'ai un œil légèrement plus petit que l'autre et donc moins opérationnel à cause de ma naissance prématurée, on peut dire aussi que j'ai un handicap, mais effectivement c'est pas la façon dont on se le représente au quotidien... Je pense aussi dans ce genre aux maladies de peau, psoriasis ou eczéma par exemple, qui peuvent se révéler très gênantes (quand elles sont très envahissantes !) et presque constituer un handicap pour certaines personnes.
Dans une moindre mesure également, je connais une personne à priori sans problème de handicap qui a développé un TOC de vérification à cause de la pression à son travail (un jour il a vérifié 70 fois qu'une poignée était bien verrouillée, qu'il m'a dit :o ), et heureusement cela a pu se dissiper avec le temps (et le changement de boulot !!).
Les handicaps peuvent être sournois, parfois, surtout quand ils sont invisibles effectivement. :?

Re: Écrire sur le handicap

Posté : jeu. avr. 18, 2019 9:02 am
par Pampelune
J'ai une amie qui a le même handicap que ton personnage. Sa vie pourrait paraître compliquée (ses déplacements, douleur, etc), mais ce sont des obstacles qu'elle surmonte tous les jours et ce n'est certainement pas ce qui la définit, même si elle a grandit avec, et que ça a participé à lui forger une personnalité très forte ;)

Re: Écrire sur le handicap

Posté : jeu. avr. 18, 2019 9:20 am
par Sytra
Pampelune a écrit :
jeu. avr. 18, 2019 9:02 am
ce n'est certainement pas ce qui la définit
Je crois que c'est le point le plus important à garder en tête quand on crée un personnage handicapé. Surtout pour un personnage qui a grandit avec ce handicap. Mon fils est albinos. Il n'a que deux ans pour l'instant, mais il est déjà évident qu'il n'est pas défini par son handicap (visuel essentiellement, pour ceux qui ne seraient pas familiers avec l'albinisme). Ce n'est qu'une partie de sa vie, qui entraîne quelques conséquences, comme le port de lunettes et une attention à tout ce qui touche au soleil. Mais si je devais créer un personnage albinos (et je compte bien le faire un jour), son albinisme n'aurait pas plus d'influence dans sa caractérisation qu'une petite taille peut en avoir chez un autre. Un personnage de petite taille (sans même atteindre les problématiques du nanisme) impliquera peut-être une scène où il galère à ouvrir un placard en hauteur. Un personnage albinos impliquera sans doute une scène où il ne peut pas voir une situation au loin, ou une scène où il est obligé de se couvrir pour se protéger du soleil (surtout dans un monde de fantasy sans crème solaire ^^). Mais ça ne sera qu'un élément de sa définition parmi d'autres. :lect:

Re: Écrire sur le handicap

Posté : jeu. avr. 18, 2019 9:58 am
par isabelle
Je me permets de réagir sur les personnages de petite taille puisque je fais 1m50 et que je suis une petite femme. Cela m'a pourri la majeure partie de mes expériences dans ma thèse actuelle: gants trop grands pour moi, salle de manip impossible à gérer pour les gens de petite taille, étape de sortie de la canne d'hélium critique que je ne pouvais pas faire seule contrairement à tous les autres gens. Je suis en couple avec un homme de 1m95 et la taille joue souvent un rôle clé sur pas mal de situations. Donc bref, je ne serais jamais juste une femme petite mais ça a tellement de handicaps invisibles que c'est quand même essentiel à ma manière d'être et à mon développement dans la société et c'est pas juste pour ouvrir un placard.

Re: Écrire sur le handicap

Posté : jeu. avr. 18, 2019 10:06 am
par Aramis
J'essaie de faire en sorte aussi que mes personnages atteints de handicap ne soient pas définis par ça.
L'un des héros de mon challenge en cours (fantastique contemporain) est albinos, il voit "très mal", mais ça ne l'empêche pas de mener sa vie comme il l'entend - il y a des choses plus compliquées, mais il a ses moyens de s'adapter. Et lui comme son entourage acceptent qu'il fasse les choses un peu plus lentement ou un peu différemment de ce que ceux qui voient bien auraient fait.
C'est une composante de sa vie parmi plein d'autres (et bien moins importante que les traumas vécus par ailleurs).

Re: Écrire sur le handicap

Posté : jeu. avr. 18, 2019 10:35 am
par Sytra
isabelle a écrit :
jeu. avr. 18, 2019 9:58 am
Je me permets de réagir sur les personnages de petite taille puisque je fais 1m50 et que je suis une petite femme. Cela m'a pourri la majeure partie de mes expériences dans ma thèse actuelle: gants trop grands pour moi, salle de manip impossible à gérer pour les gens de petite taille, étape de sortie de la canne d'hélium critique que je ne pouvais pas faire seule contrairement à tous les autres gens. Je suis en couple avec un homme de 1m95 et la taille joue souvent un rôle clé sur pas mal de situations. Donc bref, je ne serais jamais juste une femme petite mais ça a tellement de handicaps invisibles que c'est quand même essentiel à ma manière d'être et à mon développement dans la société et c'est pas juste pour ouvrir un placard.
J'espère ne pas t'avoir vexée avec mon exemple. :oops: Ce que je voulais dire par là, et que montre bien ton retour d'expérience, c'est que chaque caractéristique d'une personne peut avoir un impact sur sa vie. Faire 1m50 n'est pas défini aujourd'hui comme un handicap, pourtant ça a sans doute plus d'impact sur ta vie que ne pourraient en avoir certains handicaps "officiels". Et un auteur qui crée un personnage de 1m50 ne songe pas à construire toute l'histoire autour de cet aspect-là (sauf cas particulier). C'est juste une caractérisation de son personnage, qu'on va oublier la majeure partie du temps sauf quand il va se retrouver dans des situations où, comme pour ta thèse, ça engendre de véritables contraintes.
Du coup, à mes yeux, le handicap d'un personnage doit être traité exactement de la même manière : n'apparaître que lorsque ça engendre des conséquences sur l'action ou sur la personnalité qu'a pu développer le personnage suite aux situations que son handicap l'a amené à vivre. Mais certains auteurs ont le défaut de ne voir leur personnage handicapé qu'au travers de leur handicap. Ils ne vont utiliser ce personnage que dans des situations qui mettent en exergue ce handicap, ne vont construire l'histoire de ce personnage qu'au travers des obstacles que ce handicap l'amène à surmonter. Ce qui donne l'impression qu'une personne handicapée n'est rien d'autre que son handicap. :?
(Mais il me semble que de manière générale, toutes les personnes qui interviennent sur ce fil sont bien d'accord avec le fait qu'il ne faut pas construire son personnage ainsi. ;) )

Re: Écrire sur le handicap

Posté : jeu. avr. 18, 2019 11:33 am
par Umanimo
isabelle a écrit :
jeu. avr. 18, 2019 9:58 am
Je me permets de réagir sur les personnages de petite taille puisque je fais 1m50 et que je suis une petite femme. Cela m'a pourri la majeure partie de mes expériences dans ma thèse actuelle: gants trop grands pour moi, salle de manip impossible à gérer pour les gens de petite taille, étape de sortie de la canne d'hélium critique que je ne pouvais pas faire seule contrairement à tous les autres gens. Je suis en couple avec un homme de 1m95 et la taille joue souvent un rôle clé sur pas mal de situations. Donc bref, je ne serais jamais juste une femme petite mais ça a tellement de handicaps invisibles que c'est quand même essentiel à ma manière d'être et à mon développement dans la société et c'est pas juste pour ouvrir un placard.
Je comprends tes difficultés. Je faisais 1m54, mais je pense qu'en vieillissant, j'ai perdu quelques centimètres, donc je ne dois pas être loin du mètre cinquante, si je n'y suis pas déjà. Donc oui, c'est un de ces "handicaps" invisibles, mais impactant la vie quotidienne (exemple, il a fallu que j'insiste auprès de mon mari quand il a accroché l'armoire de toilette, je voyais que le haut de mon crâne dans le miroir).

Re: Écrire sur le handicap

Posté : jeu. avr. 18, 2019 12:45 pm
par Mariedelabas
Voici un fil très intéressant. Merci pour ces témoignages et commentaires qui donnent à réfléchir. :love:

Re: Écrire sur le handicap

Posté : ven. avr. 19, 2019 9:11 am
par Roanne
Sytra a écrit :
jeu. avr. 18, 2019 10:35 am
Mais certains auteurs ont le défaut de ne voir leur personnage handicapé qu'au travers de leur handicap. Ils ne vont utiliser ce personnage que dans des situations qui mettent en exergue ce handicap, ne vont construire l'histoire de ce personnage qu'au travers des obstacles que ce handicap l'amène à surmonter. Ce qui donne l'impression qu'une personne handicapée n'est rien d'autre que son handicap. :?
En fait, ce que tu veux dire, c'est qu'il ne faut pas réduire quelqu'un à son handicap (même si pour les cas les plus lourds / graves, c'est malheureusement difficile de faire autrement).
Par contre, de mon côté, je pense que lorsqu'on "affuble" un personnage d'un handicap, ça doit au contraire être complètement intégré dans sa caractérisation, dans des petits détails des son quotidien.

Sinon, tu tombes dans le "Show, don't tell" : tu me dis qu'il est handicapé, alors que dans les faits, à la lecture, il est "normal".
C'est pour moi un vrai travers / défaut de caractérisation.

Quand on est en situation de handicap, ça peut nous atteindre / influencer de diverses façons, et tant qu'à faire, en tant qu'auteur, il vaut mieux l'utiliser voire même s'en servir pour l'intrigue. Car il ne faut pas rêver, au quotidien, les personnes concernées ont les mêmes problèmes que M. et Mme Tout-Le-Monde, plus ou moins "aggravés" ou plus difficiles à surmonter selon la situation de handicap à laquelle elles font face. Pour certains et certaines, tout est plus difficile, tout le temps. Et cette "usure" au quotidien, certains de ces petits combats qu'on doit remporter à chaque instant, cela demande énormément d'énergie qui parfois nous mettent sur les rotules plus vite, parfois jusqu'à s'effondrer d'épuisement. Par contre, ça apporte aussi côté personnalité, mais chaque humain s'approprie sa situation à sa façon, donc ce qui va rendre certains plus forts va en user d'autres jusqu'à la corde (ce qui peut aller jusqu'à la dépression / tentative de suicide).

Un exemple concret ?
Le mois dernier, j'ai oublié mes prothèses et je ne m'en suis aperçue qu'une fois sur le parking, au boulot.
Une cata, pour moi, côté professionnel, car l'impact est lourd.
> prévenir mes collègues les plus proches (leur demander de passer le mot si besoin)
> éviter de quitter mon bureau de peur de ne pas entendre quelqu'un m'interpeler et de passer pour une connasse qui ne répond pas (c'est du vécu...)
> report des réunions / tours de table que j'avais programmés (et je me suis excusée pour ceux organisés par d'autres collègues sur lesquels je n'avais pas la main)
> impression d'être complètement repliée dans une bulle (je me suis habituée au "bruit de fond" côté pro, sans lui je suis en tête à tête avec mon acouphène et j'ai l'impression d'être coupée de mes collègues)
> je n'ai pas pu avoir une seule conversation "normale" / "naturelle" avec ma coloc de bureau, et d'ailleurs je me suis cachée derrière elle toute la journée pour récupérer des infos à ma place.
> nous avons pris le parti d'en rire, mais là j'ai bien vu à quel point je suis dépendante de ces trucs qui coûtent un salaire / oreille.

Si je devais avoir un personnage malentendant dans un roman, forcément je me poserais la question de le placer dans une telle situation, sous condition que ça serve l'intrigue et son évolution personnelle, car le tort serait de lui en mettre "plein la figure" de façon gratuite, juste pour ajouter du pathos. Mais par contre, nier sa situation de handicap en ne pointant pas du doigt toutes les emmerdes qu'elle entraîne, bah pour moi c'est un ratage total de caractérisation, ça veut juste dire qu'on lui refile une caractéristique 'pour faire style' mais qu'on ne l'assume pas ni dans les petits détails ni dans ses aspects les plus pénibles.

Alors qu'être en situation de handicap, c'est souffrir de diverses formes de pénibilité tous les jours, tout les temps, ou presque.
Et le fait que le handicap soit compensé, comme dans mon cas, a ses propres travers.
Qui vont se heurter aux contraintes de l'environnement.
Dans le cadre d'un roman post-apo, par exemple : quand il n'y aura plus de piles, les jolies prothèses audio ne serviront plus à rien pour les malentendant. Et tous les myopes finiront potentiellement par ne plus trouver de lunettes et se trouver à leur tour en situation de handicap.
Quant à ceux qui dépendent d'un médicament ou d'un appareillage pour vivre, leur existence est condamnée à court ou moyen terme s'ils n'arrivent pas (avec ou sans l'aide des autres personnages) à trouver une solution avant de tomber en rade.
Ce sont autant de détails qui ne doivent pas être laissés de côté. Au contraire, bien exploités, ils peuvent servir l'intrigue et la tension dramatique.

En résumé, prétendre qu'un personnage est ceci ou cela et ne pas le montrer / l'exploiter dans des petits détails de son quotidien, pour moi, c'est du "Show don't tell" et / ou un défaut de caractérisation.
Qu'on le veuille ou non, notre situation de handicap nous caractérise et le nier, c'est nier les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.
Après, on est bien d'accord que personne n'a envie d'être réduit à ça, cependant il faut trouver un équilibre.

Re: Écrire sur le handicap

Posté : ven. avr. 19, 2019 9:22 am
par Tsumire
Je n'ai pas de pierres utiles à apporter à la conversation mais, ayant un personnage devenant aveugle, je lis avec grande attention vos échanges.
Merci :heart: