Merci à tous pour vos témoignages depuis mon dernier passage ici, d'une sincérité rare, Platypus, Ilham, Edel-Weiss…
On se sent moins seul
La société nous donne tout le temps l'impression d'être des faibles dans un monde de forts, alors que non, plein de gens souffrent et tout le monde fait semblant d'assurer pour ne pas perdre la face.
Une amie d'enfance souffre de la maladie d'Ether et Danlos, inconnue à l'époque. Elle se causait sans cesse des fractures au cours de gym et certains insinuaient qu'elle le faisait exprès. Elle a dû se rendre à l'autre bout du pays, chez le seul spécialiste de cette maladie, pour être reconnue "invalide" pour ne plus travailler et obtenir une indemnité. Un parcours du combattant possible seulement grâce au soutien de son entourage.
Nana, j'ai entendu récemment que les troubles anxieux proviennent d'une estime de soi faible : on vit dans la peur parce qu'on n'a pas confiance en ses capacités, on a une mauvaise image de soi ou on ne s'aime pas suffisamment (le tout à cause d'une éducation trop stricte "à la dure", de dénigrements dans l'enfance, de harcèlement scolaire, de traumatismes divers dans notre passé… ) Cela m'a parlé car je suis aussi fort anxieuse. Depuis mes études avec l'interdiction de rater une année pour les boursiers, puis ça s'est calmé pendant ma vie active et maintenant, ça revient en force car je me sens diminuée après mon burn-out, surtout en constatant des séquelles persistantes encore 4 ans après. La solitude est anxiogène aussi, quand on doit se débrouiller tout seul pour tout et qu'on n'arrive pas à faire un truc, sans personne à qui demander de l'aide. On a l'impression qu'on va sombrer au premier problème impossible à résoudre seul et on stresse pour tout.
Je me retrouve aussi dans vos difficultés avec le monde médical, la difficulté d'être pris au sérieux, bien diagnostiqué et soigné, la difficulté de se rendre aux consultations des bons médecins quand on vit en dehors des centres urbains et qu'on a du mal à se déplacer. Au début de la discussion, je vous parlais de mon petit problème d'oreille et de voix, réglé grâce à une clinique privée en Flandre, la seule en Belgique à effectuer ce genre de traitement novateur. C'est donc derrière moi, mais je reste stressée au téléphone à cause de toutes les années où les gens m'ont mal parlé, me prenant pour une idiote à cause de mon ancienne voix. À mon nouveau travail, je dois prendre sur moi et serrer les dents pour décrocher ; c'est après un bon mois et une vue plus globale du fonctionnement de l'institution, après avoir constaté que plus personne ne m'eng… ou me parle comme à une débile, que je me sens UN PEU plus à l'aise pour répondre aux gens.
Les spécialistes du burn-out sont si sollicités qu'ils ont tous 6 mois d'attente (minimum !) et la plupart demandent dans les 100 euros pour une consultation (non remboursée ou à peine), ils sont situés dans des localités inaccessibles en transport en commun (fichu Brabant wallon !!!)
Les autres convalescents de mon groupe facebook de "soutien au burn-out" ont presque tous réussi à trouver les bons spécialistes, parce qu'ils ont du soutien concret de leur entourage, pas moi. Si je ne sais pas aller quelque part parce qu'il n'y a pas de transport en commun, ou parce que c'est au-dessus de mes forces d'y passer des heures pour une consult, ben, il faut faire une croix dessus, tout simplement.
Dans ces conditions, sans possibilité d'être bien soignée, je suis très anxieuse à propos de mon rétablissement complet, de ma capacité à retravailler assez pour gagner ma vie et ne pas devenir dépendante financièrement de quelqu'un (pour après être en position de faiblesse et devoir être tout le temps d'accord sur tout, non merci !!). J'ignore toujours si mes maux du moment sont des traces tenaces de ce burn-out, des douleurs normales liées à l'âge (à 40 ans ??!) ou des signes d'une nouvelle maladie (fibromyalgie ou autre crasse encore mal connue).
Et on s'étonne que je suis stressée…
Quand je vivais encore à Bruxelles, personne n'avait de place avant mon déménagement, mon médecin généraliste me prenait juste pour une grosse vache qui mangeait n'importe quoi (les dérèglements hormonaux me faisaient grossir) ; quand elle s'est décidée à m'envoyer faire une prise de sang détaillée, les résultats ont mis 5 semaines pour arriver et là, elle était en vacances (et moi, obligée de continuer à bosser faute de certificat).
J'ai du retourner chez mon ancien médecin de famille, à la campagne, qui m'a dit d'arrêter tout de suite où j'allais y passer. Il a paré au plus urgent (me permettre de m'arrêter).
Après mon déménagement, j'ai compté sur le temps, la nature et le repos pour guérir (c'est censé suffire). J'ai trouvé une nouvelle généraliste qui me paraissait bien, puis elle a aussi fait des raccourcis faciles lors de ma rechute de l'année dernière et balancé en vrac qu'il me fallait une coach pour me donner "des coups de pied au c..." pour me rendre confiance en moi, que je ne voulais pas vraiment retravailler (bon, j'avais une bronchite avec une fièvre qui m'a provoqué du stress post-traumatique, quand même) et autres commentaires un peu dénigrants. Elle m'a donné des antidépresseurs aussi, car j'étais forcément dépressive (or, si on déprime de se voir diminué, ce n'est pas la maladie dépressive). Je vous passe le dédale administratif entre mutuelle puis chômage où on est vu comme des faibles, des incapables des profiteurs ou des feignants. Car pour recevoir l'aide sociale adaptée, il faut d'abord obtenir le bon diagnostic du bon spécialiste…
Donc, en 4 ans, je n'ai JAMAIS pu consulter un psychiatre spécialiste du burn-out. Contrairement à ce que la mode du moment fait croire, ce n'est pas limité à de l'épuisement nerveux ; après un burn-out sévère comme le mien, il subsiste des séquelles physiques, parfois à vie.
Je suis épuisée après mes journées de boulot, j'ai des douleurs récurrentes musculaires et articulaires. Hier, je voulais participer à des activités sur le thème du bien-être (un comble !) et j'ai du partir après une heure (douleur aigue à une jambe). Je ne sais plus porter des poids non plus (ça fait tache quand on s'apprête à réaménager les bureaux, comme de ne pas savoir conduire pour aller porter un dossier de subsides de 2000 pages à la poste, j'ai eu droit à des remarques pas intentionnellement méchantes mais qui m'ont plombé le moral quand même). Et j'hésite à consulter ma généraliste de peur de ne pas être prise au sérieux, parce que ce boulot, j'ai vraiment envie qu'il marche ! (et d'avoir l'énergie pour une vie littéraire et sociale à côté, aussi)