La parole au peuple.

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yks
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La parole au peuple.

Message par yks »

J’espère ne pas créer de polémique en lançant ce sujet. Je me comprends moi-même parmi le peuple au sens large. Voilà, j’ai un petit souci de diversité dans mon roman que j’ai situé au début du XXe siècle dans l’empire russe composé à 60 % d’analphabètes. Le problème aurait été pire si j’avais situé l’action au Moyen Âge ou dans l’Antiquité (que ce soit dans le monde réel ou dans un monde imaginaire fortement inspiré de ces époques).

Je pars du constat que nous n’écrivons pas nos dialogues comme nous parlons nous-mêmes. Qui va dire : « Je vais chez le médecin » ? Ne dira-t-on pas plutôt : « J’vais au toubib. » ? Ou encore : « Il est pas très balèze » pour : « Il n’est pas très fort. » ? :sifflote:

Mais voilà, notre héros ou notre héroïne se doit de bien parler et nos dialogues se doivent d’être bien écrits. Si le héros est marseillais, il ne sortira pas "Peuchère" à chaque fois qu’il ouvre la bouche. Mais on l’entendra sûrement dans celles d’autres personnages… plus populaires. ;)

Si je prends la société française de ce début de XXIe siècle, cela me semble impossible de faire parler tout le monde sur un pied d’égalité (à moins que ce soit une intention plus ou moins politique), sans déboucher sur un texte plat et sans relief.

Le couple de bobos parisiens ne s’exprimera pas comme le couple de retraités sur la Côte d’Azur. Le langage d’un jeune au fond du Massif central sera différent de celui d’un jeune du 9-3. Le parler du syndicaliste sera différent de celui du patron de la boîte… Je pourrais continuer comme cela longtemps. :roll:

En fin de compte, ces différences de registre nous permettent de nous repérer plus vite et plus facilement. Je pense qu’il faut les retranscrire à l’écrit. Dans l’univers que je décris, la plupart du temps, les conversations se déroulent entre des personnes issues d'un milieu aristocratique. Si un domestique venait à parler comme son maître, ça aurait tendance à me perturber en tant que lecteur.

Alors j’assume les élisions, les phrases un peu mal construites. Si cela vous intéresse, je peux vous renvoyer à cet extrait que j’ai posté il y a peu dans les papyrus et qui a reçu trois accueils différents de trois bêta-lecteurs ! Là, je retranscrivais les paroles d’un mécanicien probablement analphabète. C'est vers le milieu.

J’assume même aller plus loin dans d’autres cas, notamment avec un guide toungouse qui ne conjugue pas les verbes. Peut-être certaines grenouilles me diront que c’est exagéré, que personne ne parle ainsi et que cela pourrait confiner au mépris venant de ma part. Pourtant, pas plus tard qu’hier, en demandant un renseignement à un magasinier dans une grande surface, j’ai retrouvé à peu près ce type de discours ! Et j’ai pourtant compris ce que le gars me disait ! :)

D’après moi, notre fiction se doit donc de ressembler dans sa diversité à notre réalité quotidienne, au risque de devenir abstraite.

Je suis donc curieux de savoir comment vous vous en sortez, quelles sont les libertés que vous vous accordez et quelles sont vos astuces pour retranscrire cette "parole" du peuple. :merci2:

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NaNa
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Re: La parole au peuple.

Message par NaNa »

yks a écrit :
mer. nov. 13, 2019 6:08 pm
Qui va dire : « Je vais chez le médecin » ?
Euh… moi? Et toute ma famille en fait (enfin, techniquement, souvent c'est "Je vais chez l'médecin", mais ça nous arrive de bien prononcer le "le", surtout quand on rajoute un truc après "médecin", genre "Je vais chez le médecin demain"). Faut croire que je fais pas partie du peuple, j'ai connu une ascension sociale sans le savoir. :lol:

Sinon, la question me rappelle un truc que nous avait dit mon prof de prépa à propos des dialogues : faut qu'ils donnent l'impression d'imiter le langage oral, mais en même temps s'ils l'imitaient vraiment ils seraient illisibles. Ne serait-ce parce qu'en réalité, quand on parle, on a plein de pauses, de "euh", etc, dont on fait abstraction quand on écoute quelqu'un parler mais qui nous feraient vite perdre le fil à l'écrit.

Il faut donc trouver le bon équilibre, et ça correspond au style de chacun. Et tous les lecteurs ne vont pas apprécier (ou déprécier) de la même façon : certains vont aimer, d'autres détester (d'où tes trois BL différentes). A titre personnel, quand on en fait pas trop, ça me va, je pense que je peux aimer (j'ai pas d'exemples qui me viennent en tête), mais quand on en fait trop je trouve que ça fait artificiel, un peu comme une caricature. Surtout quand il n'y a pas de juste milieu entre des personnages qui vont très bien s'exprimer et ceux qui vont nous faire une élision toutes les cinq minutes (parce que les élisions, on en fait tous, tout le temps, mais on ne s'en souvient que quand on fait parler le "peuple").
Mais en même temps, je n'aime pas non plus quand tous les persos parlent de la même façon : une personne pas instruite qui nous fait des super phrases complexes, avec des subordonnées bien formées et des incises (remarque, même chez une personne instruite ça peut me faire sourire s'ils ont une façon de parler très écrite).

Bref, pour moi il faut un juste milieu. En fait, en écrivant, je me rends compte que chacun des procédés de retranscription du langage dit populaire ne me gêne pas; c'est quand on les met tous en même temps que j'ai l'impression que c'est artificiel. Mauvaise syntaxe? Pas de problème. Elisions? Pas ce que je préfère mais pas grave. Retranscription de l'accent? Pourquoi pas. Oubli des "ne", inversions, que sais-je encore; tout ça ne me dérange pas, mais quand il y a tout ensemble, j'ai l'impression qu'on en rajoute. Surtout, quand je le disais, quand on a en face des persos à la diction parfaite.

Personnellement, je vais plutôt jouer sur le vocabulaire et la construction des phrases. Par exemple, j'ai une perso qui n'utilise pas la négation (tout le temps, je veux dire, sinon j'ai d'autres persos qui le font aussi ponctuellement; et puis des fois j'oublie alors faut que je relise), des interjections plus fréquentes (à base de "ben", "bah oui", "enfin, tu vois, quoi", ou autre), je pense que je rajouterai des inversions aussi à la correction… Par contre, je ne mets pas d'élisions (oui, tu as compris, je n'en suis pas fan du tout :lol: ou alors si le personnage s'énerve, un "c'te fille!" ça pourrait; mais là ça va plus loin que la simple élision).


En fait, je vois pas trop comment t'aider parce que je me pose souvent plus la question de comment faire parler mes persos de milieux aisés que l'inverse : j'ai l'impression que ce sont eux qui s'expriment différemment, plus que l'inverse. :perplexe: J'ai l'impression que ta décision est déjà prise; il faut juste accepter qu'elle va cliver les lecteurs et assumer ton choix.



EDIT : ce n'est pas le même sujet exactement mais ce fil t'intéressera peut-être. C'est sur la retranscription des accents, donc tu as des problématiques similaires (ça peut être lourd à lire, certains vont trouver ça méprisant…).
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ilham
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Re: La parole au peuple.

Message par ilham »

Je suis assez d'accord avec le point de vue de Nana. quoiqu'un peu plus tolérante sur le mélange des différents "tics de langage" quand je lis. Le tout, c'est que ça reste lisible, que ça en soit pas fatiguant à lire ( je peux tolérer beaucoup d'un personnage secondaire, moins d'un personnage principal ou très bavard) et que ça ne fasse pas caricature... à moins que ce ne soit une comédie que je lise !
Comme je te l'avais dit, c'est un point de vue possible. D'autres aimeront des dialogues plus écrits, peu réalistes, mais truculents... Mais ça, c'est ton choix d'auteur, ce que tu veux faire.
L'art du dialogue est délicat. Dans l'idéal ( l'idée que je m'en fais), on devrait distinguer chaque personnage par sa façon de parler, son vocabulaire, sa syntaxe, y lire son caractère. Dans les faits, c'est dur à obtenir. et quand j'écris, je rejoins Nana, je n'essaie pas d'appliquer 36 "trucs". Un tic de langage qui revient peut suffire à rendre un personnage bête... Des phrases courtes, affirmatives, voir impératives peuvent suffire à donner l'impression que ton personnage a une position supérieure ( c'est ce que j'ai fait pour Olivier dans la nouvelle que tu as lu. Nul part, je n'ai écrit qu'il était supérieur hiérarchiquement à ses collègues, mais tu l'as senti en partie grace aux dialogues.
J'ai surtout le souci avec Salim qui apprend le français en moins d'un an, seul... Comment le faire causer ? Alors de un, on évite la caricature "petit nègre" style tintin au congo... ensuite, c'est quoi le principal problème dans une langue étrangère ?
Le vocabulaire.
Apprendre à faire des phrases simples et correctes vient assez vite, mais le vocabulaire beaucoup moins... et dernière chose, en règle générale, leur façon de parler va être beaucoup plus soignée ou "scolaire" (pas d'élision, inversion du sujet quand il faut, phrase complète : sujet, verbe, complément). On fait la même chose quand on parle anglais
Après, y'a des différences selon les origines et ça va plus se jouer sur la prononciation, l'accent, en fait. Et ça, je trouve ça compliqué à intégrer à un dialogue. Ca peut vite devenir très lourd. Je préfère que ce soit décrit dans la narration pour alléger la lecture. Le dialogue doit faire vrai, doit donner cette illusion, mais en fait ce n'est pas une retranscription fidèle de la réalité. C'est toute la difficulté.
Mais sinon, j'ai un petit mantra personnel.
Mes parents avaient un ami assez proche quand j'étais gamine. C'est quelqu'un que j'aime beaucoup, qui vient du sud de la France, avec un petit accent qu'on entend encore bien que ça fasse des décennies qu'il n'y soit pas retourné. Et cette personne quand j'avais dix ans ponctuait ses phrases à coups de "couillon"... J'ai appris la plupart des insultes grace à lui ! Je dominais le sujet, sans problème, en cours de récréation ! Si je devais avoir un personnage de ce style, assez provocateur (mais tout petit, tout maigre, ce qui en rajoute encore dans la caractérisation), j'utiliserai ça. Mais imagine toi ce que ça donnerait dans un dialogue si je retranscrivais fidèlement les paroles. Ca ferait une répétition de "couillons" imbuvables, tu ne penses pas ?
Le truc c'est pas de coller à la réalité, mais de s'en inspirer et de rendre ça agréable, ou amusant, ou émouvant à lire...
Mais ce n'est que mon point de vue. Tu vas avoir des auteurs qui vont aller à fond dans ce genre de détails et ils sont appréciés pour ça. C'est comme pour tout, faut faire un choix et accepter que quoi qu'on fasse, ça ne plaira pas à tout le monde. Ce qui est important, c'est que tu saches toi pourquoi tu fais ces choix, vers quoi tu veux aller et à ce moment là, ben si tu veux faire un truc très léché, les avis de lecteurs ou betalecteurs qui cherchent eux du réalisme, ne te perturberont pas. Et inversement. et personnellement, je préfère un excès de caractérisation dans les dialogues qu'une absence totale, et pire encore des dialogues où on ne fait pas la différence avec le style de la narration.
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timioko
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Re: La parole au peuple.

Message par timioko »

Je suis d'accord avec ce qui a été dit :mouahaha:
Je pense que le principal danger c'est de faire caricatural. Dans un roman, chaque mot compte et à son importance. Du coup c'est pas la peine d'en faire des caisses. A la première intervention du personnage, on peut accentué un peu ses différences de langage, pour ensuite lissé dans le reste du roman en ne gardant que quelques expressions.
Je conseillerais comme Ilham de jouer sur le vocabulaire (plus ou moins familier/ soutenu) et de saupoudrait délicatement d'expressions, tic de langages et petites stylistique, juste assez pour faire vrai sans alourdir la lecture.

Je vous conseille la lecture de des Fleurs pour Algernon de Daniel Keyes. Le personnage au début est très limité intellectuellement, il est analphabète, écrit à peine. On lui propose un traitement pour devenir "intelligent" et tout le roman est son journal intime. Au fil du temps (et de l'avancé du traitement), le héros s'exprime différemment, gagne en fluidité.
Le Dr Strauss a dit que j'avait une bone motivacion. Ca m'a fait plésir quant il a dit que c'été pas tout ceux qui ont un QI de 68 qui en on autant que moi. Je sait pas ce que cé ni ou je l'ai eu mais il a dit qu'Algernon la souris l'avait aussi. La motivacion d'Algernon cé le fromage qu'ils mètent dans la boite. Mais ca peut pas ètre seulement ca pasque j'ai pas eu de fromage cet semène.
Je ne sais pas exactement ce qu'est un Q.I. Le Pr Nemur dit que c'est quelque chose qui mesure l'intelligence que l'on a - comme une balance au magasin mesure combien pèse une chose en kilos. Mais le Dr Strauss a eu une grosse discussion avec lui et a dit qu'un Q.I. ne "pèse pas" du tout l'intelligence. Il dit qu'un Q.I. indique jusqu'où peut aller votre intelligence comme les chiffres sur un verre à mesurer. Encore faut-il emplir le verre avec quelque chose.
Mais je sais maintenant qu'il y a un détail que vous avez négligé : l'intelligence et l'instruction qui ne sont pas tempérées par une chaleur humaine ne valent pas cher.
Franchement faut oser et assumer, et ça fonctionne parce que c'est là tout le propos du livre (et que le narrateur, quand il a du mal à écrire, écrit peu :sifflote: )

Mais si tu fais ça non pas pour parler d'un individu en particulier mais d'une classe sociale, tu joues un peu avec le feu. Honnêtement, plutôt qu'un accent à la Tintin au Congo, je vais préféré l'usage d'expressions (genre le personnage qui dit chocolatine :mouahaha: )
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ilham
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Re: La parole au peuple.

Message par ilham »

Algernon, le tour de force, c'est que c'est dans la narration même que c'est travaillé. Et ça, chapeau ! Parce que ça reste très agréable et facile à lire ( j'étais en 3e, je crois quand je l'ai lu).
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timioko
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Re: La parole au peuple.

Message par timioko »

ilham a écrit :
jeu. nov. 14, 2019 11:30 am
Algernon, le tour de force, c'est que c'est dans la narration même que c'est travaillé. Et ça, chapeau ! Parce que ça reste très agréable et facile à lire ( j'étais en 3e, je crois quand je l'ai lu).
Oui, c'est un magnifique tour de force mais ça marche parce qu'il y a pas un seul passage en trop et que les progrès sont rapides.
En fait, ça demande une maitrise bien plus grande, parce que le procédé ne peut tolérer aucune erreurs involontaires.
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Jonnie Go
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Re: La parole au peuple.

Message par Jonnie Go »

Yop,

J'ai lu y'a pas longtemps un bouquin d'Orscon Scott Card qui parle d'un cas particulier semblable à ton extrait yks (il me semble) : un narrateur 1ère personne qui, de fait, retranscrit un dialogue qu'il a eu/entendu.
(Là immédiatement, j'ai un peu la flemme de te chercher l'extrait :fatigue: mais je peux te retrouver ça ce week-end avec plaisir!)
Pour lui, le fait qu'un narrateur 1ère personne insiste trop (si c'est mesuré c'est OK) sur les tics langage de son interlocuteur, c'est comme s'il émettait un jugement négatif sur ce personnage (puisqu'il relève ce qui peut être apparenté à un défaut).
Il parle aussi des accents il me semble mais là je me souviens plus trop ce qu'il en dit -_- (je chercherai ça).

Sinon, pour donner un ressenti concret de lecteur, dans Hyperion y'a un perso qui bégaie et, à la lecture, ça m'a rapidement saoulé.
A un moment, il arrête de bégayer et j'ai été plutôt soulagé. D'ailleurs, c'est rendu légitime par l'intrigue mais je soupçonne l'auteur d'avoir voulu rendre son texte plus lisible...

Perso, je trouve que c'est bien de typer le parler d'un perso pour qu'on le reconnaisse immédiatement, mais pas au détriment de la fluidité de lecture. A moins que ça ne serve un propos vraiment important exprimé par le livre.
Si c'est juste pour caractériser, ça peut passer par plein de choses différentes ou, en tout cas, être utilisé avec parcimonie
(par ex, marquer le tic de langage dans les premières phrases où le perso intervient puis l'utiliser rarement - comme un rappel - par la suite).

Et Algernon :love: :love: :love:

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yks
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Re: La parole au peuple.

Message par yks »

Tout ce que vous dites est intéressant.

Là, malheureusement, je pensais avoir plus de temps à consacrer à ce sujet et les démarche me rattrapent.

Je retiens pour ce soir le critère de lisibilité et le fait que pour le coup, les élisions (du moins quelques unes bien tordues), ça n'aide pas. :?

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NaNa
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Re: La parole au peuple.

Message par NaNa »

Les émissions je crois que c'est surtout moi qui en parlait, c'est vrai que j'aime pas ça donc j'ai insisté dessus, mais je ne suis pas une généralité. C'est juste pour la fluidité comme les autres l'ont très bien dit.
"Make the plan, execute the plan, expect the plan to go off the rails, throw away the plan"

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Re: La parole au peuple.

Message par yks »

Nana a écrit :J'ai l'impression que ta décision est déjà prise; il faut juste accepter qu'elle va cliver les lecteurs et assumer ton choix.
Non, justement, ma décision n’est pas prise, sinon je n’aurais pas ouvert ce sujet.
ce n'est pas le même sujet exactement mais ce fil t'intéressera peut-être. C'est sur la retranscription des accents, donc tu as des problématiques similaires (ça peut être lourd à lire, certains vont trouver ça méprisant…).
Je l’avais effectivement déjà lu, j’y reviendrai lorsque j’aurai un peu plus de temps.
En fait, je vois pas trop comment t'aider parce que je me pose souvent plus la question de comment faire parler mes persos de milieux aisés que l'inverse : j'ai l'impression que ce sont eux qui s'expriment différemment, plus que l'inverse.
En fait, je n’ai pas la moindre idée de comment pouvaient s’exprimer ces personnages aristocratiques à leur époque. Du coup, ils parlent le plus possible comme nous le ferions et je pose le principe que c’est ça le langage de la noblesse. La plupart du temps d’ailleurs, quand ils sont entre eux, ils ne font que s’engueuler (sans grossièreté). Je suppose que le héros et deux ou trois autres personnages connaissent (ou arrivent très vite à acquérir) les codes adéquats. Du coup, pour éviter l’effet de lissage, ce sont un peu les petites gens que je condamne à mal parler.
ilham a écrit :je peux tolérer beaucoup d'un personnage secondaire, moins d'un personnage principal…
Effectivement, il s’agit de personnages très secondaires. Le mécanicien par exemple, n’intervient que dans trois scènes pour deux ou trois répliques. Par contre, il y a une servante que l’on va voir du début jusqu’à la fin ; j’ai bien pris soin de dire qu’elle savait lire (on la voit même en train de lire à plusieurs reprises). Du coup, à part quelques négations qu’elle oublie et deux ou trois broutilles, elle s’exprime normalement (sinon elle deviendrait vite agaçante). J’ai aussi Gavriil, sous-officier et simple écuyer (avec des pouvoirs spéciaux). Il emploie un langage quasiment correct mais très particulier et on le reconnaît tout de suite. Je ne peux pas faire cela pour tout le monde malgré tout. :(
Jonnie Go a écrit :Pour lui, le fait qu'un narrateur 1ère personne insiste trop (si c'est mesuré c'est OK) sur les tics langage de son interlocuteur, c'est comme s'il émettait un jugement négatif sur ce personnage (puisqu'il relève ce qui peut être apparenté à un défaut).
C’est vrai aussi. Bien qu’on ne puisse pas savoir quelles étaient les intentions du narrateur. Mais vu sa personnalité, il aurait plutôt tendance à excuser la rudesse des petites gens, voire même à l’atténuer.
timioko a écrit :Je pense que le principal danger c'est de faire caricatural. Dans un roman, chaque mot compte et à son importance. Du coup c'est pas la peine d'en faire des caisses. A la première intervention du personnage, on peut accentué un peu ses différences de langage, pour ensuite lissé dans le reste du roman en ne gardant que quelques expressions.
C’est peut-être bien dans cette direction que je devrais chercher. Comme je l’ai dit, ça ne concerne que quelques personnages très secondaires intervenant peu. Donc ça fait pas non plus des chapitres à réécrire.
ilham a écrit :quand j'écris, je rejoins Nana, je n'essaie pas d'appliquer 36 "trucs".
Effectivement, pour reprendre le mécanicien, il cumule pas mal de défauts de langage. C’est peut-être un peu trop caricatural et sans doute pas aisé à lire.
ilham a écrit :Après, y'a des différences selon les origines et ça va plus se jouer sur la prononciation, l'accent, en fait. Et ça, je trouve ça compliqué à intégrer à un dialogue. Ca peut vite devenir très lourd. Je préfère que ce soit décrit dans la narration pour alléger la lecture. Le dialogue doit faire vrai, doit donner cette illusion, mais en fait ce n'est pas une retranscription fidèle de la réalité. C'est toute la difficulté.
Là, c’est vrai aussi et, comme je n’ai pas la moindre idée de ce que peut donner un accent étranger dans une langue étrangère, j’en remets une couche. Par exemple, j’ai une servante d’origine polonaise qui va parler encore plus mal que le mécanicien, alors que ce qui la caractérise, c’est qu’elle est superstitieuse. Je pourrais me centrer là-dessus. En même temps, elle n’apparaît que brièvement dans un chapitre.
Pour le guide (il ne s’agit pas d’un guide touristique, mais de quelqu’un qui travaille pour le gouvernement local), là encore je n’avais pas la moindre idée de ce que peut rendre au niveau langage la confrontation de deux cultures. C’est vrai qu’encore une fois je ne voulais pas que les échanges se fassent sans relief et, le mieux que j’entrevoyais, c’était la touche exotique. Pour éviter l’effet "Tintin au Congo", j’ai laissé entendre que le guide en question s’évertuait de lui-même, par une sorte de snobisme (ou de refus, ou de défi), à parler ainsi alors qu’il aurait pu discuter presque normalement.
J’ai même tenté autre chose avec une jeune Bouriate. Elle, c’est un personnage secondaire très important que l’on voit assez souvent dans une partie du roman. Les deux héroïnes la rencontrent dans cette cité un peu spéciale où justement tout le monde se comprend quelle que soit la langue qu’il pratique (un peu l’antithèse de la tour de Babel). Du coup, les conversations sont normales entre elles et avec le prince aussi, parfois même d’un niveau assez élevé. Mais lorsque toutes les trois sortent de cette cité, elle ne peut presque plus communiquer à cause de son russe déficient. Bon, je ne suis pas méchant avec elle et elle se trouve très peu dans cette situation. :)
Avec ces exemples, j’essaie de montrer qu’il existe des différences sociales, ethnologiques qu'on repère par le langage (ça pourrait être aussi à cause d’un handicap) et que j'ai choisi d'essayer de rendre.
Nana a écrit :Bref, pour moi il faut un juste milieu. En fait, en écrivant, je me rends compte que chacun des procédés de retranscription du langage dit populaire ne me gêne pas; c'est quand on les met tous en même temps que j'ai l'impression que c'est artificiel.
ilham a écrit :Je suis assez d'accord avec le point de vue de Nana. quoiqu'un peu plus tolérante sur le mélange des différents "tics de langage" quand je lis. Le tout, c'est que ça reste lisible, que ça en soit pas fatiguant à lire.
timioko a écrit :Je conseillerais comme Ilham de jouer sur le vocabulaire (plus ou moins familier/ soutenu) et de saupoudrait délicatement d'expressions, tic de langages et petites stylistique, juste assez pour faire vrai sans alourdir la lecture.
Jonnie Go a écrit :Perso, je trouve que c'est bien de typer le parler d'un perso pour qu'on le reconnaisse immédiatement, mais pas au détriment de la fluidité de lecture. A moins que ça ne serve un propos vraiment important exprimé par le livre.
Si c'est juste pour caractériser, ça peut passer par plein de choses différentes ou, en tout cas, être utilisé avec parcimonie (par ex, marquer le tic de langage dans les premières phrases où le perso intervient puis l'utiliser rarement - comme un rappel - par la suite).
Voilà. Vos conseils vont un peu tous dans le même sens (en plus, presque chacun d’entre vous a bêta-lu un de mes extraits) et pour moi, vous êtes des personnes fiables. Je pense que c’est très bien que le problème du mécanicien soit apparu d'emblée (alors que j’avais une autre idée derrière la tête en postant l’extrait). J’ai commencé à faire un tableau avec tous ces personnages qui s’expriment en dehors de la norme que j’ai érigée comme étant un langage normal à connotation aristocratique. Je pense qu’il y a moyen de les sortir tous de la caricature, mais en gardant leur côté décalé.

Merci de vos interventions. :merci2:

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