Voilà un sujet qui me touche au plus profond de moi : j'y suis extrêmement sensible.
Mariedelabas a écrit :Très honnêtement, je pense que le vouvoiement crée une distance entre les personnes. Voilà, je crois que j'ai trouvé le point : le vouvoiement (dans mon environnement de vie en général) est la marque d'une importante différence d'âge, d'un éloignement relationnel (je ne tutoie pas un membre d'une administration à qui je téléphone, par exemple, ni la dame qui travaille à la Poste et que je ne connais pas bien, ni même un commerçant chez qui je me sers régulièrement), voire carrément d'une hostilité. C'est aussi une question de génération (ça fait très Vieille France de vouvoyer ses enfants ou son mari, ça existe !^^). Je ne tutoie pas facilement les inconnus. Si je te tutoies, c'est parce qu'en tant que membre de ce forum, tu n'es pas un inconnu pour moi.
C'est vraiment vraiment vraiment exactement mon ressenti sur le vouvoiement ou tutoiement, j'ai l'impression de me lire !
Je pense que dans certains cas le vouvoiement correspond effectivement à une distance.
Cette distance peut être volontairement établie, érigée : c'est alors de la
distanciation. Un rempart dont l'utilité ou la nécessité ressentie par le vouvoyeur peut d'ailleurs être tout à fait justifiée, louable, et non agressive : le souhait par exemple de rester neutre, impartial, "à sa place", etc. Rien de bien gênant à mon avis. A contrario, cette distance peut être une marque de déférence, ou la conséquence d'un manque d'audace, cas que cite Mariedelabas : vouvoiement d'un supérieur intimidant, d'une vieille personne, etc.
Dans ce cas, la distance est réelle !
Mon grand-père, qui vivait chez nous, a toujours vouvoyé sa fille (ma mère), jusqu'à sa mort. Mais ma mère, elle, bizarrement, l'a toujours tutoyé.
Quant à mon père, il a toujours vouvoyé son beau-père, donc, alors que ce dernier le tutoyait ! Allez y comprendre quelque chose...
Autre anecdote me concernant : quand j'étais adolescent, nous étions deux amis inséparables dans ma petite ville de Lorraine ; nous nous appelions Pollop et Pollop, considérant que nous ne faisions finalement qu'un, tout en n'étant pas grand-chose ! Bien sûr, nous tutoyions tous nos copains et copines (et ils étaient nombreux) mais nous faisions une exception : en public, tous les deux, nous nous adressions la parole uniquement en nous vouvoyant ! C'était un jeu, une pantomime, une connivence. C'était notre façon de nous démarquer, d'affirmer une différence entre notre amitié très forte, et la camaraderie plus légère avec les autres. Accessoirement pour amuser la galerie en jouant les originaux (oui, on aimait se la raconter, à l'époque )...
Je m'en souviens comme si c'était hier (ce qui n'est pourtant pas le cas
) et je trouve ça intéressant : même si c'était un jeu, la finalité était bien de marquer une différence, une
distance...
Aujourd'hui, dès que je me sens proche de quelqu'un (pour quelque raison que ce soit : travailler ensemble, avoir des affinités comme avec les grenouilles...) j'ai beaucoup de mal à le vouvoyer.
Il faut dire que j'ai besoin de me sentir proche des gens pour bien travailler avec eux (ce qui n'est pas forcément une qualité, loin de là...).
Dernière anecdote : il y a 30 ans environ, quelque chose comme ça, j'ai croisé un garçonnet dans la rue (je ne sais plus si c'était dans ma ville natale, ou à Nancy, ou Paris ?). Parvenu à ma hauteur, il me salua par un très poli "Bonjour, Monsieur !"... C'était la première fois qu'on me donnait du Monsieur, je me suis instantanément senti vieux, alors que je devais avoir une vingtaine d'années ! Ce petit bonhomme avait réussi à mettre de la distance entre moi-même et l'image de moi qu'il me renvoyait !
Il n'aurait plus manqué qu'il me vouvoie...
Ma conclusion est que le vouvoiement est un mystère !
La question initiale devient donc :
Le mystère est-il problématique entre membres ?
Au plaisir de vous tutoyer