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La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : jeu. mai 09, 2019 9:04 am
par Cléo Muceignet
Bonjour,

Je n’ai pas trouvé de topic sur le forum avec cette problématique, alors je me lance.

Je me demandais quelle était la limite ou les critères nécessaires à un texte historique pour être bêta-lu sur la mare, et, plus généralement, si certaines périodes ne créaient pas un rapprochement direct entre la thématique/l’époque de l’action et les genres de l’imaginaire. J’explique.

Je suis en train d’écrire une nouvelle qui se passe au IIe millénaire avant notre ère, en Mésopotamie. Pour l’instant, je n’ai pas prévu d’élément particulièrement surnaturel pour l'instant, même si je n'ai pas encore de structure donc d'intrigue figée. Cependant les personnages évoluent dans un monde où la présence des dieux est belle et bien tangible (selon leurs critères). Il y aura probablement des scènes d’hépatomancie et de sorcellerie (partie intégrante de la médecine d’alors). L’activité d’un des personnages est de vendre des statues votives et ex-voto afin de guérir les maladies en faisant appel à une divinité locale.

Plus généralement, je trouve que la frontière entre genre historique et SFFF est trouble quand on s’attarde sur l’histoire antique et sur certaines sociétés. Si on écrit sur Versailles ou la révolution industrielle, a priori, il est facile de trouver la limite entre SFFF et historique pur. Mais quand on écrit un texte se passant dans la Rome antique, ou en Égypte ancienne, ou avec des vikings, la frontière me semble bien plus floue.

Je n’ai jamais écrit de texte historique et d’ailleurs je n’en lis pas, du coup mon jugement est peut-être erroné.

Qu’en pensez-vous ? Pouvez-vous me renseigner ? Merci.

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : jeu. mai 09, 2019 6:32 pm
par Dirga
Sans être spécialiste non plus, il me semble que dans le cas d'un récit intégrant des éléments de sorcellerie et des divinités, tout dépend de la façon dont c'est traité. Soit on reste sur le mode historique qui n'adhère pas aux croyances et on ne présente sorcellerie et divinités qu'à titre de décors ou de simples opinions motivant les personnages dans l'intrigue, soit on fait fonctionner la magie et parler les divinités alors, du fait de ces manifestations, c'est SFFF. Ce n'est qu'un avis, pas une expertise, il faudrait donc avoir d'autres définitions par des grenouilles qui y ont réfléchi.

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : jeu. mai 09, 2019 7:13 pm
par NaNa
Je suis loin d'être une spécialiste et je laisserai des grenouilles plus au fait de tout cela le corriger au besoin. Je pense comme Dirga : tout dépend de la façon dont la magie est présentée. Si elle existe règlement, alors c'est de la SFF. Sinon, c'est un élément de background. Exemple ballot : si un perso catholique prie tous les soirs en espérant une réponse, ça ne paraîtra pas comme de la magie. Transpose ça a ton univers, et il n'y a pas de raison que ça change.

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : ven. mai 10, 2019 1:43 am
par RedRhum
Il est où le problème ? Si la magie et les dieux fonctionnent comme dans notre monde (i.e si c'est du pipeau) bah c'est pas de l'imaginaire.

Si la divination fonctionne et que les dieux ont un effet avéré sur le monde, ça peut être de la fantasy ou de la mythologie par exemple.

Si t'essaies de te mettre dans la peau des gens de l'époque qui croyaient à ces choses, mais que tu respectes les connaissances et les faits historiques, bah c'est pas de l'imaginaire.

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : ven. mai 10, 2019 6:22 am
par timioko
RedRhum a écrit :
ven. mai 10, 2019 1:43 am
Il est où le problème ? Si la magie et les dieux fonctionnent comme dans notre monde (i.e si c'est du pipeau) bah c'est pas de l'imaginaire.
C'est un peu plus compliqué que ça quand même, non ? Si j'écris une histoire sur ma mamie, de son PV, il lui est arrivé des choses, des faits, qu'elle met sur le compte du divin/ de la sorcellerie. Il y a effectivement deux actions : faire une demande puis guérir/ voir le problème résolu. Un PV omniscient pourra donner une autre explication, un PV interne intégrera la preuve de l'existence de la Magie.

Pour la question de base je dirais que la frontière elle est dans la volonté de l'auteur. Veux- tu faire un roman historique en parlant des croyances de l'époque, veux-tu t'inspirer de l'histoire et des croyances pour en faire autre chose, veux-tu que le lecteur y croit, ou qu'il soit perdu sans savoir si tu l'a entraîné dans de l'imaginaire ?

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : ven. mai 10, 2019 8:53 am
par Cléo Muceignet
En fait pour l'instant j'ai un début mais pas de fin ni de but fixe. Je ne me mets à écrire que lorsque j'ai fini une structure. Du coup je me laisse la porte ouverte à quelque chose de vraiment imaginaire ou de plus résiduel. Si effectivement les dieux n'interviennent pas, je me contenterai de l'historique mais je trouverais dommage de ne pas utiliser l'époque, ses moeurs et les données historiques réelles, pour faire quelque chose qui ouvre un chemin sur l'imaginaire. Il faut une réelle raison pour garder l'époque, et cette implication forte des dieux, liée à l'histoire politique de l'époque, me semble une bonne opportunité. Je me placerais dans le cadre d'une ville sainte qui change de gouvernement, car on passe d'une dynastie à une autre, à ce moment-là. Il me semble plus intéressant de jouer sur cette thématique et de renforcer le côté mystique.

Pour l'instant, j'ai des idées de scènes dans lesquelles les personnages résolvent certains de leurs conflits grâce à l'aide des divinités. In fine, cela leur permettra de faire du mal ou de provoquer des malédictions sur autrui. Dans l'idée, regarder un foie et se faire prédire une prophétie qui annonce la catastrophe à venir, puis empoisonner quelqu'un ou rendre quelqu'un malade par la sorcellerie, ça peut être interprété de deux manières : le personnage y croit et on peut estimer que les dieux ont effectivement agi, et que la malédiction s'est déclarée. Ou alors, perspective réaliste, ils y croient mais ce n'est qu'un hasard qui s'explique aussi par les lois de la nature : la malédiction est aussi causée par des herbes ou des remèdes qui rentrent en compte dans leurs recettes de sorcellerie.

Je trouve cela dommage de restreindre fantasy à des effets de magie ultra appuyée. J'aimerais jouer sur une frontière floue.

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : ven. mai 10, 2019 9:17 am
par NaNa
Pour moi, si tu laisses exprès la frontière floue, on est bien dans de la fantasy/du fantastique. Parce qu'on aura toujours le doute de savoir si les évènements ont une nature magique ou non.

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : ven. mai 10, 2019 11:59 am
par kyaramoe
Je suis d'accord avec Nana, ça me fait d'ailleurs penser à la série Vikings qui est considéré comme de l'historique, mais avec toutes les histoires de divinités et les phénomènes un peu surnaturels qui s'y passent, je ne serai pas choquée qu'on me présente ça comme du fantastique, parce que les personnages ils y croient dur comme fer et du coup nous aussi!

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : ven. mai 10, 2019 3:20 pm
par RedRhum
Pour Vikings c'est compliqué, on est de base très loin de la réalité historique avec des personnages semi-légendaire d'époques différentes (ex : Ragnar et Rollon)

Après c'est pas parce qu'on ajoute une ambiance et esthétique fantastique qu'on entre forcément dans le genre. Beaucoup d’œuvres qui aborde la folie, par exemple, questionnent le réel (hallucination, rêve, etc.) et vont faire du pied à d'autres genres (horreur, fantastique, etc.) sans en être.

Je pense que le plus important au final c'est comme en art : l'intention de l'auteur et sa capacité à la faire entendre. Si tu décides que ça en est et que le lecteur le comprend, c'est bon.

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : dim. juin 02, 2019 3:56 pm
par ilham
C'est un vaste débat sur la frontière entre fantastique et réalité, en fait . Et tout le monde n'est pas d'accord. Dans certains écrits, le fantastique 'ou le merveilleux, peut être si ténu qu'on peut lui donner des explications rationnelles (médicales, psychologiques, ou que sais-je encore). C'est souvent le cas dans les récits de Stephen king (pas tous, mais pas mal) et moi j'adore... et c'est pas de la littérature classique pour autant. Lisez insomnie et osez dire que c'est pas du fantastique... pourtant, il s'appuie complètement sur des faits scientifiques : manquer de sommeil provoque bien des hallucinations. Et on peut interpréter ce bouquin comme ça. et pour moi, c'est toute cette ambiguïté qui et intéressante. Après on a tous des gouts différents en la matière...
J'ai écrit un petit roman où le personnage peut sembler halluciner suite à un stress post traumatique durant 95 % du roman... au final, y'a qu'un seul détail dans une scène qui met le doute puisqu'un autre personnage voit la même chose que lui, à la fin. Et les retours que j'ai eus étaient variés. fantastique, pas fantastique... tout dépend de l'interprétation de ce détail. Est-ce que l'autre personnage hallucine aussi ? ou alors...
Je pense que c'est à toi de répondre à cette question et pour ça faut lire d'autres auteurs, voir comment ils font...
Moi, j'ai ma réponse : dès l'instant où dans ton histoire tu fais appel à des personnages mythiques ou issus d'une religion, on est dans le fantastique. C'est ma position d'athée qui ne croit pas en ces personnages (même si les gens de l'époque y croyaient)... Tu me balances Osiris ou Zeus comme personnage vivant dans un roman sur l'antiquité Grecque ou égyptienne et bien que je connaisse assez bien l'histoire de ces deux pays, pour moi on franchit le cap du fantastique...

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : lun. juin 03, 2019 9:41 am
par RedRhum
On peut distinguer la réalité du récit et le traitement du récit aussi. On peut avoir une réalité historique avec un traitement fantastique, c'est pas incompatible.

Un récit historique avec un narrateur très croyant ou fou pourrait bénéficier d'un traitement fantastique. David Lynch aime bien jouer sur ce genre de choses par exemple et tu l'évoques aussi.

Mais au final tout ça c'est des questions taxinomiques et les auteurs n'ont pas à s'en préoccuper.

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : lun. juin 03, 2019 4:35 pm
par Luna K
Si tu laisses une frontière floue, ce que tu décris est du fantastique. Si ce que tu veux faire, c'est que le lecteur se demande : la vérité est-elle du côté d'une explication rationnelle, ou y a-t-il vraiment un élément surnaturel ici, et soit dans le doute, c'est du fantastique.

Si c'est juste mettre en scène des personnages qui croient à de la magie/des dieux mais que le lecteur n'y croit pas du tout, pour moi c'est pas SFF.

Mais comme les genres sont un spectre et pas des boîtes étanches, si toi tu décides que c'est SFF et que ton intention en écrivant c'est justement d'amener ça, je pense que tu as ta réponse, parce que si tu voulais écrire de l'historique pur tu n'irais pas vers cette question.

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : ven. janv. 03, 2020 8:53 pm
par Axolotl-a-besicles
Débat très intéressant, qui dépend beaucoup de ta façon de considérer les religions et de celle de ton éventuel éditeur.
Perso, je fais de la fantasy mythologique ou historique. Et si c'est de la fantasy et pas du roman historique classique, c'est bien parce que je veux pouvoir intégrer sans souci tous les éléments de croyance, avec des dieux et des elfes (alfar) ou des kami qui interviennent vraiment. Et sans pour autant méconnaître le scepticisme qui a pu exister dans l'histoire ("Deux augures ne peuvent se regarder sans rire", dit un auteur latin dont j'ai oublié le nom). En fait, le roman historique classique est trop limité, il ne permet de vraiment reconstituer le Zeitgeist (l'esprit d’une époque) qui se nourrit autant des croyances que des aspects matériels.
Là où c'est plus coton, c'est si on écrit un roman sur l'Inde actuelle : faut-il considérer les prières très réelles aux dieux hindous comme "superstition" et le traiter comme tel pour faire de la littérature réaliste ? Même s'il y a aussi manipulation idéologique par le gouvernement de Narendra Modi, n'est-ce pas au fond du mépris néocolonialiste pour une autre culture de la part des "esprits forts" que sont les athées occidentaux confits dans la supériorité de leur Science, cette science qui n'explique pas pourquoi moi personnellement je dois mourir un jour ? Et n'est-ce pas nier le besoin de spiritualité inhérent à l'espèce humaine depuis les premières tombes - et les rituels chamaniques qui les accompagnent ?

AXO :love: :heart:

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : lun. janv. 27, 2020 8:26 pm
par HervéFiori
En ce qui me concerne, je suis en plein travail de réécriture d'un premier jet qui est pile dans cette problématique : c'est une uchronie qui se déroule dans l'Antiquité. Dans le récit, il y a une sorcière qui en veut à la reine du Royaume de Koush et use de magie noire pour parvenir à ses fins, alors je crois qu'on peut parler de fantastique. Bon courage pour ton roman, Cleo Muceignet :)

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : dim. févr. 02, 2020 10:43 am
par Ifuldrita
Le sujet date un peu mais comme je suis en plein dedans, et que je n'ai pas vu l'exemple, j'ai eu envie de poster :)

Je dirai que ça dépend si tu poses la question pour "l'art" en lui-même, et dans ce cas je suis tout à fait d'accord avec les avis qui ont été donnés plus haut.
Si par contre tu te poses la question par rapport à dans quelle "case éditoriale" rentrer (par exemple parce que tu voudrais envoyer ta nouvelle à des éditeurs, et donc qu'il te faudrait cibler lesquels), dans ce cas je pense que les deux sont possibles : un éditeur de blanche y verra le côté historique (et la réalité de ces superstitions à cette époque), un éditeur d'imaginaire y verra le côté magie.

Je suis certaine d'avoir lu ce genre de fiction en blanche, mais ma mémoire me joue des tours car ça fait des années que je n'en lis plus.
Par contre en fantasy j'ai un exemple très actuel : à mon avis, c'est très exactement le positionnement du cycle Rois du monde, de JP Jaworski (en tous cas pour les 2 ou 3 premiers tomes que j'ai lus). On est dans un contexte rigoureusement historique (enfin pour le peu que j'en sache), et les personnages croient dur comme fer à la magie. Mais en tant que lecteur du 20ème siècle, on ne sait pas si cette magie est réelle ou non.
Si ce cycle est positionné comme fantasy dans les cases littéraires, ce n'est à mon avis pas à cause de ce critère (ou cette absence de critère).