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Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : lun. mai 11, 2020 1:20 pm
par Le scribe
timioko a écrit :
ven. mai 10, 2019 6:22 am
RedRhum a écrit :
ven. mai 10, 2019 1:43 am
Il est où le problème ? Si la magie et les dieux fonctionnent comme dans notre monde (i.e si c'est du pipeau) bah c'est pas de l'imaginaire.
C'est un peu plus compliqué que ça quand même, non ? Si j'écris une histoire sur ma mamie, de son PV, il lui est arrivé des choses, des faits, qu'elle met sur le compte du divin/ de la sorcellerie. Il y a effectivement deux actions : faire une demande puis guérir/ voir le problème résolu. Un PV omniscient pourra donner une autre explication, un PV interne intégrera la preuve de l'existence de la Magie.

Pour la question de base je dirais que la frontière elle est dans la volonté de l'auteur. Veux- tu faire un roman historique en parlant des croyances de l'époque, veux-tu t'inspirer de l'histoire et des croyances pour en faire autre chose, veux-tu que le lecteur y croit, ou qu'il soit perdu sans savoir si tu l'a entraîné dans de l'imaginaire ?
Je suis d'accord. Comme tu le dis, cela dépend beaucoup du point de vue adopté :
- externe, avec un narrateur omniscient qui peut montrer que les croyances du personnage ne sont que des croyances, auquel cas on reste dans l'historique.
- ou interne, où on ne sort pas la vision du monde qu'ont les personnages, vision qui peut pleinement intégrer la croyance en l'efficacité de rites religieux, magiques, ou de pratiques de voyance, d'astrologie, de pseudo-sciences, etc. Dans ce cas, on bascule dans l'imaginaire, ou dans ce que j'aime appeler l'historico-fantastique : des histoires merveilleuses, mais où le merveilleux ne fait que refléter le plus fidèlement possible les croyances internes à la communauté humaine d'un lieu et d'une époque données qu'on met en scène.

Ce sera plus clair avec des exemples. L'exemple typique récent de l'historico-fantastique, pour moi, c'est le cycle Rois du monde de Jean-Philippe Jaworski, qui se déroule en Gaule préromaine autour du VIIe siècle avant J.-C. Mais, à la lecture, c'est de la fantasy. Le personnage passe pour mort après une bataille, sauf qu'il n'est pas mort. Rien d'irrationnel là-dedans. Sauf que tous les personnages, à commencer par le narrateur, réagissent en fonction de leur culture, de manière irrationnelle, en mettant en jeu des puissances surnaturelles : en gros, le personnage a beau être vivant, il est considéré par les autres (et se considère lui-même) comme pas vraiment revenu du royaume des morts, et il doit accomplir un rite, une quête, etc. pour revenir parmi les vivants pour de bon. Même chose dans les chapitres montrant ses souvenirs d'enfance et de jeunesse : il rencontre quelqu'un dans une forêt qui est peut-être un géant, qui a peut-être des pouvoirs, mais la narration brouille complètement les pistes, à dessein, et le résultat relève bien plus du merveilleux que du réalisme au sens où on l'entend habituellement. A mon sens, c'est le pinnacle du réalisme historique : on prend en compte l'irrationnel et l'imaginaire collectif de la culture où se déroule l'histoire. Mais structurellement, plus rien ne distingue ça d'un roman de fantasy.

Entre les deux, il y a toujours une zone floue.

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : lun. mai 11, 2020 8:10 pm
par Axolotl-a-besicles
Le scribe a écrit :
lun. mai 11, 2020 1:20 pm
Le résultat relève bien plus du merveilleux que du réalisme au sens où on l'entend habituellement. A mon sens, c'est le pinacle du réalisme historique : on prend en compte l'irrationnel et l'imaginaire collectif de la culture où se déroule l'histoire. Mais structurellement, plus rien ne distingue ça d'un roman de fantasy.
Je n'aurais pas mieux dit. Perso, c'est ce genre de choses que je fais : de la fantasy soit mythologique, soit historique. parce que les croyances d’une époque en font partie intégrante, et qu'on ne comprend pas une autre culture en évacuant les aspects religieux comme si c’étaient des "superstitions". C'est vraiment une attitude néocolonialiste d'athées occidentaux que je trouve très irrespectueuse.
Vous n'allez pas dire à un brahmane, dans l’Inde actuelle, que sa religion c'est de la merde, juste parce que c'est un polythéisme qui ressemble à celui de la Grèce antique dont "tout le monde" (en fait, les Occidentaux) sait que c'était juste une superstition... Ni à un prêtre shinto, dans le Japon actuel... Ou sans aller aussi loin, comment mettre en scène un prêtre catholique bien de chez nous dans un roman contemporain, sans insulter la religion historique de France, ni la réduire à un simple folklore ?
A un moment donné, il faut comprendre que la spiritualité fait partie de l'expérience humaine, et qu'un romancier honnête se doit d'en faire le portrait sans caricature. On peut croire soi-même ou pas, là n'est pas la question, et ce ne sot pas toujours les croyants qui parlent le mieux de mysticisme. Être agnostique ou athée n'empêche pas de comprendre les mécanismes psychologiques à l’œuvre, la façon d'interpréter les faits selon une grille de lecture religieuse que l'on ne partage pas forcément.
Et c'est ça la littérature, elle nous emmène dans la tête de quelqu’un qui pense différemment... et c'est encore plus vrai en SFFF.

AXO :love: :heart: '

Re: La frontière entre historique et genre de l'imaginaire

Posté : lun. mai 11, 2020 9:07 pm
par Ifuldrita
tout à fait d'accord :)
Le scribe a écrit :
lun. mai 11, 2020 1:20 pm
Ce sera plus clair avec des exemples. L'exemple typique récent de l'historico-fantastique, pour moi, c'est le cycle Rois du monde de Jean-Philippe Jaworski, qui se déroule en Gaule préromaine autour du VIIe siècle avant J.-C. Mais, à la lecture, c'est de la fantasy.
et c'est vraiment ce que je trouve super original dans cette saga. Chacun y trouve midi à sa porte :heart: