Construction de phrases (formule magique?)

[paul sheldon]

Bonjour à tous, j'ai une question et des conseils à vous demander sur les règles de construction de phrases littéraires.

J’ai remarqué que les écrivains professionnel on une manière d’écrire leur phrases qui est beaucoup moins directe que les débutants. Tout comme leur histoire générale qui est écrite en plusieurs trames qui se fondent entre elles, ils évitent de donner une impression linéaire dans leur récit. Ils font « voyager » le lecteur sur plusieurs thème et tons au sein d’une même phrase.
Ce que je n’arrive pas à faire.
Un exemple de mes phrases « stériles » que j’aimerai délier un peu, avec un exemple en dessous d’une phrase type de Stephen King. Je ne dis pas que la phrase est un chef d’œuvre en soit, mais j’admire la manière dont il « zigzag » dans une même phrase.

Ex d’une phrase écrite par moi (trop directe, stérile) :

Fish tourna la tête vers André, bien curieux de savoir comment il pourrait tirer un profil psychologique du tueur avec si peu d’éléments.

Ex d’une phrase (que je trouve typiquement réussie, phrase ouverte et zigzagante) de SK :

La marmotte se dandinait sur le bas-côté de la Route 119 en direction de Chester’s Mill, alors que la ville était encore à plus de deux kilomètres et que le parc de voitures d’occasion de Jim Rennie se réduisait à des alignements de reflets brillants, là où la route tournait à gauche.

Sa phrase sonne beaucoup plus naturelle, et il évite les verbe participatif et tournures lourdes dans le genre : elle glissa sur le carreau, tombant a terre, s’ecrasant sur le sol avant de blabla etc...

En gros, quel est la formule grammaticale pour faire des phrases “ouvertes”, dans lesquelles on peut exprimer plusieurs choses a la foi, sans être trop objectif et en évitant un maximum les verbes participatif?

[Earane]

Je ne crois pas qu'il y ait de recettes types.
Et je dois avouer que je ne partage pas ton avis

Le propre de l'écrivain, professionnel ou non, est de faire passer le message, clairement. La simplicité n'est en rien un critère négatif et je dirais même que ce n'est pas nécessairement un signe de faiblesse.

Je connais bon nombre d'écrivains qui peuvent faire passer une idée sans pour autant utiliser deux subordonnées, des PP, des propositions nominales, tout ça dans la même phrase.

Je ne crois pas que l'écrivain professionnel soit davantage plus apte à écrire qu'un autre. D'ailleurs qu'entends-tu par là ? Il y a des écrivains pros qui ne sont pour autant pas adeptes des phrases dont tu donnes un exemple. Je crois que l'on peut aussi toucher le lecteur avec des phrases courtes. Sans doute, ôtée de verbes dits faibles, mais pas pour autant dénuées de sens ou d'ambiance, et cela, sans pour autant que cela ne soit des phrases à rallonge non plus.

Je crois que lire beaucoup permet d'étoffer son vocabulaire mais c'est aussi affaire de sensibilité personnelle et d'apprentissage sur le tas, plus on écrit, plus on s'améliore (enfin, c'est mon avis tout personnel, et donc, subjectif )

[Selsynn]

J'ai envie de te répondre que c'est lors de la relecture, si tu as une image très précise de la scène que tu écris.
Lors de la relecture, parce qu'il faut que tous les détails soient au niveau peaufinage, je ne suis pas sûr qu'il soit possible à quelqu'un de novice de tout réussir du premier coup (et puis comme ça, ça pardonne de rester à tourner en rond trois heures en cherchant la phrase parfaite)
Et aussi que tu as besoin d'avoir un portrait très très précis de la scène à rédiger, parce que sinon, tu n'auras justement pas l'idée de ce genre de détail pour mettre en lumière ta phrase.

Après, j'aimerais rajouter que cela ne peut se faire qu'avec un certain type de narration. Et pas vraiment celui avec lequel tu écris. Je ne crois pas possible de le faire avec ton point de vue. Cette phrase est en plus compliquée à comprendre, et donc, il ne faudrait pas que tout le roman en soit constitué (mais j'ai jamais lu SK, j'ai toujours eu peur des sujets traités, je suis une âme sensible !)
En effet, le point de vue est omniscient, et surtout externe (à priori).
Ton point de vue est interne, on est dans la tête de ton personnage.

Du coup, si tu mets ce genre de phrase, ça va faire un décalage trop grand, et ça va "clocher" directement au premier coup d'oeuil (un peu comme si tu mettais soudainement une phrase de poésie ou une blague dans un roman qui n'a rien à voir, sans avoir préparer le terrain, "en narration".

PS : je suis pas sure que ce soit la bonne rubrique... Mais je vois pas où mettre d'autre. Plume dans la palme ?
Edit : Je suis totalement d'accord avec Earane qui a répondu avant que j'ai terminé d'écrire ma réponse

[Crazy]

Ex d’une phrase écrite par moi (trop directe, stérile) :

Fish tourna la tête vers André, bien curieux de savoir comment il pourrait tirer un profil psychologique du tueur avec si peu d’éléments.

Si tu veux te flageller, profites-en, c'est la saison des orties !

Ta phrase est très bien, je trouve. A la limite, tu pourrais vouloir améliorer le "tourna la tête vers", mais bon...

SK reconnaît lui-même être atteint de diarrhée verbale, tu n'es donc pas obligé de suivre son exemple

@Selsynn : SK ne fait pas tant dans le gore, hein. Tu peux commencer par des trucs plus softs, comme Colorado Kid

[paul sheldon]

Merci pour vos avis !

[Colcoriane]

Je dois dire que j'ai eu un peu envie de rire en lisant ton message, parce que, en toute honnêteté, ma préférence va largement à ta phrase qu'à celle de Stephen King, que je trouve pour le coup difficile à comprendre et beaucoup moins naturelle. En bêta-lecture, je la lui aurais certainement soulignée comme phrase alambiquée qui gagnerait à être scindée. (avis aux fans de Stephen King : pas taper ! )
Et d'ailleurs, un truc que j'ai appris grâce à Cocyclics, justement, c'est à éviter les phrases trop longues et "zigzagantes", comme tu dis, précisément parce qu'elles nuisaient à la compréhension. Ce qui ne veut pas dire qu'elles soient à bannir pour autant, hein ; simplement, c'est souvent plus difficile de se faire comprendre avec une longue phrase pleine d'infos qu'avec plusieurs phrases plus courtes. C'est faisable, mais demande une vraie maîtrise.
Chaque auteur a son style, sa voix ; certains aiment les longues phrases pleines d'idées, d'autres préfèrent un style plus incisif. Et on ne peut pas dire "untel écrit mieux". Non, il écrit différemment, c'est tout. Et tel lecteur préfèrera les longues phrases, tel autre ne jurera que par la simplicité. Et un troisième aimera autant l'un que l'autre.

Bref, ne cherche pas à faire compliqué juste parce que tel grand auteur fait compliqué. C'est SA voix, pas la tienne. Et quand on lira ton roman, on voudra entendre TA voix, pas la sienne. Ecris comme tu le sens, toi.

[Siana]

Je pense aussi que ça dépend des phrases. Pour moi, les deux exemples que tu donnes ont une fonction différente dans le texte qu'ils servent, et sont donc construits différemment. Ton exemples relève d'une courte pensée/introspection du personnage (mais aussi une phrase d'action), tandis que l'autre est une description (plus dans la contemplation).
Tu gagnerais donc peut-être davantage à comparer des passages dont le fond à la même destination (description, suspense, explication, etc.).
Après, je suis d'accord que la relecture aide bien pour voir les passages moins biens/beaux. Mais avoir une idée précise de l'atmosphère/l'émition que tu veux faire ressentir au lecteur peut aussi aider à construire les phrases, en fonction du contexte.

[tomate]

La marmotte se dandinait sur le bas-côté de la Route 119 en direction de Chester’s Mill, alors que la ville était encore à plus de deux kilomètres et que le parc de voitures d’occasion de Jim Rennie se réduisait à des alignements de reflets brillants, là où la route tournait à gauche.

C'est surtout un texte traduit de l'anglais donc retrituré à partir d'une langue qui ne fonctionne pas comme la nôtre.

[mirkie]

Trois petites astuces que j'utilise quand je trouve mes phrases ou paragraphes trop "bateau" :

-Est-ce q'il y a quelque chose que je dis qui pourrait être montré ? (certains disent "show, don't tell !" )
-Est-ce que chaque mot que j'utilise est LE bon mot ? (utilise un dico des synonymes !) Est-ce qu'un autre mot me permettrait de préciser mieux ma pensée sans alourdir, voir en allégeant la phrase ?
-Est-ce qu'il y a quelque chose que je montre, qui se compose en fait de plusieurs choses à détailler ? (lire "treize à la douzaine" !)

A titre d'exemple :

Spoiler: montrer

- Eric ? Descends de là tout de suite !
Pas de réponse.
Marion soupira, appela encore, puis grimpa en haut de l'échelle et entra dans le grenier. Incroyable ! Eric était allongé, presque endormi, et souriait d'avoir fait monter sa soeur jusque-là.

- Eric ? Descends de là tout de suite !
Pas de réponse.
Marion soupira, puis posa son pied sur le barreau de l'échelle.
- Dernier avertissement, Eric ! Je monte !
L'échelle ployait légèrement sous son poids : un peu effrayée, la midinette testait chaque barreau avant d'y poser définitivement le pied. Ses yeux s’écarquillèrent d'indignation quand elle passa la tête par l'ouverture : Eric sommeillait tranquillement dans le foin. Seul un brin de sourire trahissait sa joie d'avoir fait grimper sa soeur jusque là.

Mais je suis plutôt d'accord avec les autres : la simplicité n'est pas une tare...
En philo, on dit "une phrase = une idée" : je pense que c'est à garder dans tout les textes !

(Je suis plus partit sur des paragraphe que sur une seule phrase : j’espère que je ne suis pas hors-sujet ! )