Le cyberpunk et ses dérivés

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Pika
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Le cyberpunk et ses dérivés

Message par Pika »

De mois en mois, les appels à textes pullulent et font surchauffer nos cerveaux fourmillant. Aujourd’hui attablée devant deux genres imposés et savoureux qui sont le steampunk et l’arcanepunck, je vous propose de découvrir les grandes caractéristiques de ces univers et dérivés.
« Le steampunk s’efforce d’imaginer jusqu’à quel point le passé aurait pu être différent si le futur était arrivé plus tôt ».
(Daniel Riche, Futurs antérieurs)


Cyberpunk : un futur noir


"cyber" pour cybernétique (science des analogies maîtrisées entre organismes et machines, l'art de gouverner grâce aux nouvelles technologies)
"punk" pour voyou, en anglais (qui rejette les valeurs établies, contestataire, à contre-courant)

C'est William Gibson qui a véritablement créé l'univers cyberpunk qu'il appellera le "cyberspace" dans ses romans et nouvelles.
Cet univers parent de la science-fiction montre notre avenir sous un jour pessimiste : pollution, mégalopoles surpeuplées, domination des faibles par une puissante minorité…

Dans le cyberpunk, l'informatique règne. Les robots, les cyborgs font partie intégrante de la vie quotidienne. La connexion au « réseau » est omniprésente et faut s'adapter à la machine pour survivre. Seuls les plus forts maîtrisent suffisamment la technologie. Les autres vivent en marge de la société et deviennent des parias ou des criminels... Le monde est ainsi dominé par de grandes multinationales qui ont assis leur pouvoir en utilisant informatique et intelligence artificielle.

Le punk, le voyou, intervient dans ce genre pour non pas chercher à contrer l’essor des technologies, mais le dominer. Il pourra ainsi devenir hacker et combattre pour les causes qui lui sont chères.
Le héros est pour la première fois un anti-héros. Un solitaire et regimbant gaillard, peut-être drogué et violent. Il baigne bien souvent dans les sociétés secrètes, la mafia, les services gouvernementaux. Le punck de l’âge cybernétique tente alors de reprendre le contrôle, de sortir du système en s’y immergeant jusqu’au cœur.

Thèmes majeurs :
Un futur non daté
Une technologie illimitée dont tous les domaines peuvent être abordés
Le pouvoir de l’économie que représentent les multinationales
Un système informatique largement mis en avant
L’humain contre la Machine
L’anti-héros
Des Hommes améliorés, hybrides de chair et de métal, cyborgs (coucou Jokiel)

Matrix est un célèbre exemple de dérivé.

De ce genre de science-fiction pessimiste découlent d’autres facettes du punk. Si vous vous êtes déjà frotté à la classification des sous-genres de la fantasy, vous comprenez à quel point il est difficile de placer des barrières entre steampunk, arcanepnk, biopunk, postcyberpunk et leur aïeul. Tentons néanmoins le coup !


Steampunk : un passé futurisco-alternatif


Steam : vapeur
Punk : référence au slogan « no futur » des réfractaires
« c’est en quelque sorte la science-fiction d’hier, vue avec un regard actuel ».
(Les Sentiers de l’Imaginaire)

Ce célèbre genre est un courant présent dans tous les domaines artistiques : musique, mode, jeux, littérature, films d’animation…

Il s’agit d’un univers parallèle au notre où la vapeur et l’éther ont pris le dessus : dans une époque victorienne, la technologie reflète celle de la première révolution industrielle : la vapeur. Le Steampunk est un courant littéraire issu de la science-fiction : il visait à sa naissance à parodier le cyberpunk.

Plus que le cyberpunk, le steampunk est un décor. Le roman peut se diriger vers la romance, le trhiller, des parodies, de la fantasy urbaine…

Au XIXe siècle, l’avancée technologique a fait un bond en avant, mais de manière anachronique. Plutôt que de privilégier l’électricité ou le moteur à combustion interne, les technologies privilégient les machines à vapeur du début de la révolution industrielle.
Il s’agit d’une époque victorienne fantasmée, dans laquelle les machines utilisant de la vapeur et des rouages sont nombreuses. Il y a, dans les univers steampunk, différentes innovations futuristes qui gardent cette esthétique propre à l’époque : dirigeables, phonographes… Le genre n’est pas réaliste car il est courant d’y croiser des robots ou des engins futuristes.

Jules Vernes est un père fondateur de ce genre. Jetez donc un coup d’œil au Nautilus pour en être convaincus. Si les romans de Jules Verne avaient été écrits à notre époque, ils auraient été parfaitement steampunk, mais ayant été écrit au XIXe siècle, il s’agissait alors de romans de « merveilleux scientifique ».

Le steampunk ne se focalise pas sur la réflexion historique comme le fait la césure. Le but est d’avoir le contexte victorien, et de développer une intrigue au milieu d’anachronismes, de progrès technologique alternatif voire prématuré, de savants un peu fou, pour mélanger le tout à la société victorienne classique.

La science imaginaire développée dans le steampunk peut être implicitement mêlée à la magie. Il faut dire que la question « où s’arrête la magie et où commence la science », et inversement, est au cœur de bien des réflexions de l’imaginaire !

Thèmes majeurs :
Des véhicules aériens améliorés, des pistolets bizarres
Des classes sociales très présentes
Un univers industriel
Des protagonistes maniérés au langage travaillé, aux mœurs sophistiqués
Pas d’électricité mais des engrenages, des boulons et du cuivre
Une condition féminine fidèle aux mœurs de l’époque

Captain América (2011), l’ingéniérie des gobalins dans Warcraft, Retour vers le futur 3, les Châteaux dans le Ciel et Ambulant, s’inspirent d’un tel univers.


Postcyberpunk
Le cyberpunk ne se déroule pas avant le postcyberpunk. Par contre, l’attrait du public pour ce nouveau genre a lieu une trentaine d’années après l’engouement pour le genre père des dérivés étudiés ici.

Le postcyberpunk a sans doute émergé du fait que les auteurs de science-fiction et la population en général ont commencé à utiliser les ordinateurs, Internet, sans souffrir de la fracture numérique massive prédite dans les années 1970 et 1980.

L'écrivain et critique Lawrence Person identifie l'émergence d'un courant postcyberpunk par rapport au cyberpunk. Notes pour un manifeste postcyberpunk dit : « Le Postcyberpunk fait apparaître des personnages et des cadres différents du cyberpunk, et, surtout, fait des hypothèses fondamentalement autres sur le futur. Loin d’être des marginaux solitaires, les personnages de postcyberpunk font bien souvent partie intégrante de la société. Ils évoluent dans un futur qui n’est pas nécessairement anti-utopique (en fait, ils baignent souvent dans un optimisme qui va de la prudence à l’exubérance), mais leur vie quotidienne reste marquée par le renouvellement technologique rapide et une infrastructure informatisée omniprésente. »

Le futur est proche et réaliste. L'attention est portée sur les effets sociaux de la technologie déployée sur Terre plutôt que sur les voyages dans l'espace. On obtient une description plus plausible des ordinateurs, par exemple en substituant la réalité virtuelle par un réseau de voix, d'image, de son ou d'holographie basé sur Internet.

Le postcyberpunk tend à traiter des personnes qui agissent pour défendre un ordre social existant ou pour créer une meilleure société. Issus des couches moyennes de la population, ils ont fondé une famille, ont une vie sociale, des responsabilités, et sont suffisamment intégrés pour prospérer. Il est à signaler que les descriptions très détaillées de l’environnement des personnages sont souvent présentes.

La science-fiction tente la séduction par l'optimisme après des années de séduction par l’effroi. Le personnage s’éloigne de l’anti-héros créé à travers le cyberpunk. Avec le postcyberpunk, la technologie est la société. L’émergence des nanotechnologies et des biotechnologies est d’ailleurs présente dans ce genre.
L’idée sous-jacente est d’humaniser l’univers cyberpunk. Il ne s’agit pas de dire que le paradis technologique est pour demain, mais qu’il est possible d’être bien portant et sain d’esprit dans un univers hyper-technologique.

Thèmes majeurs :
Un futur non daté
Une vision optimiste de l’avenir
Un héros intégré à la société
Une présence exacerbée des technologies


Biopunk
Bio : biotechnologie ou biologie
Punk : cyberpunk

Cette catégorie permet de jouer avec l’ADN, de remodeler les corps, de les rendre plus performants.
Un grand classique du thème est l’hôpital expérimental, tout à fait illégal et où les docteurs créent, jouent, charcutent, pour le plaisir de tordre la nature.
On se trouve encore une fois dans l’univers futuriste et plausible du cyberpunk, mais l’information n’est pas informatique. La génétique, la biologie a le contrôle.
Un genre en lien avec le biopunk est le nanopunk : les nanotechnologies pour modifier les humains.

Vous en voulez encore ?

Teslapunk : Reprenez le steampunk, et remplacez la vapeur par l’électricité !

Le dieselpunk : rétrofuturiste, comme le steamupnk, mais sur une période différente. Le dieselpunk couvre, d'un point de vue culturel, esthétique et technique, la période allant de 1920 jusqu’aux prémices de la guerre froide. La peur de la guerre, du communisme, le nucléaire, la troisième WW… sont autant de thème habituellement abordés.

Decopunk : On reste dans les années 1920 à 1950. Davantage tourné vers l’art de la décoration, certes, ce genre existe ! Plus brillant, plus optimiste que le dieselpunk. On oublie les masques à gaz et les teintes kakis.

Clockpunk : Cette fois, la période couverte est la renaissance. Inspirez-vous des projets de Léonard ! De Vinci devrait pouvoir vous ouvrir la voie. À vous d’ajouter des touches de modernisme.

Atom(ic)punk : Reprenez le steampunk, le dieselpunk, et repoussez encore un peu la période détournée : nous arrivons dans la guerre froide ! De 1945 à 1965, nous arrivons dans l’ère de l’atome, de la conquête spaciale, de Tchernobyl.

Quelles périodes n’avons-nous pas encore couvertes ? L’âge de pierre ? Stonepunk ! L’âge de bronze ? allons-y avec Bronzepunk.

J’ignore pour quelle raison ces genres sont qualifiés de « punk » mais l’idée véritable de tout ce charabia est là : vous pouvez ainsi marier toutes les époques, toutes les technologies. Allez-y, le temps n’existe pas, la durée n’est qu’illusion.

D’autres pistes ?

Dreampunk : une période post-moderne basée sur une dystopie. On se concentre sur le pouvoir alchimique du rêve, on mixe le cyberpunk, la mythologie, les traditions chamaniques, les contes de fées et une généreuse quantité de phychologie pour obtenir ce sous-genre.

Mythpunk : cette fois, il s’agit d’un mélange de modernisme et de mythologie. On peut faire le parallèle avec la science-fantasy.
Dans le même genre, j’appelle : Arcanepunk, où la magie côtoie la technologie (où la technologie est si extraordinaire qu’elle remplace ma magie, au choix). Un autre ? Elfpunk, où les créatures de Tolkien s’invitent.
Et pour aller plus loin : Splatterpunk qui marie horreur et gore. Ce genre existe, lui aussi, sans s’affirmer clairement.

Quelle barrière n’est pas encore tombée dans ce joyeux méli-mélo ? Envoyez vos héros dans le Moyen-Orient, à une époque mariant les sous-marins de Jules-Vernes et les centrales nucléaires. Voyagez jusqu’à Mars avec l’avion de Léonard de Vinci.

Cet article montre à quel point les limites sont aisées à franchir. Les genres punks, mais aussi fantasy ou encore fantastiques réclament à être repoussés jusqu’à leurs limites.

Pour montrer l’exemple, j’ajoute à cette liste non exhaustive le pikapunk, dont je vous laisse deviner la définition.

Tanc
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Re: Le cyberpunk et ses dérivés

Message par Tanc »

Très intéressant, merci!
Une question:
Pika a écrit :
lun. févr. 05, 2018 11:31 pm
Le steampunk ne se focalise pas sur la réflexion historique comme le fait la césure. Le but est d’avoir le contexte victorien, et de développer une intrigue au milieu d’anachronismes, de progrès technologique alternatif voire prématuré, de savants un peu fou, pour mélanger le tout à la société victorienne classique.
Je n'avais pas entendu parler de la césure comme un genre littéraire, comment le définirais-tu?
Pour le Steampunk, je pense qu'il y a beaucoup d'avenues à explorer. Beaucoup se focalisent sur une société victorienne/Impériale du XIXème. Certaines vont aller voir les prolétaires, mais tout reste très fortement orienté sur ce que nous appellerions les métropoles.

Un champ peu exploré est celui que ces sociétés steampunk ont sur le reste du monde. C'était après tout l'époque de la colonisation et des explorations, avec ce que ça apporte de conflits et de questionnements sur la nature de la technologie et du rapport à l'autre.

C'est ce que je tente de faire dans mon roman, qui se passe en Indochine dans les années 1880.

C'est d'ailleurs un angle mort dans beaucoup de ces genres
- Podcast Histoire des Indes Orientales -
De l'Empire Portugais à l'Indochine Française!

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Pika
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Re: Le cyberpunk et ses dérivés

Message par Pika »

Je suis tout à fait d'accord, on se concentre souvent sur l'épicentre au lieu de s'éloigner des villes pour regarder les sociétés steampunk d'un œil étranger, campagnard... Certaines thématiques abordent l'environnement et la santé mais elles ne sont pas majoritaires.
Ce que j'adore avec des uchronies, c'est que toutes les facettes sont à explorer, j'ai l'impression que les possibles sont infiniment plus nombreux qu'en littérature blanche et pourtant plus précis qu'en fantasy.

La césure... Désolée, je suppose que c'est un abus de vocabulaire. C'est pour moi une pause dans le temps, une parenthèse où l'auteur dit "voilà, c'est là qu'on va poser l'histoire".

Avel
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Re: Le cyberpunk et ses dérivés

Message par Avel »

La nouvelle Good hunting, de Ken Liu, apparemment non traduite en français (en tous cas je n’ai pas trouvé), commence dans la campagne chinoise. Le héros est le fils d’un chasseur de démons, baigné dans les croyances et la magie. La défaite contre les Anglais conduit à l’arrivée du chemin de fer, puis de versions à vapeur de machines qui ne sont arrivées que plus tard dans la réalité (steampunk, donc). Le héros émigre vers Hong Kong et doit s’adapter au nouveau monde.

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