Écrire sur le handicap

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RebirthOfCinnamon
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Re: Écrire sur le handicap

Message par RebirthOfCinnamon »

Crazy a écrit :
lun. janv. 28, 2019 2:31 pm
Noctis a écrit :
dim. janv. 27, 2019 10:05 pm
Une vision pareille est en général assez horrifiante pour les personnes concernées. Ils ne veulent pas ne plus exister, ni être "normaux", ils veulent être acceptés. Comme ils sont. Et oui. Ainsi contrairement à ce que pensent pas mal de valides, en général les handicapés ne sont pas des désespérés fantasmant une vie de valide.
Ce point me dérange un peu. Autant je peux comprendre qu'il soit valide (pun not intended) pour des personnes qui ont toujours vécu avec un handicap, autant il me paraît moins solide pour ceux qui sont devenu handicapés plus tard dans leur vie.

Il y a aussi l'effet de troupeau, qui fait qu'une personne différente (ici, handicapée) se retrouve exclue à cause de sa différence et souhaite donc être "comme les autres". Qui est peut-être plus fréquent pour les handicaps mineurs ou invisibles.
Roanne a écrit :
jeu. févr. 07, 2019 9:03 pm
Kaplan a écrit :
jeu. févr. 07, 2019 1:33 am
Je suis d'accord, c'est vrai que l'on n'y pense pas au premier abord, mais l'acceptation des autres est plus importante pour nous que la "guérison miracle".
Personnellement j'y mettrais un énorme bémol, car cela dépend du handicap, donc je n'en ferais pas une règle générale applicable à un "nous".

[...]

(désolée si je donne l'impression de me la jouer moralisatrice, ce n'est pas le but, je voulais juste remonter une gêne)
(d'ailleurs, j'ai tiqué sur le même point que Crazy, concernant le poste initial de Noctis, vouloir être "normal" ce n'est pas uniquement une question de fantasme de vie de valide, mais juste une question de fantasme de vie confortable, autonome, indépendante, ce dont certains handicaps privent de façon parfois (très) douloureuse)
J'ai aussi du mal à être d'accord avec ce point du post de Noctis. Je suis moi-même handicapé depuis ma naissance, en fauteuil roulant, à cause d'une maladie génétique. Et je préfèrerais largement vivre dans un monde dans lequel le handicap a été éradiqué plutôt qu'accepté. Pour avoir passé pas mal d'années dans des assos de personnes handicapées et des hôpitaux, je ne pense pas que dire qu'une vision pareille puisse être horrifique pour la majorité des handicapés. Peut-être pour 50% d'entre eux, et encore cela doit vraiment dépendre du type de handicap, voir même du cas par cas.
Modifié en dernier par RebirthOfCinnamon le ven. avr. 19, 2019 11:32 am, modifié 1 fois.

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Amaryan
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Re: Écrire sur le handicap

Message par Amaryan »

Merci à vous pour ces nouveaux éclairages très enrichissants, c'est une grande chance de pouvoir lire ainsi la diversité de points de vue et de témoignages qui se rencontrent sur ce sujet. :love:
Modifié en dernier par Amaryan le sam. août 01, 2020 4:40 pm, modifié 1 fois.

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NaNa
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Re: Écrire sur le handicap

Message par NaNa »

Je compatis pour l'oubli de tes prothèses Roanne. :love:
Autre exemple de ce genre, je suis sujette aux bouchons d'oreille (enfin, pas tous les jours, mais ça m'arrive bien une ou deux fois par an pour les gros bouchons). La j'en ai un qui vient d'arriver, et je suis très contente d'être en vacances, parce que ça m'aurait compliqué la tâche pour donner cours. Et même sans ça, moi qui adore la musique, ça m'agace quand ça arrive. Ça peut ne paraître qu'un détail, mais ce sont souvent les détails qu'on oublie quand on écrit les handicaps, on part direct dans de gros trucs alors que les petits détails du quotidien suffisent à mon sens.

Alors je suis d'accord avec ce qui a été dit : c'est bien de montrer les problèmes que le personnage peut avoir, tout en faisant en sorte que son handicap ne le définisse pas. Pour moi, c'est surtout qu'il faut montrer le perso dans des situations qui ne mettent pas en scène son handicap, et le définir par les traits de sa personnalité; mais ça n'empêche pas de le montrer en situation de handicap si on le souhaite ou qu'il le faut. En fait mon idéal c'est Lou du challenge d'Aramis : il n'est pas du tout défini par son albinisme, et les scènes qui montrent son handicap sont justes.
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ilham
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Re: Écrire sur le handicap

Message par ilham »

C'est intéressant comme discussion.
J'ai assez souvent des personnages handicapés dans mes histoires.
Et je réagis avant tout sur la question de vouloir être accepté.

C'est peut-être le fait d'avoir eu de la phobie sociale durant très longtemps ( et c'est ce qu'on appelle un handicap invisible) mais mes personnages ont aussi très souvent le désir d'être accepté par la société dans laquelle ils vivent ( sachant que le regard de cette société peut être très différente d'une culture à l'autre : cela peut aller de la complète acceptation, prise en compte du handicap à l'ostracisation complète...)
Donc j'ai du mal avec le fait de dessiner des règles plus ou moins intangibles sur ce que peuvent ressentir des personnes handicapées.
Déjà parce que les handicaps sont multiples et variés . je peux parler de moi, les soucis créés par une phobie sociale ( et une forme d'autisme potentielle, ai-je appris récemment) n'ont rien à voir avec ceux que provoquent des douleurs chroniques ou un cancer dont les traitements fatiguent énormément.
La phobie sociale créent de l'angoisse, mais surtout de l'incompréhension et un rejet en général dues à des réactions inadaptées de la personne phobique. Le cancer, il y a peu était tabou ( ne parlons pas du sida...) et créait une exclusion sociale violente... Des douleurs chroniques c'est encore autre chose. Etre dans un fauteuil roulant, aveugle, schizophrène, c'est encore une autre histoire.
Donc à mon avis, déjà rien qu'avec ça, on a des difficultés différentes et donc des réactions différentes, des envies, des désirs différents... le phobique sociale ne rêve que d'une chose, au fond, c'est d’être accepté ! ( et certains oui ont le cheminement inverse et se coupent du monde complètement... mais ça c'est une réaction à la souffrance morale). Et plus largement je crois que la plupart des gens ayant un trouble mental ont eu un jour cette envie d'être comme les autres. Je dis pas tous car ce serait pas vrai, mais... dans ma petite expérience je n'ai pas rencontré une seule personne n'ayant pas tenté de faire comme tout le monde pour être accepté... c'est sans doute différent dans le cas de handicaps physiques, relativement mieux acceptés, je pense...
Car enfin, chaque personne a son histoire, son tempérament. Pour certaines, ne pas être rejetée sera important. Demandez aux personnes ayant connu le sida dans les années 80... Elles cacheront parfois leur maladie, leur handicap au maximum, le nieront même parfois. et encore aujourd'hui, le cancer, je peux en parler, j'ai pas mal discuté avec des femmes qui comme moi ont eu un cancer du sein et y'en avait beaucoup qui n'en parlaient pas à leur entourage parce qu'elle avaient peur de la réaction, de la peur que ça suscite. Et je me suis posée la question consciemment de comment j'allais procéder. Moi j'ai pris le parti d'en parler comme on parle de choses banales ( et c'est bien pour ça que j'en parle ainsi ici, c'est mon petit acte militant)... et d'aborder le sujet de la maladie, de la mastectomie, de la mort parce qu'on y pense, forcément... mais je sais que d'autres auront du mal au départ, ou durant les traitements, ou après... Certaines sont très angoissées durant des années et c'est un handicap en soi de vivre cela, ça accentue les douleurs posts traitements, la fatigue qui peut durer des années après avoir été soigné...

Et puis les gens évoluent dans leur rapport à leur handicap. Perso, m'a fallu trois bonnes années, une dépression, un burn out, pour accepter que ouais j'avais des douleurs invalidantes... la phobie sociale, ça a duré vingt ans ( et étonnamment, le cancer m'a aidé à m'en défaire, un handicap en défaisant un autre !)... et on passe par des stades très différents qui vont du déni au militantisme, en passant par le désir d'être comme tout le monde. Et tout le monde n'a pas le même cheminement. Tout le monde ne devient pas militant. Tout le monde ne passe pas par le déni...
Ce que j'ai lu n'est pas faux, mais je trouve que c'est le discours de gens militants, qui ont réfléchi au sujet, et c'est très bien et je suis d'accord avec elles. Et je comprends qu'on veuille faire avancer les choses par le biais de publications. Mais je ne crois pas que ça ressemble à tout le monde, tous les ressentis...
et s'interdire d'évoquer d'autres réactions au handicap parce que ce sont des réactions qui vont dans un sens pas forcément positif, ben... en temps que personne qui écrit des histoires, c'est dommage, je trouve. C'est se priver de toute une palette d'émotions, de ressentis. Pas forcément positifs, mais qui existent...
Je vais prendre l'exemple d'un film du début des années 90, encore sur le sida. Le personnage (c'est une autobiographie plutot d'ailleurs) a une réaction très dure, à manipuler les autres, s'en servir. C'est très noir comme film. J'y adhère pas du tout. je trouve ce film désespérant, mais... c'est une réalité. Celle du cinéaste. C'est amoral ou immoral, au choix, mais ça existe... J'peux comprendre qu'on ne veuille pas écrire ce genre de choses, ni les lire, ni les voir... mais... c'est l'expression de quelque chose qui existe et donc qui a sa légitimité malgré tout.

J'suis donc pas en désaccord avec ce qui est dit ( toujours sur le point de vouloir être accepté, je n'ai rien à dire sur le reste), mais j'voulais apporter ma petite lumière, petite réflexion sur ce sujet que je vis depuis quelques années... ce n'est que mon point de vue, alimenté par ce que j'ai vécu, ce que je vis. Il y en a d'autres, d'aussi valables, bien sur.
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Roanne
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Re: Écrire sur le handicap

Message par Roanne »

ilham tu as eu raison d'apporter ta petite lumière, c'est important de partager avec le plus de points de vue possible (et c'est là qu'on voit qu'ils sont aussi multiples que le sujet peut l'être)
ilham a écrit :
mar. juin 04, 2019 9:51 am
Je vais prendre l'exemple d'un film du début des années 90, encore sur le sida. Le personnage (c'est une autobiographie plutot d'ailleurs) a une réaction très dure, à manipuler les autres, s'en servir. C'est très noir comme film. J'y adhère pas du tout. je trouve ce film désespérant, mais... c'est une réalité. Celle du cinéaste. C'est amoral ou immoral, au choix, mais ça existe... J'peux comprendre qu'on ne veuille pas écrire ce genre de choses, ni les lire, ni les voir... mais... c'est l'expression de quelque chose qui existe et donc qui a sa légitimité malgré tout.
Les nuits fauves ? (j'ai préféré lire le roman que voir le film, à l'époque, il était génial mais très très dur, en effet, m'enfin, c'est un peu hors sujet ici)
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ilham
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Re: Écrire sur le handicap

Message par ilham »

Oui, c'est ça les Nuits fauves ! Merci !
J'avais oublié le titre. C'est un film qui avait eu un petit succès, c'est vrai. Perso, je l'ai trouvé trop dur, trop sombre, mais comme je disais il avait sa part de légitimité.

Après, j'ai pas insisté sur tous les point sur lesquels je suis d'accord qui sont nombreux, notamment dans certaines erreurs qu'on peut faire quand on ne connait pas le sujet ou plutot les sujets ( et c'est normal de ne pas le connaitre, tant mieux même ! )
Il a fallu que je rencontre une amie en fauteuil roulant et que je la vois se lever et marcher pour comprendre qu'on n'était pas forcément cloué à son fauteuil (j'avais l'image d'un cousin éloigné qui lui vraiment était paralysé, de naissance). Il a fallu que je sois moi même confronté au sujet pour reformuler ma définition du handicap... donc c'est pas si évident que ça.
Et ce sont des sujets encore assez tabous car beaucoup de gens restent avec leur problème, leur honte, ou leur culpabilité. Elles ne veulent pas se plaindre. Mais parler ne veut pas dire se plaindre...A l'autre extrémité, on tombe dans le discours militant, mais dans le discours sur le quotidien, je trouve, pas trop, ça manque.
Donc comme tout sujet, faut poser des questions....
Et c'est bien que ce sujet existe ! Pour les auteurs et les gens qui peuvent etre des ressources !
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Re: Écrire sur le handicap

Message par Luna K »

C'est marrant votre ressenti sur Les nuits fauves car moi je l'ai pas trouvé si dur et si sombre que ça, au contraire j'ai trouvé que ça faisait du bien de voir exprimer un peu d'intensité non-manichéenne sur des vrais sujets de vie et que ça avait un effet cathartique et soulageant de beaucoup de choses. Je trouve au contraire qu'il y a beaucoup d'espoir dans ce film.

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Re: Écrire sur le handicap

Message par Luna K »

Et +1 sur le fait que la honte c'est du poison et que ne pas parler par peur d'avoir l'air de se plaindre renforce le cercle vicieux (et encore la soumission à l'autorité/à la tyrannie du regard des autres). Je trouve qu'en tant qu'écrivains on a un pouvoir et une responsabilité là dessus : ce qu'on dit, ce qu'on montre, à qui et à quoi on donne la parole.

Faut pas que ça devienne la méga-pression et un truc lourd et pénible non plus, mais je trouve qu'avoir conscience de ça, produit les meilleures oeuvres, et produit aussi les oeuvres qui ont beaucoup d'impact et ont du succès car résonnent correctement avec beaucoup de gens. Une oeuvre honnête, sans mentir, qui montre la nuance de la réalité sans manichéisme, c'est ce que je vise.

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Re: Écrire sur le handicap

Message par RedRhum »

Je vois pas en quoi l'écrivain est responsable de quoi que ce soit, il n'a même plus le contrôle de son œuvre une fois publiée. Penser que l'écrivain est responsable c'est croire qu'il a une forme d'ascendant moral lui donnant le droit s'exprimer pour les autres ou pour une cause. D'où viendrait cette légitimité ?

Moi-même en tant que malade je n'ai pas cette légitimité, au mieux je suis capable de m'exprimer de façon biaisée sur mon cas particulier. Je peux aussi avoir un avis général un peu plus éclairé que la moyenne, mais rien à voir avec un pouvoir quelconque.

Si le lecteur trouve quelque chose dans l’œuvre, c'est sa responsabilité et tant mieux pour lui. La seul responsabilité de l'auteur est de nous intéresser ou de nous divertir, à moins qu'il se soit trompé de métier.

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ilham
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Re: Écrire sur le handicap

Message par ilham »

S'exprimer pour les autres,c 'est pourtant ce que fait tout écrivain digne de ce nom qui parle de tous les autres sauf de son nombril.
Je trouve que c'est difficilement contournable.
Ensuite, le lecteur est en effet libre de trouver ce qu'il veut dans un texte, mais l'auteur est aussi responsable de ce qu'il écrit. Rien que devant la justice, d'ailleurs ;)
Un auteur qui me montre de façon positive certaines discriminations ou positions idéologiques, j'vais pas dire qu'il a les mains blanches... je demande à ce qu'il assume un minimum son propos.
après, les limites sont discutables... mais perso je supporte pas le discours qui dit "ah non, t'es pas noir, t'es pas une nana, t'es pas juif, t'es pas homo, t'as pas le droit de causer de ça". Rien que pour emmerder, je le ferai si j'en avais la possibilité... ;) Y'a pas de sujets qui n'appartiennent qu'à une seule communauté, j'estime. surtout qu'on voit ensuite les mêmes reprocher à d'autres de ne pas être inclusif. C'est assez marrant la contradiction... ne causez pas de nous, mais... causez de nous ! ( enfin, j'sais pas si j'ai bien compris...)
Moi ça ne me gêne pas qu'un auteur de genre masculin prenne un personnage féminin, un valide un personnage handicapé... Un blanc, un noir ou le contraire. Tant que ça ne véhicule pas la haine ou le mépris de l'autre, tout me va... je fixe là mes limites. Je pense qu'on peut tous avoir assez d’empathie pour ça. J'suis p'tre naive, remarque...
Et chacun ses valeurs aussi... faut juste etre au clair dessus. Ca évite d'acheter un bouquin qu'on va détester ;)
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Re: Écrire sur le handicap

Message par Roanne »

ilham a écrit :
mar. juin 04, 2019 11:05 am
Et ce sont des sujets encore assez tabous car beaucoup de gens restent avec leur problème, leur honte, ou leur culpabilité. Elles ne veulent pas se plaindre. Mais parler ne veut pas dire se plaindre...A l'autre extrémité, on tombe dans le discours militant, mais dans le discours sur le quotidien, je trouve, pas trop, ça manque.
J'ai la chance d'être salariée dans une entreprise qui est pro-active en matière de handicap. J'ai pu voir en direct ce que ça fait de libérer la parole... j'ai ainsi découvert que plusieurs collègues vivent et travaillent avec des handicaps plus ou moins visibles, plus ou moins invalidants. Le fait de leur avoir permis de s'exprimer a été positif dans le sens qu'il y a maintenant une meilleure compréhension de leur fonctionnement (quand c'est un jour "sans", on comprend tout de suite et on s'adapte) et pour certains, leur poste de travail a pu être aménagé quand c'était possible, ce qui est un plus énorme.
C'est dommage que ce genre d'approche ne soit pas plus courante.
Après, il y aura toujours des personnes qui ne voudront pas en parler, c'est un choix respectable qu'il faut accepter.
RedRhum a écrit :
mar. juin 04, 2019 12:37 pm
La seul responsabilité de l'auteur est de nous intéresser ou de nous divertir, à moins qu'il se soit trompé de métier.
Voilà un avis très restrictif et limité qui n'engage que toi.
A titre personnel, pour fréquenter plusieurs auteurs et autrices engagés - ne serait-ce qu'ici, sur ce forum - je ne le partage pas.
Réduire le métier d'auteur au divertissement ? Non mais vraiment ?! :wtf:
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Re: Écrire sur le handicap

Message par NaNa »

RedRhum a écrit :
mar. juin 04, 2019 12:37 pm
Moi-même en tant que malade je n'ai pas cette légitimité, au mieux je suis capable de m'exprimer de façon biaisée sur mon cas particulier. Je peux aussi avoir un avis général un peu plus éclairé que la moyenne, mais rien à voir avec un pouvoir quelconque.
Pour moi ce n'est pas un pouvoir, et d'ailleurs je ne pense pas qu'on parle forcément mieux des choses que l'on a soi-même vécu (ce serait faire de son expérience particulière un cas général). Mais si je veux décrire un handicap, je vais faire des recherches sur comment ça se traduit au quotidien. Comme quand je fais des recherches sur comment avoir un univers crédible.
RedRhum a écrit :
mar. juin 04, 2019 12:37 pm
Je vois pas en quoi l'écrivain est responsable de quoi que ce soit, il n'a même plus le contrôle de son œuvre une fois publiée. Penser que l'écrivain est responsable c'est croire qu'il a une forme d'ascendant moral lui donnant le droit s'exprimer pour les autres ou pour une cause. D'où viendrait cette légitimité ?
Je ne pense pas qu'on soit plus légitime que les autres, seulement il y a des gens qui vont penser que comme c'est écrit dans un roman, c'est comme ça dans la vraie vie. Donc je dirai qu'on n'a pas la responsabilité d'écrire sur ces sujets, mais que si on le fait, on a la responsabilité de ne pas écrire n'importe quoi.

Et sans parler de responsabilité, c'est important pour moi d'avoir l'impression de quelque chose de vrai quand je lis ou quand j'écris. Pas quelque chose qui soit conforme à ma propre expérience (personne ne réagit pareil ou à la même vision des choses), mais quelque chose qui me paraisse crédible et qui ne donne pas l'impression que la personne qui écrit ne connaît rien de ce dont elle parle. La capacité à imaginer le ressenti de ses personnages est une qualité importante pour des écrivains qui mettent leurs persos au centre de l'histoire (ça l'est peut-être moins pour ceux qui se concentrent plus sur l'intrigue ou l'univers, on ne développe pas tous les mêmes choses).
ilham a écrit :
mar. juin 04, 2019 12:53 pm
mais perso je supporte pas le discours qui dit "ah non, t'es pas noir, t'es pas une nana, t'es pas juif, t'es pas homo, t'as pas le droit de causer de ça". Rien que pour emmerder, je le ferai si j'en avais la possibilité... Y'a pas de sujets qui n'appartiennent qu'à une seule communauté, j'estime. surtout qu'on voit ensuite les mêmes reprocher à d'autres de ne pas être inclusif. C'est assez marrant la contradiction... ne causez pas de nous, mais... causez de nous ! ( enfin, j'sais pas si j'ai bien compris...)
C'est plus de la mauvaise foi insupportable que du militantisme. On ne devrait s'interdire aucun sujet; faut juste savoir de quoi on parle et le faire avec honnêteté.
ilham a écrit :
mar. juin 04, 2019 9:51 am
Donc j'ai du mal avec le fait de dessiner des règles plus ou moins intangibles sur ce que peuvent ressentir des personnes handicapées.
Déjà parce que les handicaps sont multiples et variés . je peux parler de moi, les soucis créés par une phobie sociale ( et une forme d'autisme potentielle, ai-je appris récemment) n'ont rien à voir avec ceux que provoquent des douleurs chroniques ou un cancer dont les traitements fatiguent énormément.
La phobie sociale créent de l'angoisse, mais surtout de l'incompréhension et un rejet en général dues à des réactions inadaptées de la personne phobique. Le cancer, il y a peu était tabou ( ne parlons pas du sida...) et créait une exclusion sociale violente... Des douleurs chroniques c'est encore autre chose. Etre dans un fauteuil roulant, aveugle, schizophrène, c'est encore une autre histoire.
Les handicaps comme sont d'autant plus sujets à l'incompréhension que les gens vont vite blâmer les gens qui en souffrent, comme s'ils étaient responsables de leur situation. J'avais trouvé ça très juste dans la série des Bracelets rouges, bien que triste : une fille dit à une anorexique qu'elle n'a pas une vraie maladie. Et au lieu de la soutenir, son copain lui sort que c'est elle qui s'inflige ça toute seule. Malheureusement, il y a plein de gens qui réagissent comme ça. Et c'est encore pire si le handicap n'est pas diagnostiqué.
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Re: Écrire sur le handicap

Message par Luna K »

Penser que l'écrivain est responsable c'est croire qu'il a une forme d'ascendant moral lui donnant le droit s'exprimer pour les autres ou pour une cause.
Non. Ça, c'est une déformation de mes propos dans le sens qui t'arrange.

Je parle de réfléchir à ce qu'on écrit, la réception d'autrui, ben effectivement, c'est le problème du lecteur, qui est grand, et qui peut se faire son opinion tout seul.

Maintenant, il y en a qui souhaitent écrire n'importe quoi au nom du divertissement ou de "l'intérêt" et qui s'en foutent des idées qu'ils véhiculent. Ça n'est juste pas mon choix. Les mots ont un pouvoir et véhiculent des idées et des archétypes, qu'on le veuille ou non. Où ai-je dit qu'il s'agissait d'expliquer la vie d'un ton condescendant au nom d'une cause ? Il me semble, nulle part. Ça, c'est une déformation.

Ce que je dis c'est qu'on ne peut pas prétendre qu'écrire ne véhicule rien et ne connecte à rien et que les mots n'ont aucun effet sur les gens. L'auteur choisit ce qu'il veut faire et de quoi il souhaite parler en conséquence, et oui, il est responsable de ce qu'il dit, je maintiens. Le lecteur est responsable de ce qu'il en fait. Rien d'ascendant et de condescendant là dedans. Il me semble que si on écrit ben c'est... pour écrire. Sinon, on ferait autre chose. Du ping-pong, par exemple. C'est très bien, le ping-pong.

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Edel-Weiss
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Re: Écrire sur le handicap

Message par Edel-Weiss »

Au contraire, l'écrivain a la responsabilité de ses propos et, à ce titre, a la responsabilité de ne pas raconter n'importe quoi. Un peu comme n'importe qui s'exprimant dans l'espace public. Parler d'un sujet sans le connaître, sans se renseigner, c'est le risque d'écrire des conneries monumentales et de dépeindre des personnages et situations caricaturales, qui donneront une vison biaisée dudit sujet. Dans tous les cas, la responsabilité de l'auteur sera d'avoir au mieux mécontenté ses lecteurs, au pire d'avoir répandu des idées fausses sur un sujet et/ou d'avoir heurté, insulté ou blessé des personnes. Se renseigner sur un sujet n'élimine pas le risque de se tromper, mais ça donne une démarche plus honnête à l'écrivain et certainement beaucoup plus qualitative, comme l'explique Luna K. Si un auteur ne veut pas de cette responsabilité, qu'il écrive pour lui-même et ne fasse pas lire ce qu'il écrit. :)

Quant à réduire le métier d'écrivain au divertissement, c'est à la fois oublier que le divertissement peut aussi faire réfléchir sur des thématiques sociétales et à la fois oublier que certains auteurs SFFF produisent de très belles œuvres engagées dans le but de faire réfléchir. Mais pour faire réfléchir son lectorat, mieux vaut éviter d'écrire n'importe quoi.

(Grillée par les réponses précédentes, avec lesquelles je suis d'accord)
Nana a écrit :
mar. juin 04, 2019 1:43 pm
Les handicaps comme sont d'autant plus sujets à l'incompréhension que les gens vont vite blâmer les gens qui en souffrent, comme s'ils étaient responsables de leur situation. J'avais trouvé ça très juste dans la série des Bracelets rouges, bien que triste : une fille dit à une anorexique qu'elle n'a pas une vraie maladie. Et au lieu de la soutenir, son copain lui sort que c'est elle qui s'inflige ça toute seule. Malheureusement, il y a plein de gens qui réagissent comme ça.
Je suis d'accord avec toi. C'est extrêmement vrai dans le cas des maladies à caractère psychologique (dépression, burn-out, phobie sociale, troubles obsessionnels et compulsifs). Ayant souffert pendant plusieurs années de telles pathologies, il est extrêmement violent de voir à quel point ces maladies sont méconnues et méprisées et à quel point les malades sont pointés du doigt. Entre ceux qui pensent que ce sont des inventions, ceux qui pensent que c'est un manque de force de caractère, ceux qui vous font sentir coupables de ne pas guérir et ceux qui méconnaissent tellement la maladie qu'ils croient que vous exagérez vos symptômes, il est difficile d'en parler.

Et c'est à ce niveau, à mon sens, que l'auteur a un vrai rôle à jouer : parler de ces handicaps ou de ces maladies, c'est participer à leur reconnaissance par le grand public. Car dans bon nombre de cas, c'est simplement de la méconnaissance. Beaucoup ne connaissent pas la réalité de la maladie ou du handicap. Écrire sur ses sujets peut justement leur donner une visibilité auprès de ceux qui ne les connaissent pas du tout. C'est en parlant ou en écrivant les choses qu'on peut faire reculer l'incompréhension.
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Luna K
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Re: Écrire sur le handicap

Message par Luna K »

Énorme +1 pour Edel-Weiss. Tu as développé précisément ce qu'il me fatiguait de développer. Je dirais qu'on écrit sur ce qu'on a envie d'écrire, sur ce qui nous touche et nous importe. On écrit sur ce qui nous intéresse, nous fascine, nous émerveille, nous insupporte, nous révolte, nous terrorise, nous attriste, nous rend heureux. Rarement sur ce dont on se fiche totalement, en général si c'est le cas c'est qu'il y a un problème de sujet et le livre est abandonné au profit d'un projet + intéressant. ^^

Après, il n'y a pas UNE vision de l'écriture. Si il y en a qui s'en fichent de cet aspect là et qui veulent faire du pur divertissement sans réfléchir à des trucs comme les clichés sexistes, les idées véhiculées, les raccourcis faciles sur les handicaps ou les maladies et l'entretien de clichés, de tabous et de hontes sociales dommageables, ben qu'ils continuent, je suis vraiment pas en mode chevalier blanc là dessus, je considère que chacun est responsable de ce qu'il émet, et que le lecteur est responsable de ce qu'il reçoit.

Mais par contre, moi, ça n'est pas mon choix. Je ne veux pas être parfaite, j'écrirais sûrement des monceaux de conneries, et non, je ne veux pas faire des livres moralisateurs qui ressemblent à des sermons, ce n'est pas de ça dont il est question ici. Ce que je veux, c'est sonner juste par rapport à la vision que j'ai dans la tête, à ce dont j'ai envie de parler, et oui, je me considère comme responsable de mon niveau de justesse. Le lecteur est lui responsable de ce qu'il fait de ce qu'il lit (ce que soit considéré bon ou mauvais d'ailleurs, peu importe).

Comment sonner juste et toucher vraiment les gens dans une histoire correctement construite et qui a du sens, et mettre vraiment sa vision correctement en mots ?

- Les recherches

- Parler avec des gens (oui, peut-être que les femmes ont des choses à dire sur le fait qu'on leur serve toujours les mêmes archétypes sexistes de merde en guise de personnages. Oui, peut-être que les noirs en ont marre de mourir systématiquement dans les 5 premières minutes du film. Peut-être que nombre de personnes en ont marre d'un tas de trucs et connaissent en réalité le sujet mieux que l'auteur, et que pour gagner en qualité, cela vaut la peine de les écouter, etc.)

- Voir en soi ce qui nous importe, nous intéresse. Je trouve que ça aide à construire des intrigues à thèmes sous-jacents forts, avec des archétypes, des fils rouges, des thématiques qui aident à relier les arcs.

- Réfléchir à ce qu'on veut faire. Rien de moralisateur là dedans, c'est tout le contraire. Le manichéisme et le côté moralisateur, c'est de la paresse pour moi. J'aime GRR Martin et le trône de fer précisément parce qu'il s'en fiche de ça. Il s'en fiche de ce machin bien/mal, bon/méchant, moralisateur/je m'en foutiste, etc. Il va chercher profond, et loin, sur la réalité, concrète, telle qu'elle est, dans ses aspects dégueulasses, mais aussi dans ses aspects beaux. C'est nuancé, profond. J'aime. Ça m'inspire. Ça sonne juste. Ça connecte à du réel derrière, pas à du fake. C'est ce que j'aspire à faire en temps qu'écrivain.

Après, chacun ses raisons et ses sources d'inspirations, ce qui m'inspire moi va profondément endormir quelqu'un d'autre, et un sujet qui passionne mon voisin va me laisser de marbre, et c'est OK, et heureusement, sinon on écrirait tous le même livre actuellement et il y aurait pas autant de diversité de sujets et d'ambiances dans les challenges et les bêta-lectures.

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