Le référant dans la phrase : le contexte joue-t-il un rôle ?

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nothoi
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Le référant dans la phrase : le contexte joue-t-il un rôle ?

Message par nothoi »

Bonjour à toutes les grenouilles férues de grammaire !

Non, ne fuyez pas ^^

J'ai une question que je me pose depuis un moment déjà à propos de ce que j'appelle des référents dans la phrase (Il, elle, etc.) - n'hésitez pas à me donner le bon terme si vous le connaissez :sifflote:

Dans une phrase correcte grammaticalement le référent prend le genre et le nombre du nom commun ou du nom propre qui le précède. Ex :
Perrin marchait dans les bois. Les yeux dirigés vers la cime des arbres, il ne vit pas les racines du vieux chêne, et s'écroula de tout son long.
Ici, "il" réfère à Perrin, car c'est le seul nom (propre) masculin de la phrase précédente. À mon sens il n'y a pas d'ambiguïté, mais je peux me tromper :sifflote:

Là où les choses se corsent pour ma petite tête :
Perrin marchait dans les bois. Les yeux dirigés vers la cime des arbres à la recherche de ce maudit écureuil farceur, il ne vit pas les racines du vieux chêne, et s'écroula de tout son long.
Ici, potentiellement, il y a deux sujets possibles, Perrin et l'écureuil farceur. Avec le contexte, un lecteur devine que le sujet est Perrin, mais je me demande si cette phrase est grammaticalement correcte.

Qu'en pensez-vous ?

:merci2: d'avance pour vos lumières !

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Macada
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Re: Le référant dans la phrase : le contexte joue-t-il un rôle ?

Message par Macada »

Elle me turlupine souvent aussi cette question. Du coup, je viens de regarder dans le Grévisse (la bible des grammaires :P ).
Tu as tout bon !

En fait, il n'y a aucune règle stricte. Le Grévisse note juste :
"Il est souhaitable que l'antécédent du pronom personnel apparaisse clairement au lecteur. "
Idéalement, ce devrait être le nom (ou pronom) de même genre et de même nombre qui précède immédiatement. Il n'est pas rare pourtant que le pronom pers. rappelle un terme plus éloigné, par ex. le sujet de la phrase précédente
."

Perso, je croyais justement qu'en cas de plusieurs options possibles, le dernier sujet de même genre et nombre était officiellement prioritaire sur les autres antécédents possibles ; et que c'est pour ça que ton exemple 2 reliait Perrin à "il" très académiquement.
Mais ce n'est visiblement pas une structure de référencement assez répandue/utilisée pour que ce soit érigé en règle académique, ou au moins aussi conseillé que l'antécédent immédiat.

C'est donc le contexte qui est prioritaire pour définir quel est le nom/pronom référé si le candidat (même genre et nombre) le plus proche ne convient visiblement pas.

Le Grévisse préconise d'éviter tout ambiguïté pour une expression claire. Il donne comme méthode l'utilisation des démonstratifs : ceci, celle/celui/ceux-ci (pour le dernier nom/pronom comme référé) ; cela, celle/celui/ceux-là (pour un référé plus éloigné).

Dans un contexte lui-même ambigu, si ton "il" avait désigné l'écureuil, il aurait été plus clair de le remplacer par "celui-ci", par exemple.


En résumé :
il n'y a pas de règle académique qui désigne un antécédent.
La préférence grammaticale va au dernier nom/pronom de mêmes genre et nombre, mais couramment aussi au dernier sujet de mêmes genre et nombre.
Le contexte est prioritaire.
Penser que pour le lecteur le contexte ne lève peut-être pas les ambiguïtés, et qu'une formulation différente peut l'éclaircir.

Grâce à toi, Nothoi, c'est enfin clair pour moi et je vais me garder cela sous le coude. :P
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Re: Le référant dans la phrase : le contexte joue-t-il un rôle ?

Message par Pi. »

Intéressant !
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nothoi
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Re: Le référant dans la phrase : le contexte joue-t-il un rôle ?

Message par nothoi »

:hiii: Merci pour cette réponse très détaillée, Macada !

Tu me sors une sacrée épine du pieds ! :wow: Quand je regarde ma prose, l'antécédent est souvent autre que le dernier nom commun/propre qui le précède directement.

Ne reste donc plus qu'à m'assurer que le contexte est suffisamment clair pour en permettre la compréhension !

Et sinon, tu viens de me convaincre d'acquérir le Grévisse, vu que mes connaissances en grammaire, orthographe ou conjugaison sont complètement instinctives. Au moins, j'aurais un guide sur la grammaire, comme je me pose en permanence plein de questions de ce type quand j'écris !

:merci2: encore à toi

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Macada
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Re: Le référant dans la phrase : le contexte joue-t-il un rôle ?

Message par Macada »

Au plaisir. :love:
nothoi a écrit :
mar. juil. 13, 2021 9:13 am
Et sinon, tu viens de me convaincre d'acquérir le Grévisse, vu que mes connaissances en grammaire, orthographe ou conjugaison sont complètement instinctives. Au moins, j'aurais un guide sur la grammaire, comme je me pose en permanence plein de questions de ce type quand j'écris !
Copaiiiiin ! C'est exactement pour ça que je me le suis offert il y a quelques années... et je m'en félicite quasi chaque jour (sans compter que pour mes soucis "dys" - l'acquisition d'automatismes -, l'analyse et la compréhension grammaticale m'aident énormément à les implanter)
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Hotep
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Re: Le référant dans la phrase : le contexte joue-t-il un rôle ?

Message par Hotep »

Très bonne idée de fil, @notoi ! Pour moi c'est justement LE problème le plus fréquent dans les extraits de premiers jets postés dans les challenges (beaucoup plus que l'orthographe ou la grammaire d'ailleurs) : les descriptions dont les sujets pronominaux sont trop vagues, au point qu'on doit relire les phrases d'avant ou même d'après pour comprendre le contexte. On peut aussi étendre ces difficultés aux dialogues... Pas toujours facile de déterminer quel personnage est en train de parler. Pour moi, ça peut même faire partie des points rédhibitoires qui pourraient pousser un éditeur à jeter un manuscrit à la corbeille.

C'est typiquement une priorité dans la relecture : vérifier que, dans chaque phrase, le lecteur dispose de suffisamment d'indices pour savoir à quoi se réfèrent les pronoms. Il n'y a pas de solution-miracle au problème malheureusement, seulement des stratégies de contournement multiples. Le mieux est d'employer plusieurs méthodes, pour varier :
  • En français l'accord en genre et en nombre des adjectifs/verbes permet déjà d'éliminer certaines ambiguïtés. On peut parfois l'exploiter en jouant sur le genre et le nombre des mots qui pourraient créer une ambiguïté !
    Perrin marchait dans les bois. Les yeux dirigés vers la cime des arbres à la recherche de cette maudite bête farceuse, il ne vit pas les racines du vieux chêne, et s'écroula de tout son long.
  • Les référents nominaux, utilisés comme sujet, sont plus précis que les pronoms et peuvent clarifier ainsi le sens de la phrase.
    Perrin marchait dans les bois. Les yeux dirigés vers la cime des arbres à la recherche de ce maudit écureuil farceur, l'adolescent ne vit pas les racines du vieux chêne, et s'écroula de tout son long.
  • Par défaut, le premier réflexe du lecteur est de lier le référent au mot le plus proche plutôt que le plus éloigné. On peut donc aussi retravailler les phrases pour réduire le risque d'erreur d'interprétation.
    À la recherche de ce maudit écureuil farceur, Perrin marchait dans les bois. Les yeux dirigés vers la cime des arbres, il ne vit pas les racines du vieux chêne, et s'écroula de tout son long.
  • Etc.
Macada a écrit :
lun. juil. 12, 2021 3:48 pm
Le Grévisse préconise d'éviter tout ambiguïté pour une expression claire. Il donne comme méthode l'utilisation des démonstratifs : ceci, celle/celui/ceux-ci (pour le dernier nom/pronom comme référé) ; cela, celle/celui/ceux-là (pour un référé plus éloigné).
Cette initiative du Grévisse est louable... Mais dans la pratique, je pense que très peu de lecteurs sont au courant de cette règle/préconisation. Donc ça ne suffira pas à éliminer toutes les ambiguïtés a priori !
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Re: Le référant dans la phrase : le contexte joue-t-il un rôle ?

Message par MiSouCoLi »

Je suis d'accord avec les réponses précédentes, c'est effectivement un sujet à s'arracher les cheveux.
Perso, je m'y frotte souvent parce que j'ai beaucoup de dialogues à écrire avec deux personnages féminins et que, une fois que j'ai dit "Nom A" et "Nom B" une fois dans la phrase, je n'ai en gros que le pronom personnel "elle" à utiliser pour les distinguer et parfois, surtout si je bascule rapidement de l'une à l'autre, ça coince (en raison de mon type de narration, la méthode de contournement du type reprises nominales "la jeune fille" fait souvent très bizarre). Et comme j'ai tendance à éviter les "ceux-ci" "celle-ci", je suis souvent obliger de changer complètement la structure de mes phrases pour corriger l'ambiguïté.

En vrai, je n'ai pas grand chose à ajouter aux réponses précédentes :
Si j'essaie de dresser une liste des indices grammaticaux par ordre prioritaire :
- le genre et le nombre
Ex : Perrin marchait dans les bois avec Emily. Elle remarqua soudain un écureuil dans les buissons.
- le contexte
Ex : Perrin remarqua soudain un écureuil dans les bois. Il était d'un roux magnifique : on devine que c'est de l'écureuil qu'on parle
Ex : Perrin remarqua soudain un écureuil dans les bois. Il essaya de l'attraper : on devine que c'est de Perrin qu'on parle
Ex : Perrin remarqua soudain un écureuil dans les bois. Il sursauta : les deux seraient possibles (mais le côté enchainement d'action fait pencher la balance en faveur de Perrin).
- l'antécédent direct:
Ex : Emily vit un écureuil puis un faon dans les bois. Il était roulé en boule dans l'herbe.
- la fonction grammaticale de l'antécédent possible:
Et ensuite ça se complique beaucoup en fonction des situations (et des temps !!! on interprète différemment selon le mélange entre passé simple et imparfait par exemple) mais j'ai tendance à rajouter le critère de la fonction grammaticale de l'antécédent possible. Ce n'est pas une règle universelle mais je pense que, si le contexte ne donne pas d'indice, le lecteur va plus facilement attribuer l'action au sujet grammatical de la phrase précédente qu'au COD. Mais ça doit varier (donc c'est le genre de cas où l'auteur a tout intérêt à lever l'ambiguïté).
Ex : Emily arriva devant Mary. Elle pleurait.

En vrai, le récap au dessus n'est qu'un prétexte... c'est juste que je suis étudiante en grammaire (entre autres) donc quand j'ai vu ton exemple, je me suis jetée dessus (perso je trouve ça drôle, la grammaire, c'est mon côté sadique) et je voulais rajouter une petite chose par rapport à ça :

En réalité avec cette phrase :
Perrin marchait dans les bois. Les yeux dirigés vers la cime des arbres à la recherche de ce maudit écureuil farceur, il ne vit pas les racines du vieux chêne, et s'écroula de tout son long.Le texte compte sec.
L'ensemble de la partie en gras est une structure apposée à "il" (c'est lui a les yeux dirigés vers la cime), donc il n'y a pas la moindre ambiguïté. "Il" ne peut renvoyer que au sujet (grammatical) de la phrase précédente. "Il" ne peut pas renvoyer à l'écureuil (même si on remplace par "celui-ci") parce que "l'écureuil" ne peut pas à la fois être l'objet et le sujet de "avoir les yeux dirigés vers la cime des arbres à la recherche de qqch".

Et sinon je me sens mal parce que j'ai jamais ouvert un Grévisse de ma vie... et à peine plus la Grammaire méthodique du français de Riegel qui est sensé être mon livre de chevet pour mes études...

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Macada
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Re: Le référant dans la phrase : le contexte joue-t-il un rôle ?

Message par Macada »

En voilà une belle boîte à outils anti-ambiguité ! :merci2: Hotep ! :merci2: MiSouColi !
MiSouCoLi a écrit :
sam. août 07, 2021 11:12 pm
Et sinon je me sens mal parce que j'ai jamais ouvert un Grévisse de ma vie... et à peine plus la Grammaire méthodique du français de Riegel qui est sensé être mon livre de chevet pour mes études...
Les cours et les étudiantes en grammaire, c'est très pratique aussi. :mrgreen:
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