Les valeurs dissonnantes

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AngeDechu
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Les valeurs dissonnantes

Message par AngeDechu »

(Un autre concept dont le titre vient de TV Tropes)

Lorsqu'on écrit dans une époque qui n'est l'actuelle, il y a une différence majeure entre les valeurs des personnages et la nôtre. Il y a deux méthodes extrêmes de ''dealer'' avec ce probleme

1)Présenter les valeurs des personnages comme, implicitement ou explicitement, supérieures à celles de l'époque moderne. Notez que c'est une approche qui a évidememnt sa valeur, mais qui peut devenir ridicule. Le cas le plus typique serait celui du roman avec de nobles amérindiens, en phase avec la nature. Ce qui peut marcher, sauf si on met les indiens, géants, en bleu, et télépathes. Pour l'hyperridicule, il y a, bin, Gor.

2)L'autre approche est de donner aux personnages des valeurs modernes, même si c'est peu crédible. (Un exemple type serait dans les livres de Christian Jacq la présence récurrentes d'Égyptiennes très libres. Je n'ai aucune difficulté à admettre que les femmes avaient plus de droits dans l'Égypte qu'en Grèce, mais faut pas exagérer non plus. Au Canada, nous avons des séries historiques qui présentent toujours au moins une jeune idéaliste comme féministe convaincue, peu importe le setting-y compris en Nouvelle-France. Le pompom a été atteint dans une série sur un conflit minier avec une mineure républicaine espagnole, au Québec en 1946....)

L'approche médiane étant, évidemment, de présenter les valeurs des personnages comme étant des valeurs normales pour eux. Ce qui est bien sûr plus dur à faire qu'à dire. Alors, comment faites vous ?

Moi j'essaie, dans ce qui demeure dans le domaine du défendable (IE, des valeurs qui semblent rétrogrades, pas choquantes ou révoltantes) d'éviter dans l'image d'Épinal, en me basant sur la réalité.

Par exemple, le marriage arrangé. Dans mon setting, dans presque toutes les nations, les mariages sont plus ou moins arrangés. Mais ce n'est pas parce que c'est un marriage arrangé que les parents ne se soucient pas du tout de l'avis et des goûts de leurs progéniture. Sauf pour les mariages royaux, on essaie généralement de trouver des partenaires qui s'entendent bien (1) avec une différence d'âge acceptable.

(1)C'était en tout cas de cette façon que les mariages ''arrangés'' au Québec/Nouvelle-France se présentaient.
Mon texte en cours, ''Endgame''. Bêta bienvenues

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arwen

Re: Les valeurs dissonnantes

Message par arwen »

Salut,
personnellement, formation en histoire oblige, je déteste retrouver des concepts, des systèmes de valeurs anachroniques dans un roman, film historique. Voir christophe colomb parler droits de l'homme dans 1492 a le don de me hérisser le poil, autant que s'il conduisait une deux chevaux. Au cinéma, c'est clairement une facilité marketing vis à vis du public, alors qu'en littérature, j'assimile cela à de la fainéantise et du je m'en foutisme de la part de l'auteur... Je referme illico le bouquin.

ce qui est vrai d'une période à l'autre, est vrai aussi d'un pays à l'autre. J'écris beaucoup sur le Moyen-Orient. Ce n'est pas exactement notre société. Bon, la plupart du temps, je m'arrange pour donner un petit contour européen à mes personnages ( par le biais de leurs études, de leur famille), histoire de retrouver un terrain sociologique que je connais mieux, mais ce n'est pas toujours le cas.
J'ai écrit un roman qui se passe en 1948 en Palestine. Dans un village. Mes personnages expriment les pensées de leur époque, de leur milieu. Le garçon est même assez traditionnel. Il réfléchit comme un petit paysan male musulman de l'époque. Avec une certaine ouverture d'esprit cependant vu son jeune age et son éducation. Mais oui, il a sa vision des femmes ( c'est un peu le sujet du roman autour d'une jeune fille violée), de la société, de la religion, qui sont les siennes et pas les miennes (même si je le bouscule un peu avec les évènements qu'il doit traverser !).
Par contre, mes personnages féminins ont tous quelque chose d'assez féministe (même la jeune fille dans ce roman). Ça c'est mon coté militant. Et je ne trouve pas ça gênant : le mouvement féministe n'est pas né dans les années 70 ! ;) Ça a le don d'énerver certains mecs, mais par les temps qui courent, j'assume ! :) J'vois pas trop le problème de la série que tu cites. C'est un parti pris assumé visiblement. Et les républicains espagnols ont du émigrer face à Franco donc ce nest pas incroyable comme histoire... Ca tient debout à première vue.
Après, tous mes personnages ne sont pas blancs comme neige niveau morale ou actes. Ils font des trucs que je n'approuve pas forcément. Dans ma dernière nouvelle, le personnage principal est simplement un gros con raciste. Je déteste cela... mais je ne vais pas modifier le personnage pour autant ! ;)
Si j'écrivais un roman qui se déroulerait je ne sais pas durant l'Antiquité grecque, je ne mettrai pas à donner un discours anti-esclavagiste à un bonhomme lambda, quand cela était tout à fait accepté dans la société. Par contre, j'hésiterais moins au 18e e tau 19e, là où le mouvement anti esclavagiste a réellement existé (même si minoritaire).
ah oui, j'aime bien avoir des personnages en décalage avec le reste de leur société. Dans un roman dont l'action se situe aujourd'hui, à Jérusalem, j'ai un bonhomme très athée au milieu d'une société, une famille très croyante. Ca crée bien sur des tensions, des conflits... c'est intéressant, je trouve (mais il faut que ça reste crédible, et ne pas faire réciter la déclaration des droits de l'homme à Christophe Colomb, quoi ! )

AngeDechu
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Re: Les valeurs dissonnantes

Message par AngeDechu »

En ce qui concerne la républicaine espagnole de mon exemple c'est que la région où l'intrigue se passe est assez reculée et assez peu peuplée. C'est comme s'il y avait un mineur turc dans Germinal.
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arwen

Re: Les valeurs dissonnantes

Message par arwen »

J'ai pas vu la série, mais bon l'immigration donne des parcours si variés qu'une justification crédible est pas impossible ( je dis pas que celle de la série le soit, puisque je ne l'ai pas vue). Une douzaine de philippins se sont bien retrouvés près de chez moi, au fin fond de la Bretagne pour bosser dans un abattoir de volailles, tu sais... Et je connais un ou deux algériens qui sont arrivés dans les années 60 et ont atterri dans les carrières de granit, pareil dans un coin paumé, donc tu vois...

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Mala Senca
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Re: Les valeurs dissonnantes

Message par Mala Senca »

Voilà un sujet que je trouve très intéressant. :) Pour ma part j'avais déjà réfléchi beaucoup avant même de me mettre à écrire à quelles sont les valeurs de mes différents peuples, cela allant de paire pour moi avec tout le système religieux, folklorique, les traditions, etc. C'est un univers vraiment médiéval, alors l'idée de donner des valeurs modernes à mes persos ne m'est pas vraiment venu à l'esprit (plutôt l'inverse, j'ai à tout prix voulu éviter le côté 'américain du 20e siècle en costume médiéval'), donc même mes persos considérés comme 'modernes' pour les conservateurs sont quand même convaincus que la monarchie absolue c'est le bien et pareil pour les mariages arrangés. ^_^ (avec plus ou moins de nuances). Ce qui m'a surtout intéressée c'était d'imaginer le 'choc des cultures' entre les différents peuples, car s'il n'y en a pas un plus moderne que l'autre dans sa pensée, ils ont tous des valeurs différentes qui font que l'autre passe pour un barbare quand il pense différemment. (typiquement, je me suis inspirée de l'empire ottoman avec les turcs qui étaient considérés comme des barbares sanguinaires par les européens à cause de leur façon de combattre très 'sauvage' mais qui avaient également une immense civilisation et étaient plus 'civilisés' que les européens sur certains aspects).

Enfin bref, du coup j'essaie de m'adapter à mes persos qui ont des valeurs qui ne sont pas les miennes, et le contexte assez violent autour m'aide pas mal. Ce qui est difficile en revanche, c'est d'essayer de faire en sorte que du coup les 'héros' n'apparaissent pas comme des monstres aux yeux des lecteurs parce que certaines choses qui nous paraissent inenvisageables de nos jours ne les choquent pas. ^_^' Donc j'essaie quand même d'y aller à petite dose (jamais je ne partirai sur un trip avec des persos qui considèrent que la pédophilie est normale, par exemple...) , mais le problème s'est quand même posé de façon sérieuse dans l'écriture il n'y a pas longtemps, quand dans un même chapitre les 'héros' et les 'antagonistes' donnent l'impression de rivaliser de cruauté. =_= (la différence étant que d'un côté ces actions apparaissent comme normales alors que de l'autre elles sont exceptionnelles voire choquantes quoique justifiables)
C'est effectivement difficile de doser à quel niveau se situe la 'normalité' des valeurs pour une époque et des civilisations différentes, et j'ai l'impression que même en voulant être le plus logique possible on sera toujours un peu à côté de la plaque. Trop déformés par notre propre civilisation. :)

(hum, désolée par contre, j'ai l'impression que c'est tout confus et que je suis un peu du côté du sujet en plus de la plaque :p)

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Iluinar
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Re: Les valeurs dissonnantes

Message par Iluinar »

Juste une remarque qui me vient à l'esprit. En fantasy, on a souvent tendance à considérer que le système de valeur de type médiéval européen est le seul possible pour une civilisation peu avancée techniquement. Je trouve que c'est un peu réducteur et bien dommage. Pourquoi ne pas envisager des pays avec des systèmes de valeurs plus "modernes". Après tout, beaucoup de choses considérées comme modernes aujourd'hui ne le sont pas tant que ça. N'oublions pas, par exemple, que la démocratie a été inventée dans la Grèce antique. Même si la démocratie grecque était différente de nos systèmes modernes sur bien des points, il n'empêche que le principe était là.

anonymetrois

Re: Les valeurs dissonnantes

Message par anonymetrois »

J'aime bien ta remarque, Iluinar, mais j'aimerais l'emmener dans une autre direction : les valeurs non pas modernes, mais non-occidentales.

Par exemple, le système de castes sociales héréditaires impose des contraintes très fortes à tous les personnages, mais donne aussi des repères puissants, des valeurs importantes. Je ne juge pas le système en lui-même, mais comme décor pour des histoires, il procure beaucoup de possibilités, à conditions que l'auteur rende évidentes et concrètes les valeurs de ses personnages.

J'ai un exemple récent en tête. Dans Shades of Grey, de Jasper Fforde, toute l'humanité a perdu la vision des couleurs naturelles excepté une seule nuance (vert, bleu, jaune, rouge, violet, etc...). Les Gris sont incapables de percevoir aucune couleur, et se retrouvent au pied d'une échelle sociale couronnée par les Violets. Toute la société est donc classée par couleur, avec une hiérarchie très marquée, une ségrégation sociale, des caractères stéréotypés pour chaque couleur (e. g. acide pour le jaune), etc. Et cela fonctionne très, très bien dans le roman, qui relève du policier, du récit initiatique et un peu du thriller. Et de la SF, évidemment.

Garg
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Re: Les valeurs dissonnantes

Message par Garg »

Concernant les systèmes de valeurs, j'ai tout de même l'impression qu'on va en privilégier un qui ne fonctionne pas.

Sinon, dans un monde parfait, avec des personnages parfaits, difficile de dérouler une histoire remplie de conflits...

Donc, parler d'un système qui ressemble au nôtre, mais avec des points négatifs en plus (si, si c'est possible !), c'est un réservoir de friction à ne pas négliger.

Bélier, quand tu parles de systèmes originaux, le fond du système semble un "système" :
- un ensemble de règles, érigé de façon plus ou moins autoritaire et maintenu de façon plus ou moins coercitive (ma définition personnelle)

Que les règles soient originales, tant mieux. J'espère me tromper. Mais pour l'instant, je n'ai pas vu un système qui ne donne pas du pouvoir à quelques uns sur d'autres, d'une façon arbitraire, et amenée par la tradition ou la logique ou la supériorité, etc.

Donc, cela me semble assez universel, en définitive.

AngeDechu
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Re: Les valeurs dissonnantes

Message par AngeDechu »

Oui, il faut préciser ici que les valeurs dissonnantes, ca marche mieux quand on peut s'y relier vaguement. Mieux, ou faire davantage ''culture terienne dans l'espace''....

Par exemple, si la culture ne comprend pas le sens du marriage parce qu'ils ont une reine fertile pour dix mille ouvrières, bon, disons que leurs valeurs seront forcément différentes des notres....
Mon texte en cours, ''Endgame''. Bêta bienvenues

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AngeDechu
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Re: Les valeurs dissonnantes

Message par AngeDechu »

Garg a écrit :Concernant les systèmes de valeurs, j'ai tout de même l'impression qu'on va en privilégier un qui ne fonctionne pas.

Sinon, dans un monde parfait, avec des personnages parfaits, difficile de dérouler une histoire remplie de conflits...

Donc, parler d'un système qui ressemble au nôtre, mais avec des points négatifs en plus (si, si c'est possible !), c'est un réservoir de friction à ne pas négliger.

Bélier, quand tu parles de systèmes originaux, le fond du système semble un "système" :
- un ensemble de règles, érigé de façon plus ou moins autoritaire et maintenu de façon plus ou moins coercitive (ma définition personnelle)

Que les règles soient originales, tant mieux. J'espère me tromper. Mais pour l'instant, je n'ai pas vu un système qui ne donne pas du pouvoir à quelques uns sur d'autres, d'une façon arbitraire, et amenée par la tradition ou la logique ou la supériorité, etc.

Donc, cela me semble assez universel, en définitive.
D'un autre coté, si la société de fantasy a des valeurs complètement ridicules, qui ne fonctionnent manifestement pas et que tout le monde méprise, on va se demander pourquoi seul le héros les rejettent....
Mon texte en cours, ''Endgame''. Bêta bienvenues

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Garg
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Re: Les valeurs dissonnantes

Message par Garg »

AngeDechu,

D'un autre côté, on peut relier cela à d'autres organisations de nos insectes ou animaux terrestres et s'identifier pour une part (quand on voit les films d'animation sur les fourmis par exemple, dans une moindre mesure).

Les valeurs dissonantes (ton titre), cela me fait penser aux théories de Festiger.

PS: marriage, c'est en anglais. Si tu es canadien, l'erreur est... humaine. ;)
D'un autre coté, si la société de fantasy a des valeurs complètement ridicules, qui ne fonctionnent manifestement pas et que tout le monde méprise, on va se demander pourquoi seul le héros les rejettent....
Au contraire, ce serait à creuser. Cela voudrait dire que les gens y trouvent un intérêt logique ou y sont forcés. Dans l'écriture, cet aspect logique doit ressortir mais pas tout de suite. Le lecteur va ainsi se poser la question et trouver une réponse au fur et à mesure du texte. Cela me rappelle le prisonnier : dans le village, on dirait qu'il est libre. Puis, petit à petit, toutes ses tentatives se soldent par des échecs et les "bornes" du village apparaissent plus clairement.

anonymetrois

Re: Les valeurs dissonnantes

Message par anonymetrois »

Garg a écrit :Concernant les systèmes de valeurs, j'ai tout de même l'impression qu'on va en privilégier un qui ne fonctionne pas.

Sinon, dans un monde parfait, avec des personnages parfaits, difficile de dérouler une histoire remplie de conflits...

Donc, parler d'un système qui ressemble au nôtre, mais avec des points négatifs en plus (si, si c'est possible !), c'est un réservoir de friction à ne pas négliger.
Mais aucun "système" n'existe dans la nature. Ils sont construits avec beaucoup d'efforts, maintenus par la transmission des valeurs, l'éducation et la pérennité. Les systèmes durent parce qu'ils répondent (à peu près) aux besoins de chacun et surtout, parce qu'ils donnent une place, même subalterne, à tous.

Par exemple, la société viking laissait une place à la violence ; le meurtre était puni d'amende (le wergild). D'un autre côté, leur subsistance même dépendait de leurs raids vers le sud, ils vivaient donc de la violence et par la violence.

Les enfants pouvaient être exposés à la naissance, nourrissons abandonnés à la nature. C'est cruel, mais nécessaire. Avec leurs conditions de vie, un enfant de plus ou de moins à nourrir pouvait effectivement causer l'effondrement d'une communauté.

Parler de points négatifs ou positifs, c'est déjà juger. Mais les sociétés ont toujours eu besoin de survivre à leur milieu, ce qui exige des valeurs et des mœurs adaptés. Une société non pérenne s'effondre, et il y a d'innombrables exemples historiques. N'oublions pas que nous vivons dans une époque de relative abondance, avec assez de place pour le superflu pour une majorité.
Bélier, quand tu parles de systèmes originaux, le fond du système semble un "système" :
- un ensemble de règles, érigé de façon plus ou moins autoritaire et maintenu de façon plus ou moins coercitive (ma définition personnelle)

Que les règles soient originales, tant mieux. J'espère me tromper. Mais pour l'instant, je n'ai pas vu un système qui ne donne pas du pouvoir à quelques uns sur d'autres, d'une façon arbitraire, et amenée par la tradition ou la logique ou la supériorité, etc.
Mais quand tu dis ça, tu sembles considérer l'autorité, les structures sociales, comme des tyrannies. Cependant elles répondent à des besoins.

Prenons l'autorité féodale au Moyen Âge : assise sur le droit du sang et la religion, elle nous semble aujourd'hui brutale, injuste et arbitraire. Néanmoins, les seigneurs féodaux répondaient à un besoin qui n'était à l'époque pas un acquis : la protection. Une noblesse militaire correspond à un monde sans sécurité, où ne méritent la terre que ceux qui peuvent la défendre. Et il fallut que la noblesse négligeât ses devoirs pendant longtemps, et se perdît en fastes scandaleux à Versailles, avant qu'une révolution n'éclate : preuve qu'un tel système, basé sur la force assumée, possède une signification évidente et une certaine solidité.

Ce ne sont pas les théoriciens qui font les sociétés, c'est pourquoi elles ne sont pas idéales. Il faut qu'elles répondent, d'abord aux besoins matériels minimaux, ensuite au besoin de chacun d'avoir une place dans un ensemble qui le dépasse et possède un sens puissant. Ce qui peut signifier une religion, ou un nationalisme, ou les valeurs de 1789... ou n'importe quel idéal fédérateur. Et puis une langue, une culture, un sentiment d'appartenance.


Donc ce qui me choque en fantasy, c'est davantage de voir des sociétés "occidentales idéales" (égalité des sexes, tolérance de l'homosexualité, absence de patriotisme et de méfiance entre peuples, gouvernement démocratique, liberté d'expression, liberté de circulation...) que de voir des sociétés injustes.

Mais mettre en scène une société où, disons, l'homosexualité est punie de mort, les femmes n'ont pas le droit d'apprendre à écrire et des dragons dirigent en despotes absolus est très délicat. On peut facilement tomber dans des fantasmes aux implications malheureuses (comme par exemple Gor, de John Norman). Et puis c'est tout simplement difficile.

Garg
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Re: Les valeurs dissonnantes

Message par Garg »

Bélier a écrit :Mais aucun "système" n'existe dans la nature. Ils sont construits avec beaucoup d'efforts, maintenus par la transmission des valeurs, l'éducation et la pérennité. Les systèmes durent parce qu'ils répondent (à peu près) aux besoins de chacun et surtout, parce qu'ils donnent une place, même subalterne, à tous.
D'accord avec toi, un système répond au besoin d'un certain nombre. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne peut pas être négatif ou positif vis à vis des gens qui le vivent ou le subissent.

Pourquoi juger un système ? Ce n'est pas moi qui juge, ce sont les personnages. Si je veux faire passer un message idéologique au lecteur, ce dernier va trouver que je sors de mon rôle d'auteur pour devenir idéologue. En général, on n'aime pas se voir endoctriner, non ?

Donc, le système est là pour les personnages et transparaît à travers leurs yeux. Donc, le narrateur omniscient n'est, je trouve, pas forcément une bonne idée pour décrire un système.

Comme tu le dis, ce sont les personnages qui feront vivre le système, le feront perdurer, ou pérécliter avec plus ou moins de facilité et de bonheur pour eux (révolution !).

S'il t'a semblé que je jugeai, alors je me suis mal exprimé. Parler d'autorité ne veut pas dire que celle-ci est dure, stupide ou inopérante. Ce peut être un fait dans le système décrit. Un genre de lien hiérarchique en dehors de l'entreprise...

Mon point de vue est de dire que tous les systèmes se ressemblent, si on les prend vu d'en haut.
Mais je veux bien que quelqu'un me détrompe, cela me fera progresser :D

Et je précise : en littérature. Sinon, on peut toujours parler de coopérative, de Cocyclics, etc.
Mais on n'est pas là pour cela (c'est bien mieux d'en discuter IRL).

anonymetrois

Re: Les valeurs dissonnantes

Message par anonymetrois »

D'accord avec toi, un système répond au besoin d'un certain nombre.
Ce que je veux dire, c'est qu'un système pérenne répond forcément aux besoins du plus grand nombre, d'une très large majorité. A moins que cela, il s'effondrera. Mais quand je dis besoins, c'est besoins et rien de plus. Il est possible que la satisfaction des désirs matériels, le confort, la liberté, le droit de parole, le pouvoir de décision soient réservés à une très petite partie de la population. Les besoins fondamentaux : sécurité physique, nourriture et sommeil, abri et logement, reproduction et famille, acceptation dans un groupe, conscience de faire partie d'une société structurée, adhésion à des valeurs communes (religieuses éventuellement)... Aucune autorité ne peut survivre si elle prive ses sujets de ces choses-là.

Quand on remet en cause une société, il n'est pas suffisant de critiquer ses défauts, ses injustices ou même ses crimes. Il faut proposer un autre modèle qui permettrait d'assurer la subsistance. Et il faut encore convaincre les intéressés de l'adopter, ce modèle. Renverser un tyran et plonger une société dans le chaos, ce n'est pas une victoire. Or très souvent, les personnages de rebelle se contentent de traiter la partie "renverser le tyran", et le scénario s'arrête opportunément au moment glorieux de la victoire avec l'idée que tout va s'arranger tout seul ensuite. Et je trouve ce type de scénario un peu trop facile.

AngeDechu
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Re: Les valeurs dissonnantes

Message par AngeDechu »

Bélier a sorti un excellent point, à savoir que les ''valeurs différentes'' peuvent clairement ressortir comme un fantasme de la part de l'auteur, ce que TV Trope nomme l'autor appeal.

Ceci dit, dans le cas précis de Gor, l'auteur ne cachait pas exactement qu'il aimait beaucoup se faire donner des coups de fouet ou en donner. Gor est le summun du ridicule, mais c'est un peu reprocher à un film coquin d'avoir juste des scènes de sexe....
Mon texte en cours, ''Endgame''. Bêta bienvenues

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