Métissage a écrit : ↑mer. juin 02, 2021 11:12 am
Merci beaucoup pour ce gentil commentaire Macada

. Une vision constructive qui fait du bien.
Et merci Kashiira.
À dire vrai, ce matin j'ai plutôt honte de m'être épanché autant, de surcroît sur un fil qui n'est pas le mien. Pardon pour ce parasitage Elikya.
Ne t'excuse pas, les partage d'expérience et d'émotion sont les bienvenus sur ce fil.
Nous sommes auteurs et autrices, nous sommes sensibles, et parfois nous avons besoin de nous exprimer auprès d'oreilles bienveillantes, c'est l'une des raisons d'être de cocyclics.
Je ne t'ai pas répondu de suite, Metissage, parce qu'il y a plein de choses dans ton message et que je voulais y réfléchir à tête reposée pour ne pas dire (trop) de bêtises.
Métissage a écrit : ↑mar. juin 01, 2021 11:10 pm
1978: j'ai 17 ans. Je viens d'achever ma 10 ou 12 ème nouvelle. Je m'apprête à en envoyer une ou deux à Fiction, la revue référence de l'époque que j'achète telle une bible chaque mois. Or dans un numéro de ce début d'année, Mr Alain Dorémieux, rédacteur en chef de la revue, publie un éditorial lapidaire où il conseille aux jeunes auteurs d'aller cultiver des pommes de terre plutôt que d'écrire parce qu'il y a plus d'avenir dans cette activité!!! Bon, ben j'envoie rien.
C'est tellement dur, c'est tellement dommage.
Si ce monsieur ne veut plus recevoir de textes, qu'il le dise, mais cela ne reflète que son avis personnel et ce n'est pas une raison pour décourager tout le monde.
Ça y est, j'ai 21 ans. J'approche la centaine de nouvelles et miracle la convention nationale de sf se tient à Dijon, ma ville. J'y rencontre plein d'auteurs, certains pour lesquels les temps sont durs, d'autres plus heureux. Surtout j'y croise aussi des passionnés locaux qui éditent un fanzine. Une belle rencontre. La relation devient amicale et ils me demandent de leur soumettre un texte, ce que je m'empresse de faire. L'association est mise en faillite dans le mois qui suit et je n'aurai jamais de retour.
Oui, malheureusement cela arrive. Je ne dirais pas que c'est fréquent, mais de trop nombreux auteurs traversent ce genre de mésaventure au début, parce que nous commençons souvent avec de petits éditeurs sans moyens humains et financiers. Mon roman, Kaefra, devait sortir chez Asgard, une collection de Lokomodo (contrat signé, corrections faites, couverture prête), mais l'éditeur a fermé juste avant la sortie. Dix ans plus tard, je ne sais toujours pas quoi faire de ce texte.
Bref... persévérance et acharnement sont indispensables pour atteindre la publication. Soit, il faut accepter ce risque, soit il faut viser des éditeurs avec une assise solide (un distributeur par exemple), mais ils sont plus difficiles à convaincre.
Je viens de dépasser les 200 nouvelles. Il y a également 3 ou 4 romans dont les bases sont bien avancées. L'un d'entre eux, en littérature générale, me permet d'obtenir le pass pour la finale du concourt de l'IDHEC (Institut des hautes études cinématographiques) avec une note de 19,5/20. J'exulte puis je déchante. Le concourt est "truqué" et ne vise qu'à fournir des bases de scénarios s'ils ne sont pas protégés. Le fils d'un gros producteur m'annonce dès le premier soir qu'il connait déjà la liste des élus. C'était vrais, j'ai pu le vérifier puisqu'il nous l'a communiquée et je n'en fait pas partie. Merci à mes amis qui m'ont permis d'anticiper, mon histoire m'appartient toujours.
Oui, certains éditeurs traitent les auteurs comme des mouchoirs jetables. Ce n'est pas toujours facile de s'en rendre compte avant.
Je n'ai plus envie d'écrire.
Ton rêve s'est confronté à la réalité. Comme le dirais Boulet : "Dur est le parpaing de la réalité sur la tarte aux fraises de nos illusions."
Le monde éditorial est très défavorable aux auteurs. Il est dur, âpre et tortueux pour tous les auteurs, parce que nous sommes structurellement dans un rapport de force inégal. Il en résulte de terribles désillusions pour tout le monde. Les témoignages en ce sens pullullent, chez les auteurs débutants, comme chez les auteurs confirmés. Nous avons besoin de collectifs forts et de solidarité pour renforcer nos droits.
Malgré tout, comme la plupart des membres de cette mare, je ne peux exister sans cette créativité. Alors je prends des notes dans des carnets, plus d'autres carnets et encore des carnets supplémentaires.
Mais oui, c'est ça le plus important.
Aimer écrire. Aimer écrire malgré tout. Aimer écrire pour le plaisir de l'acte et non pour l'éventuelle publication possible.
2012 un concourt lancé pour un recueil de nouvelles pour les utopiales dirigé par JC dunyach et Jeanne A Debat trouve écho sur cocy. Je ne découvre l'AT que 48 heures avant l'échéance. 48k sec que j'adresse à une minute de l'échéance. Verdict de Mr Dunyach irl à Nantes. C'est un super syno pour un roman. Travaille! J'ai mis 7 ans à avaler la pilule, convaincu que j'étais juste un bon lecteur.
Ce n'étais pas une pilule, c'était un cadeau.
Si Jean-Claude te dit que c'est un super syno, alors c'est vrai. Je pense que c'était aussi une porte ouverte, tu aurais pu lui envoyer le début du roman, par exemple.
Vraiment, c'était un encouragement, il a vu quelque chose en toi, comme il a vu quelque chose en moi. Un super syno, c'est déjà une base de travail énorme ! Tu me donnes envie d'écrire tout une lettre du mois sur ce sujet (comment faire la différence entre un refus et un encouragement).
Je n’avais pas de talent sinon j’aurais osé plus tôt, mais j’ai progressé dans tous les autres domaines

.
Je pense que le talent, c'est un mythe inventé par ceux qui ne connaissent pas le pouvoir du travail. Écoute les auteurs publiés parler, et tu verras qu'aucun d'entre eux ne parle de talent, mais qu'ils parlent tous de travail.
J'ai donc passé les 7 années suivantes à reprendre comme il l'avait fait, tous mes écrits. Un tri sans concession, une réécriture systématique de ce que je trouvais exploitable, plus de 3500 textes

. Au final il reste 463 nouvelles ou base solides et une bonne vingtaine de romans. Me reste à attaquer les 5 derniers carnets. À mon sens, les plus aboutis puisque les plus récents. Une soixantaine de textes supplémentaires.
À mon avis, c'est une bonne idée, de faire du tri. Je te recommande de choisir au maximum trois projets et d'aller jusqu'au bout des corrections. L'éditeur d'Anergique me disait que les corrections comptent plus que le premier jet et je pense qu'il a raison. Personne ne juge un texte sur la qualité du premier jet, mais les éditeurs et les lecteurs le jugent sur la qualité des corrections. Savoir écrire, c'est surtout savoir corriger.
J'aimerais que tu te penches, que tu apportes ton regard sur cette idée de "je ne suis pas légitime", le fameux syndrome de l'usurpateur.
Une idée comme ça!

parce que je suis toujours dans le même doute!
Le syndrome de l'imposteur est un buisson de ronce. Il repousse sans cesse.
Aucune validation extérieure ne permet de le vaincre.
Je pensais que je serai une véritable autrice le jour où je serai publiée, puis le jour où mon roman serait en librairie, puis le jour où je serai invités en salon, puis le jour où je ferai une intervention scolaire, puis le jour où... c'est sans fin. J'ai fait tout cela et le syndrome de l'imposteur est plus fort que jamais, ce soir.
Tu écris, donc tu es un auteur.
